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Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine

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Philippe Moutenet

Philippe Moutenet

Conseil d’administrationConseil scientifiqueDirecteur des études sur les affaires sociales

Biographie

Ancien associé d’un cabinet d’audit et de conseil.

Philippe Moutenet dirige les études autour des affaires sociales à l’institut.

Notes publiées

Réforme de notre système de soins : remaillage de l’offre de premier recours et de proximité sur le territoire autour de l’hôpital de proximité

Fiche thématique de résistance et de proposition n°4 I. Le contexte L’engorgement des services des urgences hospitalières s’explique par une situation critique des services d’urgence mais aussi par une offre de premier recours déficiente au regard des besoins en santé de la population. Faute d’une réponse satisfaisante en amont, « les urgences sont devenues le premier recours médical de nombreuses personnes » selon le professeur André Grimaldi. Le cap des 20 millions de passages par an aux urgences a été franchi en 2019 dont « plus de la moitié sont injustifiés et auraient dû logiquement trouver une réponse en médecine de ville ». L’application à l’hôpital de méthodes de management issues du monde de l’entreprise et la transformation de « l’hôpital de stock à l’hôpital de flux », se sont traduites par la suppression de 100 000 lits sur 20 ans. La saturation des services d’urgence se traduit par des heures passées sur des brancards à attendre, alors qu’il s’agit là d’une cause établie de surmortalité et des morts qualifiées d’« inattendues », relatives à un défaut de prise en charge dans les services d’accueil des urgences. » La situation de la médecine de ville est plus que préoccupante : 7 millions de personnes n’ont pas de médecins traitants dont 700 000 sont en affection de longue durée (ALD). Un généraliste sur deux refuse aujourd’hui des nouveaux patients et 30 % de la population vit en zone sous-dotée contre 8 % en 2012 (Que choisir, 2019). Le diagnostic posé sur la médecine de ville par le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) est édifiant : « nous sommes dans une situation de crise » et il y a « urgence à agir ». Le taux de participation des médecins libéraux aux gardes la nuit et les jours fériés n’est que de 38,5 % (Conseil de l’ordre des médecins, 2021). Plus de la moitié des départements n’ont pas de sites dédiés aux gardes ou dans moins de la moitié de leurs secteurs. Dans 35 départements, il n’y a pas de système de garde mobile pour s’occuper des patients qui ne peuvent pas quitter leur domicile ou qui sont hébergés dans des EHPAD.  Enfin, notre système de couverture santé organise dans les faits une inégalité financière d’accès aux soins en faisant une large place aux complémentaires. C’est plus de 1,6 million de personnes qui seraient ainsi touchées par le phénomène de renoncement aux soins pour des raisons financières.  II. Ce que nous proposons Trois grands principes fondateurs doivent guider la réforme de notre système de soins :  Partir des besoins du patient qui doit être replacé au cœur de la réflexion sur la réforme et à qui il faut proposer une prise en charge cohérente sur le territoire. S’appuyer sur les deux piliers de la réforme que sont l’hospitalier et l’ambulatoire, qu’il faut cesser d’opposer. Dans un contexte de démographie médicale encore défavorable dans les 10 prochaines années, améliorer les dispositifs existants tout en s’appuyant sur eux.  Cela suppose :  De redonner les moyens à la médecine ambulatoire de proposer une offre de premier recours et de proximité capable de répondre aux besoins en matière de soins non programmés et de permanence des soins (gardes les nuits et les jours fériés). C’est une condition essentielle pour soulager l’hôpital d’une charge qui ne doit pas lui revenir. De recentrer l’hôpital public sur son cœur de métier : les urgences vitales, la réalisation d’actes techniques de pointe, les maladies aigües graves, la complexité médicale et la formation des médecins. Recommandation 1 : Remailler sur le territoire l’offre de soins de premier recours selon une architecture tripartite dont le centre de gravité est l’hôpital de proximité  :  des hôpitaux de proximité (gouvernance partagée), qui constituent le cœur névralgique du système de soins, dotés des moyens pour offrir : des consultations externes pour les différentes spécialités, des lits de médecine aiguë notamment pour les pathologies gériatriques, des lits de soins palliatifs, des lits de convalescence et de soins de suite rééducation, une maison médicale de garde ouverte de 20 heures à minuit, une chambre de garde pour les effecteurs mobiles ; des structures permettant l’exercice collectif de la médecine : cabinets de groupes d’au moins 5 médecins, centres de santé et maisons pluridisciplinaires de santé avec des infirmières de pratique avancée notamment pour assurer le suivi de certaines ALD comme les diabétiques, des assistantes sociales et enfin des assistantes médicales. Il faut donner à ces structures les moyens d’investir en matériel et de se doter d’un secrétariat médical qui constitue un maillon indispensable. Ce qui suppose de porter le prix de la consultation non pas à 35 euros comme prévu d’ici la fin de l’année mais à 46 euros dont 20 pour financer les investissements nécessaires en contrepartie d’un cahier des charges contractualisé avec l’Assurance Maladie, précisant les engagements en termes d’investissements, de prise en charge des soins non programmés et de participation à l’effort de garde ; d’EHPAD dotés chacun d’au moins 2 lits d’urgence médico-social pour des besoins médicaux-sociaux aigus ne méritant pas une hospitalisation.  Recommandation 2 : organiser un plan de sauvetage pour répondre sans délai à la crise sans retarder une nécessaire refondation de l’hôpital public  Renforcer l’attractivité du métier, ce qui suppose d’agir sur la charge de travail en visant un ratio de personnel cohérent avec une prise en charge de qualité des patients et sur les salaires en revalorisant prioritairement ceux des infirmières  et des aides-soignantes : respectivement 2000 euros en début de carrière contre 1500 et 1600 euros contre le SMIC.  Revoir le financement des hôpitaux en réservant la tarification à l’activité (T2A) à des actes techniques et les soins programmés. Pour le reste, prévoir une enveloppe globale dont la gestion et le suivi seraient placés sous la supervision d’un comité des sages avec une gouvernance partagée : agence régionale de santé (ARS), hôpital. Dans cette perspective, il est essentiel de redonner aux ARS un vrai pouvoir régional dans leur relation de travail avec les CHU et CH de leur région. Recommandation 3 :

Par Moutenet P.

23 juin 2024

L’entreprise de demain, un bien commun au service de l’intérêt général

I. Le contexte La démocratie s’est arrêtée aux portes de l’entreprise. Le capital est prédominant dans la prise de décision, les droits politiques au sein de l’entreprise étant dépendants de l’apport en capital financier. Or, les actionnaires et leurs représentants au sein du conseil d’administration ne défendent que leurs propres intérêts : celui de la maximisation de la valeur actionnariale et des versements de dividendes. Au cours des quarante dernières années, cette tendance s’est exacerbée avec la financiarisation croissante de l’économie ; le partage de la valeur ajoutée (VA) se fait de plus en plus en faveur des actionnaires. Ainsi, l’augmentation des revenus du travail n’est plus indexée sur celle de la productivité. De leur côté, la rémunération des actionnaires atteint des niveaux indécents (les sociétés du CAC 40 ont versé 67 milliards d’euros de dividendes purs en 2023. Les rachats d’actions par les entreprises, ayant souvent pour objectif d’augmenter leur valeur grâce à une diminution de leur nombre, ont représenté 30 milliards d’euros). Les actionnaires stables ont laissé la place à des fonds de capitalisation vautours : les actionnaires sont très souvent aujourd’hui extérieurs à l’entreprise. Ces fonds sont intéressés au seul rendement court-terme, au détriment de la vision stratégique de l’entreprise : la part des investissements dans la valeur ajoutée a ainsi nettement baissé (Durand, Gueuder, 2018). Cela conduit à une double impasse, ce mode de gouvernance d’entreprise étant devenu absolument incompatible avec les enjeux auxquels nous faisons face et avec les tendances de fond imprégnant le monde du travail. D’abord avec l’impossibilité de mettre en place les investissements nécessaires à la transition écologique et climatique, pourtant indispensable. Ensuite, du fait de la crise de légitimité de l’entreprise capitaliste :  d’abord parce que le rapport au travail a profondément changé (évolution portée en particulier par les jeunes générations qui expriment des attentes nouvelles sur le sens du travail, leur place et leur rôle dans l’entreprise). Ensuite parce qu’un mouvement de fond attribue à l’entreprise une responsabilité sociale et environnementale, voire un rôle citoyen. Enfin, parce que la concentration du pouvoir aux mains des actionnaires est devenue un anti-modèle, il semble donc nécessaire d’aller plus loin que la présence de contre-pouvoirs représentant les salariés face à la direction. Il est donc temps de reconnaître la qualité des salariés « investisseurs en travail » à l’égal de celles des actionnaires, « investisseurs en capital ». Nous proposons de refonder la gouvernance d’entreprise en ne visant pas qu’un partage plus équitable des profits générés mais bien celui du pouvoir. Mettre en œuvre ces propositions nous semble absolument nécessaire, car l’entreprise actionnariale actuelle ne changera jamais d’elle-même. II. Permettre le partage du pouvoir Créer un nouveau statut d’entreprise, l’entreprise à responsabilité sociale partagée, visant à devenir un modèle alternatif crédible à l’entreprise actionnariale, afin de répartir égalitairement le pouvoir entre actionnaires et salariés (considérés comme parties constituantes de l’entreprise). Le programme du NFP propose qu’un tiers des sièges reviennent aux salariés : cette proposition amorce une trajectoire positive que nous souhaitons plus ambitieuse pour aboutir à un véritable changement du cadre de référence de l’entreprise actionnariale. Nous proposons donc que le pouvoir soit réparti égalitairement (50/50). Inclure dans le statut de l’entreprise que son objectif premier est de privilégier une mission spécifique et non la maximisation du profit.  Fonder la rémunération des dirigeants aussi sur la performance sociale et environnementale et la réalisation d’objectifs définis en rapport avec la « mission » de l’entreprise, et non plus seulement sur la performance économique de l’entreprise. La création d’un comité des sages avec un rôle de surveillance. Il sera composé des autres parties prenantes de l’entreprise : les collectivités territoriales, les ONG concernées. Ce comité des sages sera doté d’un large pouvoir d’investigation et disposera de la possibilité de déclencher l’équivalent d’une procédure d’alerte en cas de dérives importantes par rapport à la mission. Son rapport annuel ferait partie des états financiers, objet de la certification des comptes, à côté du reporting ESG relatif aux domaines environnementaux, sociaux et de gouvernance. Réconcilier les investisseurs avec la logique de long terme : Conditionner la rémunération des actionnaires à leur implication dans l’entreprise en favorisant les actionnaires durables : l’idée est d’attribuer des droits de vote et des dividendes variables en fonction de la durée de détention des actions, le droit de vote serait assujetti à une durée de détention minimale. Créer un livret d’épargne « entreprise responsable » présentant les mêmes avantages fiscaux pour les épargnants que le livret A. L’épargne collectée viendrait alimenter un fonds « entreprise responsable », dont la gestion serait co-assurée par la Caisse des Dépôts et un comité des représentants des épargnants désignés par les titulaires. Nécessité de mettre en place un organisme de contrôle, évitant que ces financements ne se dirigent vers des entreprises ne remplissant pas les critères présentés. Orienter la commande et les aides publiques vers les entreprises à responsabilité sociale partagée : nous proposons de réserver ainsi 20 % de la commande publique (son montant est estimé à 110 milliards en 2019), et autour de 25 % des aides publiques (le montant de ces aides est compris entre 165 milliards et 200 milliards). III. Que peuvent y gagner les citoyens ? Un réel partage du pouvoir au sein de l’entreprise permettrait aux salariés d’avoir un impact sur leurs conditions de travail, leur rémunération et le sens de leur activité. (On peut également relever une souffrance au travail liée à la réalisation de tâches vides de sens et à une impossibilité pour les employés de réaliser correctement leur travail). Cela  permettrait également des trajectoires professionnelles durables, de bénéficier de formations qualifiantes pour les jeunes, une politique d’emploi des seniors, etc. Il s’agirait également de permettre une remise en cause des normes managériales qui aujourd’hui sont à l’origine d’une intensification du travail.  Faire de l’entreprise un lieu d’exercice de la démocratie. Parce que le partage du pouvoir serait de 50/50. Et parce que ce partage égalitaire du pouvoir permettrait de faire émerger un processus de discussions entre

Par Kleman J., Prosperi J., Bonnevay R., Moutenet P.

22 juin 2024

Pour 500 millions d’euros, soit 6 euros par habitant, une offre de permanence des soins ambulatoires performante est possible

L’engorgement des services des urgences hospitalières dont la presse s’est abondamment faite l’écho au cours de l’été 2022 s’explique par une situation critique des services d’urgence mais aussi par une offre de premier recours déficiente au regard des besoins en santé de la population. Ces constats sont connus et partagés par les différentes missions parlementaires et gouvernementales diligentées ces dernières années. Faute d’une réponse satisfaisante en amont, « les urgences sont devenues le premier recours médical de nombreuses personnes »[1] selon le professeur André Grimaldi. Le cap des 20 millions de passages par an aux urgences a été franchi en 2019 dont « plus de la moitié sont injustifiés et auraient dû logiquement trouver une réponse en médecine de ville »[2]. La saturation des services d’urgence se traduit par des temps d’attente inimaginables il y a encore quelques années, par des heures passées sur des brancards à attendre et, comme nous le verrons plus loin, par des morts, depuis peu recensées, qualifiées d’« inattendues », c’est-à-dire celles relatives à un défaut de prise en charge dans les services d’accueil des urgences. Nous avons fait le choix de ne pas traiter dans cette note des urgences hospitalières qui répondent à une problématique qui leur est propre : manque d’environ 2000 urgentistes, déficit en infirmières et aides-soignantes sous payées en dépit de la revalorisation des salaires décidée dans le cadre du Ségur de la santé, épuisement du personnel et environnement de travail dégradé, insuffisance des lits dans les services et en aval en soins de suite. Nous retiendrons donc comme principal périmètre d’analyse celui de la permanence des soins ambulatoires (PDSA) ou de médecine de ville, appellation donnée à l’organisation de l’offre de soins aux heures de fermeture des cabinets médicaux, à savoir la nuit à compter de 20 heures, les samedis à partir de 12 heures, les dimanches et les jours fériés. Toutefois, l’interaction avec la continuité des soins – il s’agit alors de l’organisation de l’offre de soins pendant la journée aux heures d’ouverture habituelles des cabinets médicaux, centres de soins et maisons de santé –, qu’illustre en particulier le déport de plus de 30% d’activité de la première vers la seconde, nous conduira nécessairement à évoquer partiellement des pistes d’amélioration dépassant le seul cadre de la PDSA. La première partie sera consacrée à un large panorama de la situation, dressé à partir de trois angles de vue distincts mais complémentaires – les urgences hospitalières, la médecine de ville et l’aide médicale d’urgences aux personnes – indispensables pour bien comprendre en particulier les dysfonctionnements de notre système de soins et plus particulièrement de l’offre de soins de premier recours avec les effets de déports d’activité associés selon un mécanisme de vases communicants. Nous dresserons dans la deuxième partie un bilan assez préoccupant de l’organisation existante en matière de PDSA en France, établi à partir des données d’une récente enquête du Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM). Nos propositions s’articuleront autour de deux axes principaux de progrès. Le premier, présenté dans la troisième partie, porte sur la généralisation à l’ensemble des départements d’une offre de PDSA efficace avec des sites de garde dédiés dans tous les secteurs et, à compter de minuit, des effecteurs mobiles. Pour cela, nous nous appuierons sur l’exemple de l’organisation mise en place dans le département de la Loire-Atlantique. Le second axe de progrès, développé dans la quatrième partie, prenant acte d’une démographie médicale défavorable durable, considère impératif de s’appuyer sur l’ensemble des structures médicales existantes proposant un exercice collectif de la médecine de ville. L’idée est de les soutenir financièrement dans leur développement pour les aider à atteindre au plus vite une taille critique qui, comme nous le verrons, est le prérequis indispensable à une offre de soins de premier recours satisfaisante. En contrepartie de ce soutien financier, un engagement de participation à la prise en charge des soins non programmés aux heures d’ouverture des cabinets et à la permanence des soins à compter de 20 heures serait contractualisé. D’autres recommandations plus spécifiques sont aussi proposées. I – Un système de santé en crise dans tous les secteurs et qui n’assure plus une correcte prise en charge des soins non programmés   Dressons en quelques mots le panorama de la situation en matière de prise en charge des soins non programmés urgents ou non (SNP), que résume le schéma proposé ci-dessus[3]. Les structures de prise en charge n’ayant pas évolué au même rythme que l’augmentation des passages aux urgences, les conditions d’accueil des patients et de travail pour les personnels médicaux se détériorent. Les temps d’attente explosent. Une centaine d’hôpitaux créait début 2018 le « No Bed Challenge » visant à recenser le nombre de patients passant la nuit sur un brancard faute de leur avoir trouvé un lit, quand on sait qu’il s’agit là d’une cause établie de surmortalité. Les chiffres sont éloquents : plus de 120 000 à fin mars 2018, soit trois mois après la création de cet indicateur. Un chiffre jugé « incroyable » par François Braun, l’actuel ministre des Solidarités et de la Santé, à l’époque où il était encore président d’un syndicat d’urgentistes. En réponse à la saturation des services d’urgence, Agnès Buzyn, la ministre de l’époque, propose un pacte de refondation des urgences structuré autour de 12 propositions dont la mesure phare est la création du service d’accès aux soins (SAS), à savoir une plateforme d’appels accessible à tous par téléphone 24h/24 et 7j/7. Le pacte prévoit aussi le renforcement de l’offre de consultations médicales sans rendez-vous en cabinet, maison et centre de santé. Une enveloppe de 750 millions d’euros sur 3 ans est débloquée. En mars 2022, la commission d’enquête du Sénat publie un rapport[4] sur la situation de l’hôpital, dont les constats sont dans la droite ligne du pacte de refondation des urgences : offre de soins de premier recours insuffisante, régions sous-dotées, besoins de lits en aval mal anticipés et enfin, services mal organisés. Ces dernières conclusions laissent entendre que l’hôpital pourrait être mieux organisé et que les solutions à trouver sont de nature organisationnelle plutôt

Par Moutenet P.

10 juin 2023

Réforme de notre système de soins : remaillage de l’offre de premier recours et de proximité sur le territoire autour de l’hôpital de proximité

Fiche thématique de résistance et de proposition n°4 I. Le contexte L’engorgement des services des urgences hospitalières s’explique par une situation critique des services d’urgence mais aussi par une offre de premier recours déficiente au regard des besoins en santé de la population. Faute d’une réponse satisfaisante en amont, « les urgences sont devenues le premier recours médical de nombreuses personnes » selon le professeur André Grimaldi. Le cap des 20 millions de passages par an aux urgences a été franchi en 2019 dont « plus de la moitié sont injustifiés et auraient dû logiquement trouver une réponse en médecine de ville ». L’application à l’hôpital de méthodes de management issues du monde de l’entreprise et la transformation de « l’hôpital de stock à l’hôpital de flux », se sont traduites par la suppression de 100 000 lits sur 20 ans. La saturation des services d’urgence se traduit par des heures passées sur des brancards à attendre, alors qu’il s’agit là d’une cause établie de surmortalité et des morts qualifiées d’« inattendues », relatives à un défaut de prise en charge dans les services d’accueil des urgences. » La situation de la médecine de ville est plus que préoccupante : 7 millions de personnes n’ont pas de médecins traitants dont 700 000 sont en affection de longue durée (ALD). Un généraliste sur deux refuse aujourd’hui des nouveaux patients et 30 % de la population vit en zone sous-dotée contre 8 % en 2012 (Que choisir, 2019). Le diagnostic posé sur la médecine de ville par le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) est édifiant : « nous sommes dans une situation de crise » et il y a « urgence à agir ». Le taux de participation des médecins libéraux aux gardes la nuit et les jours fériés n’est que de 38,5 % (Conseil de l’ordre des médecins, 2021). Plus de la moitié des départements n’ont pas de sites dédiés aux gardes ou dans moins de la moitié de leurs secteurs. Dans 35 départements, il n’y a pas de système de garde mobile pour s’occuper des patients qui ne peuvent pas quitter leur domicile ou qui sont hébergés dans des EHPAD.  Enfin, notre système de couverture santé organise dans les faits une inégalité financière d’accès aux soins en faisant une large place aux complémentaires. C’est plus de 1,6 million de personnes qui seraient ainsi touchées par le phénomène de renoncement aux soins pour des raisons financières.  II. Ce que nous proposons Trois grands principes fondateurs doivent guider la réforme de notre système de soins :  Partir des besoins du patient qui doit être replacé au cœur de la réflexion sur la réforme et à qui il faut proposer une prise en charge cohérente sur le territoire. S’appuyer sur les deux piliers de la réforme que sont l’hospitalier et l’ambulatoire, qu’il faut cesser d’opposer. Dans un contexte de démographie médicale encore défavorable dans les 10 prochaines années, améliorer les dispositifs existants tout en s’appuyant sur eux.  Cela suppose :  De redonner les moyens à la médecine ambulatoire de proposer une offre de premier recours et de proximité capable de répondre aux besoins en matière de soins non programmés et de permanence des soins (gardes les nuits et les jours fériés). C’est une condition essentielle pour soulager l’hôpital d’une charge qui ne doit pas lui revenir. De recentrer l’hôpital public sur son cœur de métier : les urgences vitales, la réalisation d’actes techniques de pointe, les maladies aigües graves, la complexité médicale et la formation des médecins. Recommandation 1 : Remailler sur le territoire l’offre de soins de premier recours selon une architecture tripartite dont le centre de gravité est l’hôpital de proximité  :  des hôpitaux de proximité (gouvernance partagée), qui constituent le cœur névralgique du système de soins, dotés des moyens pour offrir : des consultations externes pour les différentes spécialités, des lits de médecine aiguë notamment pour les pathologies gériatriques, des lits de soins palliatifs, des lits de convalescence et de soins de suite rééducation, une maison médicale de garde ouverte de 20 heures à minuit, une chambre de garde pour les effecteurs mobiles ; des structures permettant l’exercice collectif de la médecine : cabinets de groupes d’au moins 5 médecins, centres de santé et maisons pluridisciplinaires de santé avec des infirmières de pratique avancée notamment pour assurer le suivi de certaines ALD comme les diabétiques, des assistantes sociales et enfin des assistantes médicales. Il faut donner à ces structures les moyens d’investir en matériel et de se doter d’un secrétariat médical qui constitue un maillon indispensable. Ce qui suppose de porter le prix de la consultation non pas à 35 euros comme prévu d’ici la fin de l’année mais à 46 euros dont 20 pour financer les investissements nécessaires en contrepartie d’un cahier des charges contractualisé avec l’Assurance Maladie, précisant les engagements en termes d’investissements, de prise en charge des soins non programmés et de participation à l’effort de garde ; d’EHPAD dotés chacun d’au moins 2 lits d’urgence médico-social pour des besoins médicaux-sociaux aigus ne méritant pas une hospitalisation.  Recommandation 2 : organiser un plan de sauvetage pour répondre sans délai à la crise sans retarder une nécessaire refondation de l’hôpital public  Renforcer l’attractivité du métier, ce qui suppose d’agir sur la charge de travail en visant un ratio de personnel cohérent avec une prise en charge de qualité des patients et sur les salaires en revalorisant prioritairement ceux des infirmières  et des aides-soignantes : respectivement 2000 euros en début de carrière contre 1500 et 1600 euros contre le SMIC.  Revoir le financement des hôpitaux en réservant la tarification à l’activité (T2A) à des actes techniques et les soins programmés. Pour le reste, prévoir une enveloppe globale dont la gestion et le suivi seraient placés sous la supervision d’un comité des sages avec une gouvernance partagée : agence régionale de santé (ARS), hôpital. Dans cette perspective, il est essentiel de redonner aux ARS un vrai pouvoir régional dans leur relation de travail avec les CHU et CH de leur région. Recommandation 3 :

Par Moutenet P.

17 juillet 2021

L’entreprise de demain, un bien commun au service de l’intérêt général

I. Le contexte La démocratie s’est arrêtée aux portes de l’entreprise. Le capital est prédominant dans la prise de décision, les droits politiques au sein de l’entreprise étant dépendants de l’apport en capital financier. Or, les actionnaires et leurs représentants au sein du conseil d’administration ne défendent que leurs propres intérêts : celui de la maximisation de la valeur actionnariale et des versements de dividendes. Au cours des quarante dernières années, cette tendance s’est exacerbée avec la financiarisation croissante de l’économie ; le partage de la valeur ajoutée (VA) se fait de plus en plus en faveur des actionnaires. Ainsi, l’augmentation des revenus du travail n’est plus indexée sur celle de la productivité. De leur côté, la rémunération des actionnaires atteint des niveaux indécents (les sociétés du CAC 40 ont versé 67 milliards d’euros de dividendes purs en 2023. Les rachats d’actions par les entreprises, ayant souvent pour objectif d’augmenter leur valeur grâce à une diminution de leur nombre, ont représenté 30 milliards d’euros). Les actionnaires stables ont laissé la place à des fonds de capitalisation vautours : les actionnaires sont très souvent aujourd’hui extérieurs à l’entreprise. Ces fonds sont intéressés au seul rendement court-terme, au détriment de la vision stratégique de l’entreprise : la part des investissements dans la valeur ajoutée a ainsi nettement baissé (Durand, Gueuder, 2018). Cela conduit à une double impasse, ce mode de gouvernance d’entreprise étant devenu absolument incompatible avec les enjeux auxquels nous faisons face et avec les tendances de fond imprégnant le monde du travail. D’abord avec l’impossibilité de mettre en place les investissements nécessaires à la transition écologique et climatique, pourtant indispensable. Ensuite, du fait de la crise de légitimité de l’entreprise capitaliste :  d’abord parce que le rapport au travail a profondément changé (évolution portée en particulier par les jeunes générations qui expriment des attentes nouvelles sur le sens du travail, leur place et leur rôle dans l’entreprise). Ensuite parce qu’un mouvement de fond attribue à l’entreprise une responsabilité sociale et environnementale, voire un rôle citoyen. Enfin, parce que la concentration du pouvoir aux mains des actionnaires est devenue un anti-modèle, il semble donc nécessaire d’aller plus loin que la présence de contre-pouvoirs représentant les salariés face à la direction. Il est donc temps de reconnaître la qualité des salariés « investisseurs en travail » à l’égal de celles des actionnaires, « investisseurs en capital ». Nous proposons de refonder la gouvernance d’entreprise en ne visant pas qu’un partage plus équitable des profits générés mais bien celui du pouvoir. Mettre en œuvre ces propositions nous semble absolument nécessaire, car l’entreprise actionnariale actuelle ne changera jamais d’elle-même. II. Permettre le partage du pouvoir Créer un nouveau statut d’entreprise, l’entreprise à responsabilité sociale partagée, visant à devenir un modèle alternatif crédible à l’entreprise actionnariale, afin de répartir égalitairement le pouvoir entre actionnaires et salariés (considérés comme parties constituantes de l’entreprise). Le programme du NFP propose qu’un tiers des sièges reviennent aux salariés : cette proposition amorce une trajectoire positive que nous souhaitons plus ambitieuse pour aboutir à un véritable changement du cadre de référence de l’entreprise actionnariale. Nous proposons donc que le pouvoir soit réparti égalitairement (50/50). Inclure dans le statut de l’entreprise que son objectif premier est de privilégier une mission spécifique et non la maximisation du profit.  Fonder la rémunération des dirigeants aussi sur la performance sociale et environnementale et la réalisation d’objectifs définis en rapport avec la « mission » de l’entreprise, et non plus seulement sur la performance économique de l’entreprise. La création d’un comité des sages avec un rôle de surveillance. Il sera composé des autres parties prenantes de l’entreprise : les collectivités territoriales, les ONG concernées. Ce comité des sages sera doté d’un large pouvoir d’investigation et disposera de la possibilité de déclencher l’équivalent d’une procédure d’alerte en cas de dérives importantes par rapport à la mission. Son rapport annuel ferait partie des états financiers, objet de la certification des comptes, à côté du reporting ESG relatif aux domaines environnementaux, sociaux et de gouvernance. Réconcilier les investisseurs avec la logique de long terme : Conditionner la rémunération des actionnaires à leur implication dans l’entreprise en favorisant les actionnaires durables : l’idée est d’attribuer des droits de vote et des dividendes variables en fonction de la durée de détention des actions, le droit de vote serait assujetti à une durée de détention minimale. Créer un livret d’épargne « entreprise responsable » présentant les mêmes avantages fiscaux pour les épargnants que le livret A. L’épargne collectée viendrait alimenter un fonds « entreprise responsable », dont la gestion serait co-assurée par la Caisse des Dépôts et un comité des représentants des épargnants désignés par les titulaires. Nécessité de mettre en place un organisme de contrôle, évitant que ces financements ne se dirigent vers des entreprises ne remplissant pas les critères présentés. Orienter la commande et les aides publiques vers les entreprises à responsabilité sociale partagée : nous proposons de réserver ainsi 20 % de la commande publique (son montant est estimé à 110 milliards en 2019), et autour de 25 % des aides publiques (le montant de ces aides est compris entre 165 milliards et 200 milliards). III. Que peuvent y gagner les citoyens ? Un réel partage du pouvoir au sein de l’entreprise permettrait aux salariés d’avoir un impact sur leurs conditions de travail, leur rémunération et le sens de leur activité. (On peut également relever une souffrance au travail liée à la réalisation de tâches vides de sens et à une impossibilité pour les employés de réaliser correctement leur travail). Cela  permettrait également des trajectoires professionnelles durables, de bénéficier de formations qualifiantes pour les jeunes, une politique d’emploi des seniors, etc. Il s’agirait également de permettre une remise en cause des normes managériales qui aujourd’hui sont à l’origine d’une intensification du travail.  Faire de l’entreprise un lieu d’exercice de la démocratie. Parce que le partage du pouvoir serait de 50/50. Et parce que ce partage égalitaire du pouvoir permettrait de faire émerger un processus de discussions entre

Par Kleman J., Prosperi J., Bonnevay R., Moutenet P.

17 juillet 2021

Travaux externes

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