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Nicolas Piluso

Biographie

Nicolas Piluso, Maître de conférences habilité à diriger les recherches (hors classe) à l’Université Toulouse III Paul Sabatier. Il a soutenu sa thèse de doctorat intitulée « Chômage et marché financier » en 2006. Ses recherches portent sur l’histoire de la pensée économique, la macroéconomie et l’économie de l’environnement.

Notes publiées

Croissance, développement et décroissance dans la pensée économique

Au XVIIIe siècle, le machinisme et de l’industrie étaient en plein essor. Les économistes de l’époque ne faisaient pas de distinction entre les termes de croissance et de développement. Ils s’attachaient à établir des lois « naturelles » et universelles qui régissent le processus d’accroissement des richesses produites et la répartition du produit global. Nombreux sont ceux qui doutaient néanmoins de la capacité des économies à faire croître durablement les richesses. Thomas Robert Malthus, dans son ouvrage Essai sur le principe de population (1798), émet ainsi l’idée que la population croît selon une progression géométrique alors que la production, bornée par la fertilité des sols, croît selon une progression arithmétique. Selon l’auteur, des mesures de régulation démographique s’imposent pour empêcher un blocage de la croissance. Dans une autre perspective, le modèle construit par David Ricardo dans les Principes de l’économie politique et de l’impôt (1815) prédit sur la longue période l’atteinte d’un état stationnaire en raison de la fertilité décroissante des terres mises en culture. Celle-ci engendre un accroissement de la rente qui induit une baisse du taux de profit. Or, le profit est tout à la fois source et mobile de l’accumulation. Le néoclassique Stanley Jevons (Sur la question du charbon, 1865) met quant à lui en avant le caractère épuisable des ressources en charbon qui, associé à une population en croissance, va empêcher le processus de croissance de se poursuivre. Cependant, de même que les physiocrates faisaient de la nature la source même de la création de richesses, les économistes classiques puis néoclassiques vont l’exclure de l’analyse ; ils ne s’attachent qu’aux biens reproductibles et à ce titre, les ressources libres et disponibles gratuitement ne font pas l’objet de leurs recherches. Dans la seconde moitié du XXe siècle, l’essor rapide des pays occidentaux engendre une réflexion sur la capacité de l’ensemble des pays du monde à atteindre le niveau de vie des pays industrialisés, et débouche sur la formation d’une économie du développement. Le concept de développement, distinct de celui de croissance, se dessine et l’on doit sa célèbre définition à F. Perroux en 1961 (dans son livre L’Économie du XXe siècle) ; alors que la croissance désigne l’augmentation soutenue, pendant une ou plusieurs périodes longues d’un indicateur de dimension, le développement est « la combinaison des changements mentaux et sociaux aptes à faire croître, cumulativement et durablement, son produit réel global ». L’objectif des programmes d’aide au développement vise alors le rattrapage des pays « du Sud », avec la mise en place d’infrastructures à même de développer le capital technique, la productivité et le revenu distribué. Il s’agit de poser les bases d’une croissance économique soutenue. Le développement est conçu comme un processus linéaire qu’il s’agit de parcourir pour atteindre le niveau de richesse des pays occidentaux. Telle est la conception qui se dégage de l’analyse de W.W Rostow, indépendamment de toute considération sur les questions environnementales. Le développement serait caractérisé par la succession de quatre étapes (la société traditionnelle, le décollage, la maturité et la consommation de masse) plus ou moins longues selon les politiques publiques mises en œuvre. Dans les années 1960, la pollution est conçue comme la contrepartie acceptable du développement économique. Les régulations environnementales sont totalement absentes, en conséquence de quoi les entreprises n’internalisent pas les externalités liées à cette pollution. Une externalité est une conséquence de l’activité économique qui n’est pas prise en compte dans le calcul des agents. Il peut s’agir par exemple d’une nuisance qui ne fait pas l’objet d’une compensation monétaire. Le premier coup d’arrêt à cette apologie de la croissance est donné par le « rapport Meadows » en 1972. Une équipe de chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) modélise les relations entre la population mondiale, la production agroalimentaire, la production industrielle, le niveau de pollution et l’utilisation des ressources non renouvelables. Ils mettent en évidence un lien de causalité robuste entre la croissance, les émissions polluantes et l’épuisement des ressources naturelles, si bien que le Club de Rome (groupe de réflexion réunissant scientifiques, industriels, économistes et fonctionnaires internationaux) préconise une croissance zéro dans leur ouvrage Les limites de la croissance (dit « rapport Meadows »). À la même époque, l’économiste Nicolas Georscu Roegen soutient le point de vue selon lequel le principe de la thermodynamique s’applique à l’économie. Ce principe établit que dans un système isolé qui ne reçoit pas d’énergie ou de matière en provenance de l’extérieur, l’énergie se dégrade en chaleur de façon irrécupérable. Les ressources naturelles s’épuisant inévitablement, la croissance matérielle illimitée est impossible. La seule voie possible pour l’économie est donc la décroissance. En tout état de cause, le débat sur les liens entre croissance, développement et environnement est alors ouvert. Ainsi, une première conférence des Nations unies sur l’environnement humain se tient à Stockholm en 1972. Les participants signent une déclaration faisant état d’« une conception commune et des principes communs » qui doivent inspirer et guider les efforts des peuples du monde en vue de préserver et d’améliorer l’environnement. Dans un contexte de fortes tensions sur le prix des matières premières et de catastrophes écologiques marquant les esprits (Tchernobyl en 1986), les Nations unies créent la Commission mondiale pour l’environnement et le développement (CMED) chargée d’étudier les relations entre développement économique et environnement. La commission publie en 1987 le rapport intitulé « Notre avenir à tous », encore appelé « rapport Brundtland ». Ce dernier souligne que l’utilisation intensive des ressources naturelles et le développement des émissions polluantes mettent en péril le mode de développement même des pays occidentaux. Le développement doit être durable, c’est-à-dire permettre la satisfaction des besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Pour la première fois, le développement est conçu comme l’articulation de préoccupations sociales, à travers la satisfaction des besoins présents, mais aussi de préoccupations environnementales, à travers la préservation du bien-être des générations futures. Il concilie ainsi une exigence de croissance et de développement (notamment pour les pays du Sud) et une exigence de préservation de l’impact

Par Piluso N.

24 novembre 2023

Croissance, développement et décroissance dans la pensée économique

Au XVIIIe siècle, le machinisme et de l’industrie étaient en plein essor. Les économistes de l’époque ne faisaient pas de distinction entre les termes de croissance et de développement. Ils s’attachaient à établir des lois « naturelles » et universelles qui régissent le processus d’accroissement des richesses produites et la répartition du produit global. Nombreux sont ceux qui doutaient néanmoins de la capacité des économies à faire croître durablement les richesses. Thomas Robert Malthus, dans son ouvrage Essai sur le principe de population (1798), émet ainsi l’idée que la population croît selon une progression géométrique alors que la production, bornée par la fertilité des sols, croît selon une progression arithmétique. Selon l’auteur, des mesures de régulation démographique s’imposent pour empêcher un blocage de la croissance. Dans une autre perspective, le modèle construit par David Ricardo dans les Principes de l’économie politique et de l’impôt (1815) prédit sur la longue période l’atteinte d’un état stationnaire en raison de la fertilité décroissante des terres mises en culture. Celle-ci engendre un accroissement de la rente qui induit une baisse du taux de profit. Or, le profit est tout à la fois source et mobile de l’accumulation. Le néoclassique Stanley Jevons (Sur la question du charbon, 1865) met quant à lui en avant le caractère épuisable des ressources en charbon qui, associé à une population en croissance, va empêcher le processus de croissance de se poursuivre. Cependant, de même que les physiocrates faisaient de la nature la source même de la création de richesses, les économistes classiques puis néoclassiques vont l’exclure de l’analyse ; ils ne s’attachent qu’aux biens reproductibles et à ce titre, les ressources libres et disponibles gratuitement ne font pas l’objet de leurs recherches. Dans la seconde moitié du XXe siècle, l’essor rapide des pays occidentaux engendre une réflexion sur la capacité de l’ensemble des pays du monde à atteindre le niveau de vie des pays industrialisés, et débouche sur la formation d’une économie du développement. Le concept de développement, distinct de celui de croissance, se dessine et l’on doit sa célèbre définition à F. Perroux en 1961 (dans son livre L’Économie du XXe siècle) ; alors que la croissance désigne l’augmentation soutenue, pendant une ou plusieurs périodes longues d’un indicateur de dimension, le développement est « la combinaison des changements mentaux et sociaux aptes à faire croître, cumulativement et durablement, son produit réel global ». L’objectif des programmes d’aide au développement vise alors le rattrapage des pays « du Sud », avec la mise en place d’infrastructures à même de développer le capital technique, la productivité et le revenu distribué. Il s’agit de poser les bases d’une croissance économique soutenue. Le développement est conçu comme un processus linéaire qu’il s’agit de parcourir pour atteindre le niveau de richesse des pays occidentaux. Telle est la conception qui se dégage de l’analyse de W.W Rostow, indépendamment de toute considération sur les questions environnementales. Le développement serait caractérisé par la succession de quatre étapes (la société traditionnelle, le décollage, la maturité et la consommation de masse) plus ou moins longues selon les politiques publiques mises en œuvre. Dans les années 1960, la pollution est conçue comme la contrepartie acceptable du développement économique. Les régulations environnementales sont totalement absentes, en conséquence de quoi les entreprises n’internalisent pas les externalités liées à cette pollution. Une externalité est une conséquence de l’activité économique qui n’est pas prise en compte dans le calcul des agents. Il peut s’agir par exemple d’une nuisance qui ne fait pas l’objet d’une compensation monétaire. Le premier coup d’arrêt à cette apologie de la croissance est donné par le « rapport Meadows » en 1972. Une équipe de chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) modélise les relations entre la population mondiale, la production agroalimentaire, la production industrielle, le niveau de pollution et l’utilisation des ressources non renouvelables. Ils mettent en évidence un lien de causalité robuste entre la croissance, les émissions polluantes et l’épuisement des ressources naturelles, si bien que le Club de Rome (groupe de réflexion réunissant scientifiques, industriels, économistes et fonctionnaires internationaux) préconise une croissance zéro dans leur ouvrage Les limites de la croissance (dit « rapport Meadows »). À la même époque, l’économiste Nicolas Georscu Roegen soutient le point de vue selon lequel le principe de la thermodynamique s’applique à l’économie. Ce principe établit que dans un système isolé qui ne reçoit pas d’énergie ou de matière en provenance de l’extérieur, l’énergie se dégrade en chaleur de façon irrécupérable. Les ressources naturelles s’épuisant inévitablement, la croissance matérielle illimitée est impossible. La seule voie possible pour l’économie est donc la décroissance. En tout état de cause, le débat sur les liens entre croissance, développement et environnement est alors ouvert. Ainsi, une première conférence des Nations unies sur l’environnement humain se tient à Stockholm en 1972. Les participants signent une déclaration faisant état d’« une conception commune et des principes communs » qui doivent inspirer et guider les efforts des peuples du monde en vue de préserver et d’améliorer l’environnement. Dans un contexte de fortes tensions sur le prix des matières premières et de catastrophes écologiques marquant les esprits (Tchernobyl en 1986), les Nations unies créent la Commission mondiale pour l’environnement et le développement (CMED) chargée d’étudier les relations entre développement économique et environnement. La commission publie en 1987 le rapport intitulé « Notre avenir à tous », encore appelé « rapport Brundtland ». Ce dernier souligne que l’utilisation intensive des ressources naturelles et le développement des émissions polluantes mettent en péril le mode de développement même des pays occidentaux. Le développement doit être durable, c’est-à-dire permettre la satisfaction des besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Pour la première fois, le développement est conçu comme l’articulation de préoccupations sociales, à travers la satisfaction des besoins présents, mais aussi de préoccupations environnementales, à travers la préservation du bien-être des générations futures. Il concilie ainsi une exigence de croissance et de développement (notamment pour les pays du Sud) et une exigence de préservation de l’impact

Par Piluso N.

24 novembre 2023

Travaux externes

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