Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine

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Laurent Dicale

Biographie

Laurent Dicale est un ancien directeur départemental de la Banque de France.

Notes publiées

Le résultat de la COP16 Biodiversité en Colombie : oui… mais non !

La COP16 à Cali en Colombie avait la charge de passer des mots à l’action. Elle a enregistré quelques avancées significatives mais des engagements importants pris antérieurement n’ont pas été tenus.   La Convention des Nations unies sur la diversité biologique (COP16) s’est tenue à Cali, en Colombie, du 21 octobre au 1er novembre 2024. Cette COP avait pour but de s’accorder sur la mise en œuvre, d’ici à 2030, des 23 objectifs fixés par l’Accord de Kunming-Montréal (conclu lors de la COP15 en 2022), comme la préservation d’au moins 30 % des terres et des mers d’ici 2030, la réduction des pollutions et du risque lié aux pesticides [pour plus de détails sur le contexte, voir l’encadré en fin d’article]. La Colombie, quatrième pays le plus riche en biodiversité[1] et le plus diversifié en termes d’espèces d’oiseaux, de papillons et d’orchidées, a-t-elle su faire aboutir les négociations et obtenir de réelles avancées ? Malgré quelques progrès notables, des blocages importants demeurent : Représentation des peuples autochtones : la COP16 a conduit à la création d’un groupe permanent au sein de la Convention sur la diversité biologique pour intégrer les peuples autochtones, reconnaissant ainsi leur rôle central en tant que protecteurs de la nature et de la biodiversité. Lancement du « Fonds Cali » pour garantir le partage équitable des bénéfices tirés des ressources génétiques, notamment au profit des pays en développement, afin de compenser les usages industriels de ces ressources. Mais son abondement est volontaire, ce qui ne peut que susciter des craintes sur les montants versés. Un retard général sur l’élaboration des stratégies nationales de préservation de la biodiversité et des efforts pour intensifier la protection des écosystèmes qui restent limités, malgré l’urgence illustrée par les chiffres alarmants concernant la perte de biodiversité. Le mécanisme de pilotage et de suivi de ces stratégies et plans nationaux n’a pas été mis en place, contrairement à ce qui était prévu. L’impasse des négociations sur le financement : les discussions sur la mise en place d’un fonds autonome dédié à la biodiversité, sous gouvernance onusienne, ont échoué. Ce mécanisme, réclamé par les pays en développement pour remplacer l’actuel jugé inadéquat, s’est heurté à l’opposition des pays développés. Des contributions financières en croissance mais représentant seulement 2 % de l’objectif 2030 : huit gouvernements ont annoncé un total de 400 millions de dollars pour le Fonds-cadre mondial pour la biodiversité, une étape très modeste en vue de l’objectif de 200 milliards de dollars d’aide annuelle d’ici 2030. Encadrement des « crédits biodiversité » : une feuille de route en vue de s’assurer que ces mécanismes de marché, conçus pour compenser les pertes écologiques, soient crédibles et servent effectivement la préservation de la nature a été proposée aux débats mais n’a pas pu être discutée faute de quorum. Le débat de fond sur l’utilisation ou non de ces crédits controversés (notamment suite aux scandales dont ont fait objet leurs équivalents carbone[2]) n’est ainsi pas tranché. I. Quelques avancées positives Un accord majeur a été officialisé lors de la COP16 : la création d’un organe permanent pour représenter les peuples autochtones au sein de la Convention sur la diversité biologique. Représentant un peu plus de 6 % de la population mondiale, les peuples autochtones occupent 22 % des terres de la planète abritant plus de 80 % de la biodiversité mondiale. Leur savoir traditionnel est souvent en première ligne pour la protection de la biodiversité et la préservation des écosystèmes contre des intérêts économiques à court-terme. La création de cette structure officielle reconnaît leur rôle comme essentiel et leur permettra de renforcer leur statut dans les futures négociations liées à la nature et au climat. Des avancées ont également été faites en matière de partage avec les populations locales (y compris les peuples autochtones), des bénéfices issus de la « biopiraterie », à savoir l’exploitation économique des ressources naturelles de pays en développement, par le séquençage numérique de l’ADN de plantes, d’animaux ou de microorganisme qui sont spécifiques à ces territoires. Le texte adopté stipule que les industries pharmaceutiques, cosmétiques, agricoles, alimentaires et biotechnologiques qui utilisent ces ressources devront verser 0,1 % de leur revenu ou 1 % de leurs bénéfices dérivés des données génétiques de la nature au nouveau « Fonds Cali ». Malheureusement ces seuils ne sont qu’indicatifs et il n’y a aucune obligation pour ces entreprises d’y contribuer. Ce qui, on ne peut que le craindre, risque de limiter très fortement le montant de ces versements. Enfin, un des textes importants adoptés place la biodiversité au même niveau que la décarbonation et le changement climatique. Cette décision va dans le sens des travaux de la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES – l’équivalent du GIEC pour la biodiversité), qui indiquent que le changement climatique est une des causes majeures directes du déclin de la biodiversité.  Elle doit permettre de créer des synergies pour solutionner les différentes problématiques de façon globale, sans (trop) les hiérarchiser ou les opposer. Elle devrait aussi permettre une plus grande attention politique et médiatique aux futures COP Biodiversité. II. Un premier échec majeur : celui des financements Les financements en provenance des États des pays riches pour la protection et la restauration de la nature, affichés à hauteur de 20 puis 30 milliards de dollars par an à horizon 2025 et 2030 à Montréal, sont très éloignés de l’objectif. Les engagements à l’alimentation du Fonds mondial pour la biodiversité (GBFF en anglais) se montent à seulement 400 millions de dollars. Les financements du secteur privé sont quant à eux quasiment absents. Il faut rappeler que les financements en provenance de toutes les sources (publiques, privées, philanthropiques, domestiques, innovantes sous la forme de taxes, etc.), et allant des pays du Nord vers ceux du Sud afin qu’ils investissent pour protéger et restaurer la biodiversité, sont estimés devoir être de l’ordre de 200 milliards de dollars par an. On en est très loin. Plus globalement, la prise de conscience par le secteur privé de l’effondrement de la diversité

Par Dicale L.

19 décembre 2024

Le Pacte pour l’Avenir

Le Pacte pour l’Avenir, vous connaissez ? Avez-vous entendu parler du Sommet de l’Avenir, qui s’est tenu les 22 et 23 septembre derniers au siège de l’ONU, à New York ? Et du « Pacte pour l’Avenir », adopté à l’unanimité par les 193 États membres à la suite de ces discussions impliquant des représentants de gouvernements, de la société civile, des secteurs privé et public, du monde universitaire et d’ONG ? Très probablement non. Faites une recherche sur Qwant ou Google, et vous serez surpris du faible nombre de références autres que celles émanant des institutions de l’ONU. Ce texte particulièrement ambitieux reste ainsi hors des radars médiatiques et du débat citoyen. Cette absence de couverture médiatique interroge, d’autant que les sujets abordés dans le Pacte pour l’Avenir touchent à des questions centrales de notre époque. Le Pacte pour l’Avenir se veut pourtant une feuille de route pour l’action collective des États dans cinq grands domaines : le développement et le financement durables, la paix et la sécurité internationales, l’égalité numérique, la jeunesse et les générations futures, et la gouvernance mondiale. À ces domaines s’ajoutent des sujets cruciaux comme la lutte contre la crise climatique, les droits humains et l’égalité des sexes. Tous sont au cœur de l’actualité et constituent des enjeux de première importance, certains étant même devenus particulièrement urgents. Deux actions parmi une soixantaine. Loin de moi l’idée de lister au fil d’une longue énumération l’ensemble de ces actions ; la présentation en une phrase de chacune d’entre elles dans le rapport[1] est très explicite. Mais je voudrais mettre en exergue deux des objectifs retenus. Tout d’abord, dans le domaine de la « paix et la sécurité », les deux premières de la quinzaine d’actions répertoriées[2] mettent l’accent sur la volonté de « redoubler d’efforts pour construire des sociétés pacifiques, inclusives et justes et pour [s]’attaquer aux causes profondes des conflits » et de « protéger toutes les populations civiles dans les conflits armés ». Cela peut sembler n’être que de pieux vœux à un moment où se déroulent les conflits les plus meurtriers. Mais il s’agit dans cet axe, au-delà d’une réponse aux guerres actuelles, qu’elles soient déclarées, larvées ou potentielles et à un moment où les défis sont multiples, de définir les bases d’un nouvel ordre pacifique mondial fondé sur la justice, l’équité et la coopération. Concernant les ‘développement et financement durables’, le Pacte pour l’Avenir vise la sortie des énergies fossiles et réaffirme les objectifs de l’Accord de Paris. Cet objectif[3] avait un temps été retirée sous la pression des ‘pétro-Etats’ avant d’être réintégrée face notamment à la grogne de la société civile et des ONG appuyées par plusieurs états. Elle appelle ainsi à renforcer les efforts visant à « l’abandon des combustibles fossiles dans les systèmes énergétiques […] de manière à parvenir à un bilan net nul d’ici à 2050 en matière d’émissions de gaz à effet de serre ». L’abandon progressif des énergies fossiles inclut dans l’accord final de la COP 28 de Dubaï en décembre 2023 est ainsi confirmé. Des raisons de douter… Le Pacte pour l’Avenir, bien qu’adopté à l’unanimité, n’a pas de caractère contraignant. Malgré le ton très volontariste adopté : « Action 1 : we will… ; Action 2 : we will… ; … » : « Nous allons… ; nous allons… ; nous allons… », on peut tout à fait craindre qu’il s’agisse davantage d’une liste d’intentions que d’un véritable plan d’action. Et on peut tout autant douter de ces engagements pris sans contraintes juridiques, sans engagements financiers et sans ‘obligations de résultats’, notamment en matière de paix, de justice sociale ou d’atténuation et d’adaptation au changement climatique. Ceci alors même que les conséquences de la timidité, quand ce n’est du manque, des actions entreprises sont bien réelles et qu’elles se traduisent par une quasi-banalisation des conflits y compris les plus meurtriers, des inégalités croissantes tant entre le Nord et le Sud qu’au sein de chaque pays, des écosystèmes de plus en plus fragilisés quand ils ne sont détruits et des millions de personnes qui subissent déjà, aujourd’hui, les effets du dérèglement climatique. On peut aussi légitimement se poser la question de savoir quelle place réelle ce Pacte occupera dans les décisions des mois et années à venir. Approuvé par l’ensemble des chefs d’Etat et de gouvernement, on ne peut qu’espérer qu’il ne soit pas ignoré lors des prochains grands sommets programmés ces prochains mois : COP 29 sur le climat en Azerbaïdjan en novembre ; COP 16 sur la lutte contre la désertification en décembre à Ryad ; Conférence des Nations Unies sur les pays en développement sans littoral au Botswana en décembre. Ou lors de l’évaluation des prochaines ‘Contributions déterminées au niveau national’ qui se trouvent au cœur de l’Accord de Paris et qui doivent être rendus d’ici février 2025. Ce Pacte pourrait aussi être utilement rappelé lors des discussions sur les conflits en cours à l’ONU, devant la Cour Internationale de Justice ou à la Cour Pénale Internationale. Mais on ne peut que constater que nombre d’Etats, s’ils ont validé les engagements du Pacte pour l’Avenir, adoptent devant d’autres instances internationales des positions qui y sont en flagrante contradiction. Trop souvent, les intérêts court-terme, qu’ils soient commerciaux, électoraux, géopolitiques, financiers, diplomatiques… sont autant de prétextes pour renier les principes validés en d’autres lieux. Le Pacte pour l’Avenir a le mérite d’exister. Et il pose, soit explicitement, soit en filigrane, un certain nombre de questions. Quelle efficacité pour une gouvernance mondiale qui ne repose que sur des engagements non contraignants ? Comment faire primer les objectifs de justice, d’équité, de solidarité, de coopération quand chaque Etat, chaque entreprise multinationale, chaque acteur économique, chaque groupe d’intérêts poursuit ses seules priorités et ses seuls objectifs, trop souvent à court terme ? Quelles doivent être les transformations des structures, des systèmes et des modèles économiques dominants aujourd’hui ? Et les évolutions des mécanismes de financement dans le contexte d’une solidarité globale ? Alors, oui ! On ne peut qu’éprouver une certaine perplexité et même un certain scepticisme quant à l’efficacité de ce texte et de ses engagements pris pour l’avenir. Mais, malgré

Par Dicale L.

7 novembre 2024

LE NOUVEAU FRONT POPULAIRE : UNE RUPTURE RÉALISTE

Cette note contribue à éclaircir un certain nombre de points du programme économique du Nouveau Front Populaire (NFP). En particulier, elle fournit des éléments quantifiés montrant que les mesures de politique publique préconisées par le NFP sont à la fois pertinentes, réalistes et finançables. Les principales contributions de cette note sont :  Une simulation numérique permet de prendre en compte le bouclage macroéconomique du programme et de le comparer à un scénario de référence obtenu par prolongement des tendances récentes. Elle montre que le programme ne provoquera ni explosion du déficit public, ni récession, ni fièvre inflationniste. Au contraire, hormis la balance commerciale (légèrement dégradée, ce qui devrait être compensé par le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières prévu par l’UE), toutes les variables de l’économie française (PIB, dette, etc.) seront améliorées par les mesures du NFP.  La mise en œuvre de ce programme réduira les inégalités et le chômage, augmentera le pouvoir d’achat des citoyens tout en maintenant une inflation autour de la cible de 2 %. Nous montrons que, non seulement la décarbonation est une chance pour l’économie française mais que l’ensemble du programme du NFP constitue un gisement potentiel d’au moins 495 000 emplois nets en 5 ans (i.e. incluant ceux qui devront être reconvertis ou abandonnés). La justice sociale et l’efficacité écologique ne sont pas les ennemies de l’emploi en France. Au contraire, ce sont ses meilleurs alliés. Nous confirmons que l’enveloppe annuelle de 30 milliards d’euros pour la bifurcation écologique annoncée par le NFP est cohérente et en proposons une version détaillée. Nous proposons des canaux complémentaires et originaux de financement et de recettes, lesquels permettront de diminuer davantage encore le coût net des mesures. Nous considérons par ailleurs qu’il est possible de dégager une marge de manœuvre budgétaire d’environ 20 milliards d’euros par an, en plus de ce qui a été envisagé jusqu’à présent par le NFP, sans nécessairement imposer au-delà de 50 % la tranche des plus hauts revenus .Aujourd’hui, le réalisme économique a changé de camp.  I-REMETTRE L’ÉCONOMIE FRANÇAISE SUR UNE TRAJECTOIRE SAINE Plusieurs commentateurs ont laissé entendre que ce programme déstabiliserait dangereusement l’économie française, en pesant sur les finances publiques, la croissance et l’emploi. Toutefois, tous se contentent d’examiner point par point le coût des mesures proposées, sans les mettre en regard de leurs effets. Un bouclage macro-économique offre la possibilité d’aller plus loin qu’un simple chiffrage, qui ne permet pas de prendre en compte les interactions entre les propositions du NFP et donc la trajectoire qu’il souhaite impulser à la société. Nous fournissons ici une représentation stylisée de cette trajectoire à l’aide d’une simulation macroéconomique, en prenant en compte l’essentiel des interactions entre toutes les variables en jeu : salaires, prix, emploi, investissements publics, dettes privées et publiques, inégalités, pollution etc. Voici la liste des mesures testées : Les investissements publics et la création de nouveaux emplois publics ; Le passage à la semaine de 32 h ; L’amorce d’une bifurcation écologique selon les lignes directrices indiquées infra (cf. section 3) ; La réforme de l’impôt sur le revenu et sur le patrimoine ; Le retour à l’âge de départ à la retraite à 62 ans ; La revalorisation du SMIC à 1 600 euros/mois ; Le déploiement du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). Pour tester ces mesures, nous avons utilisé le modèle Eurogreen[1] (construit en vue de simuler des scénarios de transition de l’économie française) actualisé au contexte de 2024[2]. Afin d’isoler l’effet des mesures du programme du NFP sur l’économie française entre 2024 et 2025, nous avons d’abord conçu un scénario de référence à partir des projections de la Banque de France. Il s’agit essentiellement d’un prolongement des tendances observées au cours des dernières années. Le contraste serait encore plus saisissant s’il était possible de simuler l’impact du « programme » du RN, lequel est trop flou pour se prêter au moindre chiffrage. Fig. 1 Simulation des effets macroéconomiques du programme économique du NFP  Parcourue de gauche à droite et de haut en bas, la Figure 1 fournit les enseignements suivants.  Elle confirme tout d’abord l’effet positif de l’ensemble des mesures considérées sur le revenu national[3]. Elle quantifie l’importante baisse des émissions de gaz à effet de serre à laquelle conduira ce programme (60 millions de tonnes en moins en 2030, ce qui respecte les objectifs de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) : -40 % d’émissions de GES par rapport à 1990). Elle montre que l’inflation restera très proche de la cible d’inflation annuelle de 2 %. Après un pic de 1 point de PIB supplémentaire par rapport au scénario de référence, le déficit public descendra à +3 % du PIB en 2030, au lieu de +6 % dans le scénario de référence. Ce pic initial correspond à l’enclenchement d’un cercle vertueux de relance par la dépense publique, dont les fruits sont récoltés sur les années suivantes. Par conséquent, grâce au programme du NFP, le rapport entre dette publique sur PIB sera de 10 points inférieur en 2030 au niveau qu’il atteindrait en prolongement de tendance. Enfin, la balance commerciale est la seule variable macroéconomique affectée négativement par rapport au scénario de référence. Le déficit de la balance commerciale se creuserait en effet de 0,8 % du PIB du fait de la hausse des importations provoquée par l’augmentation du pouvoir d’achat des ménages, dont le surcroît de consommation est en partie absorbé par les producteurs étrangers. La mise en place d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières aligné sur les prix de l’EU ETS[4] et son élargissement à un plus grand nombre de secteurs[5] (dont nous n’avons pas tenu compte dans nos simulations), ou encore d’une taxe kilométrique sur les produits importés, permettrait vraisemblablement de limiter cet effet, en plus de lutter contre le dumping social et environnemental. Quant à la productivité du travail dans l’industrie, elle sera stimulée par le passage à la semaine de 32 heures, comme ce fut déjà le cas lors du passage à 35 heures.  L’effet redistributif du programme du NFP est

Par Giraud G., Souffron C., Bordenave M., Kerlero de Rosbo G., Desquinabo N., Dufrêne N., Driouich R., Ramos P., Dicale L., Kleman J.

27 juin 2024

Le résultat de la COP16 Biodiversité en Colombie : oui… mais non !

La COP16 à Cali en Colombie avait la charge de passer des mots à l’action. Elle a enregistré quelques avancées significatives mais des engagements importants pris antérieurement n’ont pas été tenus.   La Convention des Nations unies sur la diversité biologique (COP16) s’est tenue à Cali, en Colombie, du 21 octobre au 1er novembre 2024. Cette COP avait pour but de s’accorder sur la mise en œuvre, d’ici à 2030, des 23 objectifs fixés par l’Accord de Kunming-Montréal (conclu lors de la COP15 en 2022), comme la préservation d’au moins 30 % des terres et des mers d’ici 2030, la réduction des pollutions et du risque lié aux pesticides [pour plus de détails sur le contexte, voir l’encadré en fin d’article]. La Colombie, quatrième pays le plus riche en biodiversité[1] et le plus diversifié en termes d’espèces d’oiseaux, de papillons et d’orchidées, a-t-elle su faire aboutir les négociations et obtenir de réelles avancées ? Malgré quelques progrès notables, des blocages importants demeurent : Représentation des peuples autochtones : la COP16 a conduit à la création d’un groupe permanent au sein de la Convention sur la diversité biologique pour intégrer les peuples autochtones, reconnaissant ainsi leur rôle central en tant que protecteurs de la nature et de la biodiversité. Lancement du « Fonds Cali » pour garantir le partage équitable des bénéfices tirés des ressources génétiques, notamment au profit des pays en développement, afin de compenser les usages industriels de ces ressources. Mais son abondement est volontaire, ce qui ne peut que susciter des craintes sur les montants versés. Un retard général sur l’élaboration des stratégies nationales de préservation de la biodiversité et des efforts pour intensifier la protection des écosystèmes qui restent limités, malgré l’urgence illustrée par les chiffres alarmants concernant la perte de biodiversité. Le mécanisme de pilotage et de suivi de ces stratégies et plans nationaux n’a pas été mis en place, contrairement à ce qui était prévu. L’impasse des négociations sur le financement : les discussions sur la mise en place d’un fonds autonome dédié à la biodiversité, sous gouvernance onusienne, ont échoué. Ce mécanisme, réclamé par les pays en développement pour remplacer l’actuel jugé inadéquat, s’est heurté à l’opposition des pays développés. Des contributions financières en croissance mais représentant seulement 2 % de l’objectif 2030 : huit gouvernements ont annoncé un total de 400 millions de dollars pour le Fonds-cadre mondial pour la biodiversité, une étape très modeste en vue de l’objectif de 200 milliards de dollars d’aide annuelle d’ici 2030. Encadrement des « crédits biodiversité » : une feuille de route en vue de s’assurer que ces mécanismes de marché, conçus pour compenser les pertes écologiques, soient crédibles et servent effectivement la préservation de la nature a été proposée aux débats mais n’a pas pu être discutée faute de quorum. Le débat de fond sur l’utilisation ou non de ces crédits controversés (notamment suite aux scandales dont ont fait objet leurs équivalents carbone[2]) n’est ainsi pas tranché. I. Quelques avancées positives Un accord majeur a été officialisé lors de la COP16 : la création d’un organe permanent pour représenter les peuples autochtones au sein de la Convention sur la diversité biologique. Représentant un peu plus de 6 % de la population mondiale, les peuples autochtones occupent 22 % des terres de la planète abritant plus de 80 % de la biodiversité mondiale. Leur savoir traditionnel est souvent en première ligne pour la protection de la biodiversité et la préservation des écosystèmes contre des intérêts économiques à court-terme. La création de cette structure officielle reconnaît leur rôle comme essentiel et leur permettra de renforcer leur statut dans les futures négociations liées à la nature et au climat. Des avancées ont également été faites en matière de partage avec les populations locales (y compris les peuples autochtones), des bénéfices issus de la « biopiraterie », à savoir l’exploitation économique des ressources naturelles de pays en développement, par le séquençage numérique de l’ADN de plantes, d’animaux ou de microorganisme qui sont spécifiques à ces territoires. Le texte adopté stipule que les industries pharmaceutiques, cosmétiques, agricoles, alimentaires et biotechnologiques qui utilisent ces ressources devront verser 0,1 % de leur revenu ou 1 % de leurs bénéfices dérivés des données génétiques de la nature au nouveau « Fonds Cali ». Malheureusement ces seuils ne sont qu’indicatifs et il n’y a aucune obligation pour ces entreprises d’y contribuer. Ce qui, on ne peut que le craindre, risque de limiter très fortement le montant de ces versements. Enfin, un des textes importants adoptés place la biodiversité au même niveau que la décarbonation et le changement climatique. Cette décision va dans le sens des travaux de la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES – l’équivalent du GIEC pour la biodiversité), qui indiquent que le changement climatique est une des causes majeures directes du déclin de la biodiversité.  Elle doit permettre de créer des synergies pour solutionner les différentes problématiques de façon globale, sans (trop) les hiérarchiser ou les opposer. Elle devrait aussi permettre une plus grande attention politique et médiatique aux futures COP Biodiversité. II. Un premier échec majeur : celui des financements Les financements en provenance des États des pays riches pour la protection et la restauration de la nature, affichés à hauteur de 20 puis 30 milliards de dollars par an à horizon 2025 et 2030 à Montréal, sont très éloignés de l’objectif. Les engagements à l’alimentation du Fonds mondial pour la biodiversité (GBFF en anglais) se montent à seulement 400 millions de dollars. Les financements du secteur privé sont quant à eux quasiment absents. Il faut rappeler que les financements en provenance de toutes les sources (publiques, privées, philanthropiques, domestiques, innovantes sous la forme de taxes, etc.), et allant des pays du Nord vers ceux du Sud afin qu’ils investissent pour protéger et restaurer la biodiversité, sont estimés devoir être de l’ordre de 200 milliards de dollars par an. On en est très loin. Plus globalement, la prise de conscience par le secteur privé de l’effondrement de la diversité

Par Dicale L.

14 novembre 2021

Le Pacte pour l’Avenir

Le Pacte pour l’Avenir, vous connaissez ? Avez-vous entendu parler du Sommet de l’Avenir, qui s’est tenu les 22 et 23 septembre derniers au siège de l’ONU, à New York ? Et du « Pacte pour l’Avenir », adopté à l’unanimité par les 193 États membres à la suite de ces discussions impliquant des représentants de gouvernements, de la société civile, des secteurs privé et public, du monde universitaire et d’ONG ? Très probablement non. Faites une recherche sur Qwant ou Google, et vous serez surpris du faible nombre de références autres que celles émanant des institutions de l’ONU. Ce texte particulièrement ambitieux reste ainsi hors des radars médiatiques et du débat citoyen. Cette absence de couverture médiatique interroge, d’autant que les sujets abordés dans le Pacte pour l’Avenir touchent à des questions centrales de notre époque. Le Pacte pour l’Avenir se veut pourtant une feuille de route pour l’action collective des États dans cinq grands domaines : le développement et le financement durables, la paix et la sécurité internationales, l’égalité numérique, la jeunesse et les générations futures, et la gouvernance mondiale. À ces domaines s’ajoutent des sujets cruciaux comme la lutte contre la crise climatique, les droits humains et l’égalité des sexes. Tous sont au cœur de l’actualité et constituent des enjeux de première importance, certains étant même devenus particulièrement urgents. Deux actions parmi une soixantaine. Loin de moi l’idée de lister au fil d’une longue énumération l’ensemble de ces actions ; la présentation en une phrase de chacune d’entre elles dans le rapport[1] est très explicite. Mais je voudrais mettre en exergue deux des objectifs retenus. Tout d’abord, dans le domaine de la « paix et la sécurité », les deux premières de la quinzaine d’actions répertoriées[2] mettent l’accent sur la volonté de « redoubler d’efforts pour construire des sociétés pacifiques, inclusives et justes et pour [s]’attaquer aux causes profondes des conflits » et de « protéger toutes les populations civiles dans les conflits armés ». Cela peut sembler n’être que de pieux vœux à un moment où se déroulent les conflits les plus meurtriers. Mais il s’agit dans cet axe, au-delà d’une réponse aux guerres actuelles, qu’elles soient déclarées, larvées ou potentielles et à un moment où les défis sont multiples, de définir les bases d’un nouvel ordre pacifique mondial fondé sur la justice, l’équité et la coopération. Concernant les ‘développement et financement durables’, le Pacte pour l’Avenir vise la sortie des énergies fossiles et réaffirme les objectifs de l’Accord de Paris. Cet objectif[3] avait un temps été retirée sous la pression des ‘pétro-Etats’ avant d’être réintégrée face notamment à la grogne de la société civile et des ONG appuyées par plusieurs états. Elle appelle ainsi à renforcer les efforts visant à « l’abandon des combustibles fossiles dans les systèmes énergétiques […] de manière à parvenir à un bilan net nul d’ici à 2050 en matière d’émissions de gaz à effet de serre ». L’abandon progressif des énergies fossiles inclut dans l’accord final de la COP 28 de Dubaï en décembre 2023 est ainsi confirmé. Des raisons de douter… Le Pacte pour l’Avenir, bien qu’adopté à l’unanimité, n’a pas de caractère contraignant. Malgré le ton très volontariste adopté : « Action 1 : we will… ; Action 2 : we will… ; … » : « Nous allons… ; nous allons… ; nous allons… », on peut tout à fait craindre qu’il s’agisse davantage d’une liste d’intentions que d’un véritable plan d’action. Et on peut tout autant douter de ces engagements pris sans contraintes juridiques, sans engagements financiers et sans ‘obligations de résultats’, notamment en matière de paix, de justice sociale ou d’atténuation et d’adaptation au changement climatique. Ceci alors même que les conséquences de la timidité, quand ce n’est du manque, des actions entreprises sont bien réelles et qu’elles se traduisent par une quasi-banalisation des conflits y compris les plus meurtriers, des inégalités croissantes tant entre le Nord et le Sud qu’au sein de chaque pays, des écosystèmes de plus en plus fragilisés quand ils ne sont détruits et des millions de personnes qui subissent déjà, aujourd’hui, les effets du dérèglement climatique. On peut aussi légitimement se poser la question de savoir quelle place réelle ce Pacte occupera dans les décisions des mois et années à venir. Approuvé par l’ensemble des chefs d’Etat et de gouvernement, on ne peut qu’espérer qu’il ne soit pas ignoré lors des prochains grands sommets programmés ces prochains mois : COP 29 sur le climat en Azerbaïdjan en novembre ; COP 16 sur la lutte contre la désertification en décembre à Ryad ; Conférence des Nations Unies sur les pays en développement sans littoral au Botswana en décembre. Ou lors de l’évaluation des prochaines ‘Contributions déterminées au niveau national’ qui se trouvent au cœur de l’Accord de Paris et qui doivent être rendus d’ici février 2025. Ce Pacte pourrait aussi être utilement rappelé lors des discussions sur les conflits en cours à l’ONU, devant la Cour Internationale de Justice ou à la Cour Pénale Internationale. Mais on ne peut que constater que nombre d’Etats, s’ils ont validé les engagements du Pacte pour l’Avenir, adoptent devant d’autres instances internationales des positions qui y sont en flagrante contradiction. Trop souvent, les intérêts court-terme, qu’ils soient commerciaux, électoraux, géopolitiques, financiers, diplomatiques… sont autant de prétextes pour renier les principes validés en d’autres lieux. Le Pacte pour l’Avenir a le mérite d’exister. Et il pose, soit explicitement, soit en filigrane, un certain nombre de questions. Quelle efficacité pour une gouvernance mondiale qui ne repose que sur des engagements non contraignants ? Comment faire primer les objectifs de justice, d’équité, de solidarité, de coopération quand chaque Etat, chaque entreprise multinationale, chaque acteur économique, chaque groupe d’intérêts poursuit ses seules priorités et ses seuls objectifs, trop souvent à court terme ? Quelles doivent être les transformations des structures, des systèmes et des modèles économiques dominants aujourd’hui ? Et les évolutions des mécanismes de financement dans le contexte d’une solidarité globale ? Alors, oui ! On ne peut qu’éprouver une certaine perplexité et même un certain scepticisme quant à l’efficacité de ce texte et de ses engagements pris pour l’avenir. Mais, malgré

Par Dicale L.

14 novembre 2021

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