Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine

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Beverley Toudic

Beverley Toudic

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Biographie

Doctorante en droit public à l’Université de Lille, Beverley Toudic est également vice-présidente de la Commission de la jeune recherche en droit constitutionnel. Ses thématiques de recherche s’attachent à l’étude des droits constitutionnel, électoral et parlementaire dans une perspective comparée à travers la dynamique de la chaîne de légitimation.

Responsable des ressources humaines et des adhérents au sein de l’institut, elle est également en charge des études du pôle institutions.

Notes publiées

La séquence des élections législatives de 2024 : une démocratie de crise en crise

La décision précipitée du Président Macron de recourir à des élections législatives – expresses ! – en réponse au désaveu de sa majorité à l’issue des élections européennes a plongé le pays dans une situation inédite. Pour la première fois sous la Ve République, et ce malgré le type de scrutin majoritaire pensé pour enrayer toute instabilité, le paysage politique à l’Assemblée nationale conduit à ce qu’aucun bloc politique (NFP, Ensemble, RN) ne puisse gouverner sans risquer la censure des deux autres. Le président de la République qui se présentait autrefois sous l’étiquette d’« En marche » pourrait bien avoir placé le pouvoir législatif à l’arrêt. Après des années passées sous l’ère Macron, à la conception verticale du pouvoir, le peuple français aspire à davantage de justice sociale, de pouvoir d’achat mais surtout une volonté de changement drastique dans la méthode de gouverner, voire un rejet du système. L’attitude du Président Macron ne fait qu’attiser ce qui a conduit à cette configuration politique : le manque de confiance des citoyens envers des représentants perçus comme impuissants et sourds à leurs revendications. Les Français ne parviennent plus à s’identifier à leurs institutions et la séquence post-législative a démultiplié cette méfiance en défiance. S’il est une majorité dont il faut faire état à l’issue des législatives, celle d’une volonté de rupture dans la façon de gouverner s’impose, dérivant d’un manque de légitimité ressenti par les citoyens. Pourtant, le Premier ministre Michel Barnier est issu des rangs du parti ayant recueilli à peine plus de 5% des suffrages et constitue l’archétype de l’ancien monde politique. Comment expliquer aux Français que le parti le moins fort à l’Assemblée se retrouve au cœur du pouvoir, avec le Premier ministre le plus âgé de toute l’histoire de la Ve République ? S’il est une majorité dont il faut faire état, c’est bien la rupture avec la politique jupitérienne conduite tant sur le fond que sur la forme, depuis 2017. Si le peuple a voté pour son effacement, le président de la République a opéré une résistance par sa lecture extensive de son rôle d’arbitre à travers la combinaison des articles de la Constitution pour s’arroger un rôle de sélectionneur voire de capitaine de la politique gouvernementale. Pourtant, le régime de la Ve République a ceci de particulier. Fondamentalement, la France demeure un régime parlementaire. La tendance semi-présidentielle ne vaut, en pratique, qu’en dehors des périodes de cohabitation. Dans cette dernière configuration, le Président n’est alors plus le chef de la majorité mais bien le chef de l’État. Le Président en période de concordance des majorités, décide de tout, mais n’est responsable politiquement de rien, d’autant plus lors d’un second mandat, celui-ci n’étant pas renouvelable. Pourtant désavoué par son absence de majorité, le Président Macron a souhaité peser de tout son poids dans le choix du Premier ministre, anticipant lui-même le jeu des coalitions, sans même laisser une chance à celle arrivée en tête, le NFP, de constituer un gouvernement. S’il est une majorité dont il faut faire état, indéniablement, celle du Front Républicain se place largement en tête. Et pourtant, c’est le RN, arrivé en troisième position qui dispose d’une place de choix. Et pour cause : le gouvernement choisi opère un virage à droite toutes, aux valeurs de repli, à la merci d’un RN sur lequel repose toute la stabilité gouvernementale. La nomination de Bruno Retailleau, incarnation du symbole de la droite dure au ministère de l’Intérieur en constitue une illustration, tout comme l’appel du Premier ministre à Marine Le Pen après la déclaration du ministre de l’Économie affichant son caractère Le-Peno incompatible. Au-delà l’ensemble du gouvernement reflète des choix audacieux et très conservateurs : Laurent Saint Martin, macroniste de la première heure, pourtant battu lors des élections législatives de 2022, se voit nommé au poste de ministre des Comptes publics ; Annie Genevard soutenant l’élevage intensif et les méthodes de chasse « dures » au ministère de l’Agriculture ; Olga Givernet, adepte du nucléaire en tant que ministre déléguée chargée de l’Énergie ; sans compter les nombreuses reconductions du gouvernement démissionnaire. Certains de ses membres ont voté contre la loi pour le mariage pour tous, contre l’inscription de l’IVG dans la Constitution, ou encore contre l’ouverture de la PMA. Aujourd’hui, ni le président de la République, ni le gouvernement ne paraissent assez solides pour susciter la confiance des Français. Le Premier ministre de ce gouvernement minoritaire, s’il est tenu de prononcer un discours de politique générale, n’est pas assujetti à une obligation s’agissant du vote de confiance. En outre, aucune dissolution ne pourra être prononcée avant un an après cet épisode électoral. Reste donc l’incertitude du jeu de la motion de censure, brouillé par un RN devant qui le nouveau gouvernement courbe l’échine, faisant obstruction au Front républicain. Or, la Ve République se fonde sur le peuple, conçu comme étant la source du pouvoir. Et n’en déplaise au ministre de l’Intérieur, l’État de droit est sacré en tant que véritable corollaire de la sécurité juridique des citoyens, détenteurs de droits politiques actifs mais également de droits et libertés qui leur sont garanties, non soumis à l’effervescence de l’immédiateté, notamment aux fluctuations de majorités faibles et éphémères. Les crises conjoncturelles puisent leur source de crises plus profondes : elles ne sont que la version émergée de l’iceberg. La crise politique que nous traversons à l’issue des élections législatives de 2024 dérive d’une crise institutionnelle plus profondément ancrée. Le manque de confiance des citoyens envers leurs institutions ne relève plus de l’exception : il en est devenu le principe. Cette double méfiance à la fois des citoyens envers leurs représentants mais également des représentants envers le peuple souverain est devenu structurelle sous la Ve République. Alors que faire pour parvenir à ressusciter le sentiment d’adhésion et d’appartenance des français au contrat social ? L’un des chantiers consiste à moderniser les institutions et remettre le citoyen au cœur du pouvoir. L’Institut Rousseau a déjà œuvré en ce sens ! De façon synthétique, la fiche thématique sur « Intégrer le peuple dans les

Par Toudic B.

1 octobre 2024

Intégrer le peuple dans les institutions et la vie politique

Fiche thématique de résistance et de proposition n°10 I. Un peu de contexte : quel est le problème ? La démocratie est appréhendée en France dans sa dimension purement majoritaire et se voit réduite à l’acte formel électoral. Il existe une déconnexion des sphères politique et sociale. Il faut repenser de nouvelles formes de concrétisation démocratique. Il existe une crise de confiance des citoyens envers leurs gouvernants et des gouvernants envers les citoyens. D’un côté, les citoyens demandent à être associés au processus d’élaboration de la loi, de l’autre ils rejettent le système représentatif et désertent les urnes. La participation exceptionnelle lors des élections législatives de 2024 s’inscrit dans une dynamique contestataire, marquant la montée en puissance de l’extrême droite.  La crise des gilets jaunes, les manifestations historiques contre la réforme des retraites, la restriction du débat parlementaire par le recours excessif et déraisonnable au 49.3, la dissolution précipitée sont autant de marqueurs attestant la vision démocratique top-down à la française, basée sur un rapport descendant et exclusivement majoritaire. Dans ce contexte, la défiance grandissante des citoyens aboutit à la poussée de l’extrême droite. L’essoufflement démocratique se manifeste par une fracture entre représentants et représentés. Il est urgent de redonner du pouvoir d’agir aux citoyens pour dépasser cette crise de confiance.  II. Que propose-t-on ? 1- Instaurer un cadre démocratisant Améliorer la représentativité. Injecter une dose de proportionnelle à l’Assemblée nationale. Repenser l’élection du Président de la République au jugement majoritaire. Poursuivre l’effort de la création d’une chambre du futur en démocratisant le CESE avec l’ajout d’un collège composé de citoyens tirés au sort. Repenser le calendrier électoral. Revenir sur la réforme du quinquennat de 2000 ayant réduit le mandat présidentiel de 7 à 5 ans ou chercher à modifier le calendrier des législatives de façon à découpler l’élection présidentielle et législative. Instaurer un mécanisme de contrôle citoyen. Introduire un mécanisme de type veto dans une phase post-parlementaire. Dans une courte période postérieure à leur adoption et avant leur entrée en vigueur, les lois pourraient, à la demande d’un certain nombre d’électeurs (500 000), faire l’objet d’un référendum portant sur leur entrée en vigueur. Inclure le citoyen directement dans le processus d’élaboration de la loi et des politiques publiques Promouvoir la démocratie délibérative. Démocratiser les conventions citoyennes en permettant leur déclenchement par les citoyens. Militer pour la systématisation du droit d’amendement citoyen et proposer la création d’un « rapporteur citoyen » chargé d’en défendre les amendements ayant atteint un certain seuil (a minima 10 0000 soutiens pour éviter l’éventuelle pression des lobbies). Faciliter l’exercice référendaire. Simplifier le référendum d’initiative partagée à la fois sur ses modalités d’adoption via l’abaissement du seuil de signatures à un million mais aussi sur son mode de déclenchement : que les citoyens puissent être à l’initiative de la proposition, appuyés par des parlementaires et non exclusivement l’inverse. Insuffler la démocratie au niveau local. Intégrer aux plans nationaux un critère de co-construction des projets avec les citoyens. Les collectivités territoriales disposent de nombreux plans nationaux pour les accompagner dans leur action. Il pourrait être question de conditionner leurs subventions à la délibération avec les citoyens.  Créer une ressource d’ingénierie locale de la participation citoyenne. Les collectivités qui disposent des moyens les plus faibles ne sont actuellement pas en mesure d’assurer leur transition démocratique. Pour faciliter le renouveau démocratique sur l’ensemble du territoire, l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) pourrait, en partie, financer des postes d’ingénierie de la participation mutualisés entre plusieurs collectivités à faibles moyens. Ce que dit le programme du Front Populaire à ce sujet :   Abolir la monarchie présidentielle dans la pratique des institutions : Instaurer la proportionnelle Revitaliser le parlement Abroger le 49.3 Défendre la décentralisation effective en renforçant la démocratie locale dans l’unité de la République Instaurer le référendum d’initiative citoyenne (RIC) et renforcer le référendum d’initiative partagée en abaissant notamment le seuil de signatures citoyennes pour son déclenchement Passer à une 6e République par la convocation d’une assemblée constituante citoyenne élue III. Que peuvent y gagner les citoyens ? Restaurer la confiance dans les institutions en redonnant du pouvoir d’agir aux citoyens. Assurer une meilleure représentativité des préférences politiques des citoyens. Irriguer la confection de la loi et des politiques publiques d’une dynamique vertueuse : plus le débat est nourri, plus les citoyens sont associés, plus la légitimité de la norme s’en trouve renforcée. IV. Pourquoi l’extrême-droite n’est pas la solution ? Le renouveau démocratique est en marge du programme du Rassemblement National, lequel se borne exclusivement à mentionner le référendum, restreignant la marge de manœuvre du citoyen réduit au choix binaire captif du oui/non. Le référendum en tant que tel ne suffira pas à rétablir le lien de confiance des citoyens envers les institutions. Une mécanique démocratisante s’impose pour accompagner et révéler le plein potentiel de cet outil. V. Pour aller plus loin dans la réflexion Réveiller la démocratie Note de Benjamin Morel : “Une nouvelle République des citoyens”  Note de David Stoleru et François Expert : “Institutions : 10 propositions pour un programme commun” Note de Beverley Toudic : “Le coronavirus, des enseignements à tirer pour sortir d’une démocratie déjà confinée”   AdhérezFaire un don

Par Toudic B., Coué H.

6 juillet 2024

La réforme des retraites, du clash au crash démocratique : le rendez-vous manqué du Conseil constitutionnel

Crise démocratique, n’ayons pas peur des mots ! En sus d’une crise sociale et écologique, pourrait bien résulter une crise de régime politique. Ancrée depuis plusieurs décennies, la crise de la représentation fut portée sur le devant de la scène publique par le mouvement des gilets jaune. À l’ère du netizen – citoyen hyperconnecté – la légitimité démocratique se voudrait davantage procédurale : « la décision légitime […] résulte de la délibération de tous »[1]. Face à ces revendications, le chef de l’État n’a eu de cesse de rappeler sa prétendue détermination à relégitimer démocratiquement le processus de décision via de nouvelles méthodes délibératives englobantes : Grand débat, conventions, CNR… En vain. Pour preuve, dans ce contexte de crise de la « généralisation de la volonté »[2], le pouvoir exécutif a choisi de porter une réforme des retraites clivante dont la principale mesure, le report de l’âge légal de départ à 64 ans, est contestée par l’ensemble des syndicats et très massivement rejetée par les Français. Pour mener à bien sa réforme, le Gouvernement a utilisé l’arsenal du parlementarisme hyper-rationalisé que fournit la Constitution de la Vème République heurtant, davantage encore, le peu de confiance de ses « gouvernés » envers leurs institutions. Prenons les choses à rebours. À l’Assemblée, l’examen du texte s’est achevé par le recours à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. Incapable de dégager une majorité solide pour adopter le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire, le Gouvernement a utilisé – et ce, pour la onzième fois depuis le début de la législature – cette arme atomique prévue par la Constitution permettant de faire adopter un texte sans vote, en mettant en jeu la responsabilité du gouvernement. Faute d’atteinte du nombre de votes requis en faveur de la motion de censure transpartisane LIOT présentée, la réforme des retraites se trouve entérinée mais il s’en est fallu de peu : 9 voix ont manqué pour renverser le gouvernement Borne ! L’Assemblée nationale ne se sera donc en réalité jamais prononcée directement sur ce texte fondamental, les travaux ayant été interrompus sans passage au vote en première lecture… Si le Gouvernement fait valoir qu’un vote a bien eu lieu au Sénat[3] – ce qui ne compense pas d’ailleurs l’absence de vote au sein de la chambre légitimement élue sur un sujet d’une telle importance – il faut dire que celui-ci fut obtenu au prix du recours à l’utilisation du fameux « vote bloqué » de l’article 44 alinéa 3 de la Constitution. Concrètement, ce mécanisme permet au Gouvernement de demander un vote sur tout ou partie d’un texte en discussion en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par lui. La violence du processus[4] est telle que le gouvernement a utilisé cette procédure sur l’ensemble du texte : les parlementaires peuvent débattre et s’exprimer, sans qu’il leur soit toutefois permis de passer au vote, article par article, selon leurs amendements. En somme, le dictat du tout ou rien, le choix binaire du à prendre ou laisser. Alors que l’essence de la discussion parlementaire requiert que chaque amendement, chaque article soit examiné puis voté, le 44-3 empêche cette fécondité délibérative pour obliger à un vote unique, pour ou contre, l’ensemble du texte. Foncièrement, le choix du véhicule législatif utilisé pourrait bien vicier l’ensemble du processus législatif. En choisissant d’insérer cette réforme des retraites dans un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) régi par l’article 47-1 plutôt que dans un projet de loi ordinaire, le Gouvernement a certainement joué avec le texte constitutionnel, obligeant le Parlement à se prononcer sur ce texte capital sous 50 jours. L’on notera, tout d’abord, qu’aucune des grandes réformes des retraites de ces 20 dernières années ne fut soumise à la procédure de l’art 47-1, même si le Sénat tentait déjà d’incorporer des amendements relatifs à cet objet dans les PLFSS précédents. Le problème se pose avec une acuité grandissante s’agissant d’un PLFRSS, consistant, en principe, à rectifier, les budgets adoptés en cours d’exercice. En l’espèce, les dispositions litigieuses du PLFRSS relèvent, par opposition au domaine exclusif, du domaine partagé des lois de financement : le premier regroupe les dispositions pour lesquelles les LFSS disposent d’un monopole (par exemple l’affectation totale ou partielle d’une recette exclusive du champ « LFSS » à une autre personne morale), le second les dispositions qui peuvent indifféremment figurer en loi ordinaire ou en LFSS[5]. Or, on constate depuis de nombreuses années, une extension problématique de ce domaine partagé, en PLF et en PLFSS, permettant au Gouvernement de faire ainsi bénéficier à des mesures plutôt clivantes (on pense au gel des minimas sociaux en 2017) une telle procédure de contournement. En effet, les procédures d’examen des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale fixées aux articles 47 et 47-1 et par extension rectificatifs comme en l’espèce, se caractérisent par leur caractère dérogatoire quant à la procédure parlementaire suivie (texte du Gouvernement examiné en séance, une seule lecture, délais stricts d’examen…), se justifiant par l’urgence. Cette méthode du recours à un PLF ou PLFSS et surtout à un PLFR ou à un PLFRSS pour faire passer des mesures sociales si capitales ne doit pas être ignoré. Le danger est grand de créer un précédent dans lequel les futurs gouvernements pourront s’engouffrer : toute réforme ayant un impact social réel, sous couvert d’impact budgétaire – et rares sont celles qui n’en ont pas – pourrait à terme être portée par un PLF ou un PLFSS et par extension un PLFR ou un PLFRSS et bénéficier d’une procédure parlementaire dérogatoire. Il faut également rappeler que l’article 49-3, restreint dans son utilisation à celui d’un par session, n’est pas comptabilisé quand il en est fait usage sur des PLF ou PLFSS et par extension rectificatifs. Que reste-t-il dès lors pour empêcher l’entrée en vigueur de la réforme des retraites ? Qu’il s’agisse d’acter l’illégalité de la réforme ou de permettre l’organisation d’un référendum d’initiative partagée tendant à interdire la fixation de l’âge de départ à la retraite au-delà de 62 ans,

Par Toudic B., Marienval M.

14 avril 2023

La séquence des élections législatives de 2024 : une démocratie de crise en crise

La décision précipitée du Président Macron de recourir à des élections législatives – expresses ! – en réponse au désaveu de sa majorité à l’issue des élections européennes a plongé le pays dans une situation inédite. Pour la première fois sous la Ve République, et ce malgré le type de scrutin majoritaire pensé pour enrayer toute instabilité, le paysage politique à l’Assemblée nationale conduit à ce qu’aucun bloc politique (NFP, Ensemble, RN) ne puisse gouverner sans risquer la censure des deux autres. Le président de la République qui se présentait autrefois sous l’étiquette d’« En marche » pourrait bien avoir placé le pouvoir législatif à l’arrêt. Après des années passées sous l’ère Macron, à la conception verticale du pouvoir, le peuple français aspire à davantage de justice sociale, de pouvoir d’achat mais surtout une volonté de changement drastique dans la méthode de gouverner, voire un rejet du système. L’attitude du Président Macron ne fait qu’attiser ce qui a conduit à cette configuration politique : le manque de confiance des citoyens envers des représentants perçus comme impuissants et sourds à leurs revendications. Les Français ne parviennent plus à s’identifier à leurs institutions et la séquence post-législative a démultiplié cette méfiance en défiance. S’il est une majorité dont il faut faire état à l’issue des législatives, celle d’une volonté de rupture dans la façon de gouverner s’impose, dérivant d’un manque de légitimité ressenti par les citoyens. Pourtant, le Premier ministre Michel Barnier est issu des rangs du parti ayant recueilli à peine plus de 5% des suffrages et constitue l’archétype de l’ancien monde politique. Comment expliquer aux Français que le parti le moins fort à l’Assemblée se retrouve au cœur du pouvoir, avec le Premier ministre le plus âgé de toute l’histoire de la Ve République ? S’il est une majorité dont il faut faire état, c’est bien la rupture avec la politique jupitérienne conduite tant sur le fond que sur la forme, depuis 2017. Si le peuple a voté pour son effacement, le président de la République a opéré une résistance par sa lecture extensive de son rôle d’arbitre à travers la combinaison des articles de la Constitution pour s’arroger un rôle de sélectionneur voire de capitaine de la politique gouvernementale. Pourtant, le régime de la Ve République a ceci de particulier. Fondamentalement, la France demeure un régime parlementaire. La tendance semi-présidentielle ne vaut, en pratique, qu’en dehors des périodes de cohabitation. Dans cette dernière configuration, le Président n’est alors plus le chef de la majorité mais bien le chef de l’État. Le Président en période de concordance des majorités, décide de tout, mais n’est responsable politiquement de rien, d’autant plus lors d’un second mandat, celui-ci n’étant pas renouvelable. Pourtant désavoué par son absence de majorité, le Président Macron a souhaité peser de tout son poids dans le choix du Premier ministre, anticipant lui-même le jeu des coalitions, sans même laisser une chance à celle arrivée en tête, le NFP, de constituer un gouvernement. S’il est une majorité dont il faut faire état, indéniablement, celle du Front Républicain se place largement en tête. Et pourtant, c’est le RN, arrivé en troisième position qui dispose d’une place de choix. Et pour cause : le gouvernement choisi opère un virage à droite toutes, aux valeurs de repli, à la merci d’un RN sur lequel repose toute la stabilité gouvernementale. La nomination de Bruno Retailleau, incarnation du symbole de la droite dure au ministère de l’Intérieur en constitue une illustration, tout comme l’appel du Premier ministre à Marine Le Pen après la déclaration du ministre de l’Économie affichant son caractère Le-Peno incompatible. Au-delà l’ensemble du gouvernement reflète des choix audacieux et très conservateurs : Laurent Saint Martin, macroniste de la première heure, pourtant battu lors des élections législatives de 2022, se voit nommé au poste de ministre des Comptes publics ; Annie Genevard soutenant l’élevage intensif et les méthodes de chasse « dures » au ministère de l’Agriculture ; Olga Givernet, adepte du nucléaire en tant que ministre déléguée chargée de l’Énergie ; sans compter les nombreuses reconductions du gouvernement démissionnaire. Certains de ses membres ont voté contre la loi pour le mariage pour tous, contre l’inscription de l’IVG dans la Constitution, ou encore contre l’ouverture de la PMA. Aujourd’hui, ni le président de la République, ni le gouvernement ne paraissent assez solides pour susciter la confiance des Français. Le Premier ministre de ce gouvernement minoritaire, s’il est tenu de prononcer un discours de politique générale, n’est pas assujetti à une obligation s’agissant du vote de confiance. En outre, aucune dissolution ne pourra être prononcée avant un an après cet épisode électoral. Reste donc l’incertitude du jeu de la motion de censure, brouillé par un RN devant qui le nouveau gouvernement courbe l’échine, faisant obstruction au Front républicain. Or, la Ve République se fonde sur le peuple, conçu comme étant la source du pouvoir. Et n’en déplaise au ministre de l’Intérieur, l’État de droit est sacré en tant que véritable corollaire de la sécurité juridique des citoyens, détenteurs de droits politiques actifs mais également de droits et libertés qui leur sont garanties, non soumis à l’effervescence de l’immédiateté, notamment aux fluctuations de majorités faibles et éphémères. Les crises conjoncturelles puisent leur source de crises plus profondes : elles ne sont que la version émergée de l’iceberg. La crise politique que nous traversons à l’issue des élections législatives de 2024 dérive d’une crise institutionnelle plus profondément ancrée. Le manque de confiance des citoyens envers leurs institutions ne relève plus de l’exception : il en est devenu le principe. Cette double méfiance à la fois des citoyens envers leurs représentants mais également des représentants envers le peuple souverain est devenu structurelle sous la Ve République. Alors que faire pour parvenir à ressusciter le sentiment d’adhésion et d’appartenance des français au contrat social ? L’un des chantiers consiste à moderniser les institutions et remettre le citoyen au cœur du pouvoir. L’Institut Rousseau a déjà œuvré en ce sens ! De façon synthétique, la fiche thématique sur « Intégrer le peuple dans les

Par Toudic B.

22 juin 2021

Intégrer le peuple dans les institutions et la vie politique

Fiche thématique de résistance et de proposition n°10 I. Un peu de contexte : quel est le problème ? La démocratie est appréhendée en France dans sa dimension purement majoritaire et se voit réduite à l’acte formel électoral. Il existe une déconnexion des sphères politique et sociale. Il faut repenser de nouvelles formes de concrétisation démocratique. Il existe une crise de confiance des citoyens envers leurs gouvernants et des gouvernants envers les citoyens. D’un côté, les citoyens demandent à être associés au processus d’élaboration de la loi, de l’autre ils rejettent le système représentatif et désertent les urnes. La participation exceptionnelle lors des élections législatives de 2024 s’inscrit dans une dynamique contestataire, marquant la montée en puissance de l’extrême droite.  La crise des gilets jaunes, les manifestations historiques contre la réforme des retraites, la restriction du débat parlementaire par le recours excessif et déraisonnable au 49.3, la dissolution précipitée sont autant de marqueurs attestant la vision démocratique top-down à la française, basée sur un rapport descendant et exclusivement majoritaire. Dans ce contexte, la défiance grandissante des citoyens aboutit à la poussée de l’extrême droite. L’essoufflement démocratique se manifeste par une fracture entre représentants et représentés. Il est urgent de redonner du pouvoir d’agir aux citoyens pour dépasser cette crise de confiance.  II. Que propose-t-on ? 1- Instaurer un cadre démocratisant Améliorer la représentativité. Injecter une dose de proportionnelle à l’Assemblée nationale. Repenser l’élection du Président de la République au jugement majoritaire. Poursuivre l’effort de la création d’une chambre du futur en démocratisant le CESE avec l’ajout d’un collège composé de citoyens tirés au sort. Repenser le calendrier électoral. Revenir sur la réforme du quinquennat de 2000 ayant réduit le mandat présidentiel de 7 à 5 ans ou chercher à modifier le calendrier des législatives de façon à découpler l’élection présidentielle et législative. Instaurer un mécanisme de contrôle citoyen. Introduire un mécanisme de type veto dans une phase post-parlementaire. Dans une courte période postérieure à leur adoption et avant leur entrée en vigueur, les lois pourraient, à la demande d’un certain nombre d’électeurs (500 000), faire l’objet d’un référendum portant sur leur entrée en vigueur. Inclure le citoyen directement dans le processus d’élaboration de la loi et des politiques publiques Promouvoir la démocratie délibérative. Démocratiser les conventions citoyennes en permettant leur déclenchement par les citoyens. Militer pour la systématisation du droit d’amendement citoyen et proposer la création d’un « rapporteur citoyen » chargé d’en défendre les amendements ayant atteint un certain seuil (a minima 10 0000 soutiens pour éviter l’éventuelle pression des lobbies). Faciliter l’exercice référendaire. Simplifier le référendum d’initiative partagée à la fois sur ses modalités d’adoption via l’abaissement du seuil de signatures à un million mais aussi sur son mode de déclenchement : que les citoyens puissent être à l’initiative de la proposition, appuyés par des parlementaires et non exclusivement l’inverse. Insuffler la démocratie au niveau local. Intégrer aux plans nationaux un critère de co-construction des projets avec les citoyens. Les collectivités territoriales disposent de nombreux plans nationaux pour les accompagner dans leur action. Il pourrait être question de conditionner leurs subventions à la délibération avec les citoyens.  Créer une ressource d’ingénierie locale de la participation citoyenne. Les collectivités qui disposent des moyens les plus faibles ne sont actuellement pas en mesure d’assurer leur transition démocratique. Pour faciliter le renouveau démocratique sur l’ensemble du territoire, l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) pourrait, en partie, financer des postes d’ingénierie de la participation mutualisés entre plusieurs collectivités à faibles moyens. Ce que dit le programme du Front Populaire à ce sujet :   Abolir la monarchie présidentielle dans la pratique des institutions : Instaurer la proportionnelle Revitaliser le parlement Abroger le 49.3 Défendre la décentralisation effective en renforçant la démocratie locale dans l’unité de la République Instaurer le référendum d’initiative citoyenne (RIC) et renforcer le référendum d’initiative partagée en abaissant notamment le seuil de signatures citoyennes pour son déclenchement Passer à une 6e République par la convocation d’une assemblée constituante citoyenne élue III. Que peuvent y gagner les citoyens ? Restaurer la confiance dans les institutions en redonnant du pouvoir d’agir aux citoyens. Assurer une meilleure représentativité des préférences politiques des citoyens. Irriguer la confection de la loi et des politiques publiques d’une dynamique vertueuse : plus le débat est nourri, plus les citoyens sont associés, plus la légitimité de la norme s’en trouve renforcée. IV. Pourquoi l’extrême-droite n’est pas la solution ? Le renouveau démocratique est en marge du programme du Rassemblement National, lequel se borne exclusivement à mentionner le référendum, restreignant la marge de manœuvre du citoyen réduit au choix binaire captif du oui/non. Le référendum en tant que tel ne suffira pas à rétablir le lien de confiance des citoyens envers les institutions. Une mécanique démocratisante s’impose pour accompagner et révéler le plein potentiel de cet outil. V. Pour aller plus loin dans la réflexion Réveiller la démocratie Note de Benjamin Morel : “Une nouvelle République des citoyens”  Note de David Stoleru et François Expert : “Institutions : 10 propositions pour un programme commun” Note de Beverley Toudic : “Le coronavirus, des enseignements à tirer pour sortir d’une démocratie déjà confinée”   AdhérezFaire un don

Par Toudic B., Coué H.

22 juin 2021

Travaux externes

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