Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine

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Alexandre Delelys

Biographie

Cadre dans la fonction publique d’État, spécialiste des sujets de gouvernance et environnementaux.

Notes publiées

La planification écologique est vouée à l’échec sans remise en question de la décentralisation

Lorsqu’il reprend à son compte lors de son unique meeting d’entre deux tours l’idée de « planification écologique », le président depuis lors réélu sait qu’elle va susciter l’intérêt ; un intérêt composé d’un mélange de défiance et d’espoir chez les électeurs ayant une sensibilité écologique. Défiance tout d’abord parce que la « planification écologique » vient se substituer à une longue série d’oxymores telles que « développement durable », « croissance verte », « transition écologique » qui ont en commun d’avoir véhiculé l’idée que la prise en compte de l’environnement pouvait se faire de façon très progressive et indolore[1]. Malheureusement, la volonté politique réelle qui se cachait derrière ces mots a été cruellement mise à défaut au regard des indicateurs environnementaux qui n’ont cessé de se dégrader au gré des alternances politiques. Ces expressions, et leurs promoteurs, ont de fait, été décrédibilisés et suscitent désormais une forte suspicion. Ce nouveau mantra de « planification écologique » n’a pas de définition précise et unique. On peut toutefois tenter d’en faire la synthèse en indiquant que la planification est la combinaison d’un objectif, d’une trajectoire et d’une maîtrise des moyens pour y répondre. S’il sous-tend lui aussi cette idée de progressivité indolore, s’y insinue toutefois une dimension qui était devenue taboue dans les discours depuis bien longtemps, celle d’un pilotage par l’État. La planification écologique, au surplus, directement rattachée à Matignon, marquerait-elle ainsi le grand retour de l’État visionnaire, stratège et régulateur ? Cet État-là est connu et connoté plutôt positivement dans l’imaginaire collectif des générations qui ont connu les Trente glorieuses dont il a été l’artisan principal. C’est en ce sens que cette idée de planification écologique peut susciter une forme d’espoir. Mais l’État de 2022 n’est plus du tout celui des années 60, ni 80, ni même 2010 (Lois Grenelle). L’État, principal garant de l’unité nationale, de l’équité entre citoyens et de l’intérêt général s’est volontairement et méthodiquement effacé depuis les années 80 pour laisser faire les mains invisibles prétendument providentielles de la libéralisation de l’économie et des politiques publiques au travers des actes successifs de décentralisation[2]. Dans les deux cas, cette libéralisation s’est révélée être un échec cuisant en ce qui concerne les sujets environnementaux : l’économie capitaliste ne cherche qu’à en tirer cyniquement toujours davantage de bénéfices tandis que les politiques publiques environnementales, largement amoindries par leur dissémination « façon puzzle », constituent des cibles de choix attaquées, contournées ou dévoyées face aux lobbys nationaux et pressions plus locales. Dans les deux cas, les intérêts privés et immédiats (sous couvert de chantage à l’emploi ou titre du « développement » territorial) priment sur l’intérêt général et une vision à long terme dont l’État se doit pourtant d’être le premier garant. Le retour d’expérience est également à cette image, très cruel : l’État est depuis plusieurs années incapable de tenir ses objectifs ; notamment dans le domaine de l’environnement où les annonces sont devenues incantatoires. Nonobstant les interrogations fréquentes sur l’adéquation entre les objectifs environnementaux affichés et la volonté politique réelle d’agir en ce sens, l’État n’a parfois même plus la maîtrise des leviers nécessaires à leur atteinte, ni même à leur contrôle. Parmi les exemples les plus marquants et constants d’objectifs non atteints, on peut citer ceux portant sur la réduction de l’artificialisation des sols, la réduction de l’usage des produits phytosanitaires en agriculture ou encore la rénovation énergétique des logements. Plutôt que de chercher à en comprendre les raisons et y remédier, les gouvernements successifs préfèrent se voiler la face et continuer à faire « comme si », en fixant au besoin de nouveaux objectifs plus lointains pour gagner du temps et se redonner de l’air politiquement. Comment expliquer ces échecs récurrents et patents ? Quels sont leurs points communs ? Ce sont tout d’abord des sujets clivants et sensibles pour lesquels l’État n’a pas voulu ou pas pu mettre en adéquation les paroles et les actes. Le renoncement face aux pressions internes et externes sur les sujets environnementaux est presque devenu un postulat pour tous les ministres de l’Environnement successifs dont il est désormais de notoriété publique[3] qu’ils perdent systématiquement leurs arbitrages face aux ministères de l’Agriculture ou à Bercy. « On ne fera pas l’écologie contre l’économie » a déclaré la Première ministre Élisabeth Borne la semaine de sa nomination[4], « il ne faut pas opposer agriculture et écologie » déclarait Julien Denormandie quelques mois auparavant[5]. Ces expressions du registre du « en même temps » et qui apparaissent n’être que de bon sens sont en réalité des marqueurs pour rappeler la hiérarchie des enjeux et donc des ministères au sein du gouvernement. L’autre facteur explicatif vient de la double décentralisation[6]. Sur de nombreux sujets, l’État veut continuer à croire qu’il décide alors même que les compétences ne lui appartiennent plus car transférées, avec plus ou moins de bonheur, aux collectivités locales : régions, départements (dans une moindre mesure pour les sujets environnementaux), EPCI (intercommunalités) et communes. L’autre forme de décentralisation typiquement française, plus discrète et largement poussée par les cabinets de conseil dont on sait qu’ils ont une influence forte sur la désorganisation de l’État[7] en échange de bons procédés[8], est celle qui vise à confier des compétences à des organismes publics dont il a partiellement ou totalement perdu le contrôle. Par construction, ces opérateurs ou établissements sont dotés d’un conseil d’administration au sein duquel l’État est minoritaire et où les décisions sont à nouveau politisées alors même qu’elles ne devraient relever pour l’essentiel que d’une application directe et opérationnelle de politiques nationales dûment adoptées. À ceci s’ajoute le fait que les ministères confient à ces opérateurs des objectifs trop peu précis et suivis et exercent sur eux une tutelle souvent lâche qui conforte les velléités d’autonomie.[9] Leur multiplication puis l’élargissement continu de leurs missions n’a eu pour effet que de réduire, par effet de vases communicants, les effectifs et crédits des services centraux et déconcentrés des ministères, sortant ainsi de la chaîne de décision (et indirectement de la légitimité démocratique) de plus en plus de compétences pourtant ministérielles. Ne peut-on a minima reconnaître à l’État son pouvoir d’influence, notamment au niveau

Par Delelys A.

30 septembre 2022

Refonder l’organisation de l’État local et mettre fin à la libéralisation des politiques publiques environnementales consécutive aux vagues de décentralisation

Ce projet de note s’inscrit dans la continuité et en complément de celle publiée le 26 mars 2020 par l’Institut Rousseau et intitulée « Décentralisation et organisation territoriale : vers un retour de l’État ». Elle a pour objectif d’en poursuivre l’analyse sur les conséquences de la répartition actuelle des compétences au niveau local et de proposer, en réponse, des propositions quant à l’organisation territoriale de l’État et la répartition des compétences au niveau infra-régional. Le prisme principal de cette analyse est celui de l’aménagement du territoire et des politiques environnementales, qui sont parmi celles où la décentralisation a été la plus poussée, emportant avec elle des effets pervers aux conséquences désormais difficilement soutenables. Introduction Les politiques liées à l’aménagement du territoire (autrefois appelées planificatrices, terme désormais connoté comme trop dirigiste et ingérant), et plus largement liées à l’environnement font partie de celles qui ont été les premières et les plus décentralisées, de façon continue depuis bientôt 40 ans. Cette décentralisation dont il sera mis en évidence qu’elle s’est faite de façon incrémentielle, ni évaluée ni structurée a conduit à une situation actuelle d’une complexité difficilement descriptible et dont tous les acteurs, bien que pour des motifs différents, s’accordent à dire qu’elle n’est ni soutenable ni durable. Dans ce paysage devenu illisible et dans lequel l’intérêt général s’évalue généralement sous le seul prisme économique, l’État local relictuel est devenu le plus souvent spectateur de la mise en œuvre insatisfaisante des politiques pourtant décidées par le gouvernement et votées par le Parlement. Il tente ainsi maladroitement de continuer à exister en troquant sa casquette régalienne pour un rôle d’accompagnement coupable ou d’influenceur sur le déclin. Comme cela sera démontré et illustré plus loin à partir d’exemples, cet état de fait permet d’expliquer en grande partie l’échec des politiques nationales environnementales, politiques dont les objectifs sont, en toute conscience, fixés sans espoir de les atteindre car sans maîtrise des leviers d’actions par l’État ni contrôle de leur mise en œuvre effective par ceux qui en ont les compétences. C’est ainsi que nous constatons sur de nombreux domaines environnementaux des résultats médiocres, très éloignés des objectifs nationaux et encore davantage de ce que la situation exige. On peut citer de façon non exhaustive la réduction des pollutions des eaux, la réduction de l’artificialisation des sols, la réduction des déchets, la restauration écologique, la limitation des émissions de particules fines…objectifs dont certains valent à la France d’être rappelée à l’ordre ou en procédure contentieuse de l’UE [1][2]. Intégrant par postulat les propositions de la publication du 26 mars 2020 par l’IR et intitulée « Décentralisation et organisation territoriale : vers un retour de l’État », cet article vient les étayer et les compléter par d’autres propositions portant plus particulièrement sur la définition des politiques publiques liées à l’environnement et à l’aménagement du territoire, à la répartition de leurs compétences et à la réorganisation de l’État local. Il mettra en évidence que l’organisation actuelle ne peut garantir la mise en œuvre effective des mesures permettant d’atteindre les objectifs (dont certains sont déjà fixés et annoncés) concourant à la nécessaire « transition écologique » de la France. Plusieurs propositions y sont faites pour pallier ce problème en s’appuyant sur une révision de la décentralisation mais aussi une réforme à la fois pratique et de l’organisation de l’État local qui doit retrouver pleinement sa présence, sa légitimité et son utilité aux yeux d’élus locaux aux attentes différentes, partagés entre sentiment d’abandon et critique d’une verticalité trop marquée. I – De la décentralisation à la différenciation : la libéralisation des politiques publiques environnementales et d’aménagement du territoire    Les étapes du démantèlement et de la libéralisation des politiques publiques environnementales   1982, l’acte 1 : une opportunité à coût politique faible au sortir des Trente Glorieuses   La fin des Trente Glorieuses ne permettent plus à l’État de continuer son rôle de planificateur/constructeur Au sortir d’une guerre qui a ravagé le pays, mais qui l’a aussi soudé et obligé à revoir en profondeur ses institutions, sa structure sociale et ses interactions avec le reste le monde, la France se reconstruit et se modernise rapidement et dans un élan qui ne sera brisé que par les chocs pétroliers des années 1970. Les Trente Glorieuses sont l’apogée de l’État moderne planificateur et bâtisseur, l’époque des grandes avancées technologiques et des choix déterminants en particulier dans les domaines agricole, de l’énergie, des transports, de l’habitat… redéfinissant complètement l’aménagement du territoire. Ces choix se nourrissent alors d’une croissance économique continue et surtout d’énergies carbonées accessibles et facilement disponibles. Cette dépendance rend le pays très vulnérable aux chocs pétroliers (et gaziers) successifs qui ne font qu’initier le déclin d’un modèle qui, avec un recul critique maintenant évident mais difficilement audible dans le contexte de l’époque, ne pouvait perdurer. L’État commence alors à douter et à s’interroger sur ses propres missions face à ses premières difficultés financières depuis des décennies, à une concurrence internationale croissante, à une perte d’autonomie liée à l’intégration croissante des politiques au niveau européen et à une société de plus en plus accusatrice de ce qu’elle juge être des manquements de sa part. Les lois Deferre actent des principes généraux qui seront lourds de conséquence C’est dans ce contexte, qui en est en grande partie la cause, qu’intervient la première alternance de la Vème République avec l’arrivée de la gauche au pouvoir. Le constat d’un État qui a été probablement trop dirigiste et sûr de lui, en qui la confiance est écornée et qui ne peut plus s’affranchir du cadre européen et international ouvre la voie au début de la décentralisation dès l’entame de mandat en 1982 au travers des lois Deferre ; cette politique est soutenue idéologiquement par le nouvel exécutif. De ces premières d’une longue série de lois de décentralisation, on retient d’abord la création d’un nouvel échelon administratif territorial, les régions, avec les conséquences déjà développées dans une précédente note de l’Institut[3] sur lesquelles nous reviendrons. En corollaire est instauré le transfert de « blocs » de compétences (qui sont en réalité rarement des blocs, mais des portions) aux désormais trois

Par Delelys A.

27 janvier 2022

La planification écologique est vouée à l’échec sans remise en question de la décentralisation

Lorsqu’il reprend à son compte lors de son unique meeting d’entre deux tours l’idée de « planification écologique », le président depuis lors réélu sait qu’elle va susciter l’intérêt ; un intérêt composé d’un mélange de défiance et d’espoir chez les électeurs ayant une sensibilité écologique. Défiance tout d’abord parce que la « planification écologique » vient se substituer à une longue série d’oxymores telles que « développement durable », « croissance verte », « transition écologique » qui ont en commun d’avoir véhiculé l’idée que la prise en compte de l’environnement pouvait se faire de façon très progressive et indolore[1]. Malheureusement, la volonté politique réelle qui se cachait derrière ces mots a été cruellement mise à défaut au regard des indicateurs environnementaux qui n’ont cessé de se dégrader au gré des alternances politiques. Ces expressions, et leurs promoteurs, ont de fait, été décrédibilisés et suscitent désormais une forte suspicion. Ce nouveau mantra de « planification écologique » n’a pas de définition précise et unique. On peut toutefois tenter d’en faire la synthèse en indiquant que la planification est la combinaison d’un objectif, d’une trajectoire et d’une maîtrise des moyens pour y répondre. S’il sous-tend lui aussi cette idée de progressivité indolore, s’y insinue toutefois une dimension qui était devenue taboue dans les discours depuis bien longtemps, celle d’un pilotage par l’État. La planification écologique, au surplus, directement rattachée à Matignon, marquerait-elle ainsi le grand retour de l’État visionnaire, stratège et régulateur ? Cet État-là est connu et connoté plutôt positivement dans l’imaginaire collectif des générations qui ont connu les Trente glorieuses dont il a été l’artisan principal. C’est en ce sens que cette idée de planification écologique peut susciter une forme d’espoir. Mais l’État de 2022 n’est plus du tout celui des années 60, ni 80, ni même 2010 (Lois Grenelle). L’État, principal garant de l’unité nationale, de l’équité entre citoyens et de l’intérêt général s’est volontairement et méthodiquement effacé depuis les années 80 pour laisser faire les mains invisibles prétendument providentielles de la libéralisation de l’économie et des politiques publiques au travers des actes successifs de décentralisation[2]. Dans les deux cas, cette libéralisation s’est révélée être un échec cuisant en ce qui concerne les sujets environnementaux : l’économie capitaliste ne cherche qu’à en tirer cyniquement toujours davantage de bénéfices tandis que les politiques publiques environnementales, largement amoindries par leur dissémination « façon puzzle », constituent des cibles de choix attaquées, contournées ou dévoyées face aux lobbys nationaux et pressions plus locales. Dans les deux cas, les intérêts privés et immédiats (sous couvert de chantage à l’emploi ou titre du « développement » territorial) priment sur l’intérêt général et une vision à long terme dont l’État se doit pourtant d’être le premier garant. Le retour d’expérience est également à cette image, très cruel : l’État est depuis plusieurs années incapable de tenir ses objectifs ; notamment dans le domaine de l’environnement où les annonces sont devenues incantatoires. Nonobstant les interrogations fréquentes sur l’adéquation entre les objectifs environnementaux affichés et la volonté politique réelle d’agir en ce sens, l’État n’a parfois même plus la maîtrise des leviers nécessaires à leur atteinte, ni même à leur contrôle. Parmi les exemples les plus marquants et constants d’objectifs non atteints, on peut citer ceux portant sur la réduction de l’artificialisation des sols, la réduction de l’usage des produits phytosanitaires en agriculture ou encore la rénovation énergétique des logements. Plutôt que de chercher à en comprendre les raisons et y remédier, les gouvernements successifs préfèrent se voiler la face et continuer à faire « comme si », en fixant au besoin de nouveaux objectifs plus lointains pour gagner du temps et se redonner de l’air politiquement. Comment expliquer ces échecs récurrents et patents ? Quels sont leurs points communs ? Ce sont tout d’abord des sujets clivants et sensibles pour lesquels l’État n’a pas voulu ou pas pu mettre en adéquation les paroles et les actes. Le renoncement face aux pressions internes et externes sur les sujets environnementaux est presque devenu un postulat pour tous les ministres de l’Environnement successifs dont il est désormais de notoriété publique[3] qu’ils perdent systématiquement leurs arbitrages face aux ministères de l’Agriculture ou à Bercy. « On ne fera pas l’écologie contre l’économie » a déclaré la Première ministre Élisabeth Borne la semaine de sa nomination[4], « il ne faut pas opposer agriculture et écologie » déclarait Julien Denormandie quelques mois auparavant[5]. Ces expressions du registre du « en même temps » et qui apparaissent n’être que de bon sens sont en réalité des marqueurs pour rappeler la hiérarchie des enjeux et donc des ministères au sein du gouvernement. L’autre facteur explicatif vient de la double décentralisation[6]. Sur de nombreux sujets, l’État veut continuer à croire qu’il décide alors même que les compétences ne lui appartiennent plus car transférées, avec plus ou moins de bonheur, aux collectivités locales : régions, départements (dans une moindre mesure pour les sujets environnementaux), EPCI (intercommunalités) et communes. L’autre forme de décentralisation typiquement française, plus discrète et largement poussée par les cabinets de conseil dont on sait qu’ils ont une influence forte sur la désorganisation de l’État[7] en échange de bons procédés[8], est celle qui vise à confier des compétences à des organismes publics dont il a partiellement ou totalement perdu le contrôle. Par construction, ces opérateurs ou établissements sont dotés d’un conseil d’administration au sein duquel l’État est minoritaire et où les décisions sont à nouveau politisées alors même qu’elles ne devraient relever pour l’essentiel que d’une application directe et opérationnelle de politiques nationales dûment adoptées. À ceci s’ajoute le fait que les ministères confient à ces opérateurs des objectifs trop peu précis et suivis et exercent sur eux une tutelle souvent lâche qui conforte les velléités d’autonomie.[9] Leur multiplication puis l’élargissement continu de leurs missions n’a eu pour effet que de réduire, par effet de vases communicants, les effectifs et crédits des services centraux et déconcentrés des ministères, sortant ainsi de la chaîne de décision (et indirectement de la légitimité démocratique) de plus en plus de compétences pourtant ministérielles. Ne peut-on a minima reconnaître à l’État son pouvoir d’influence, notamment au niveau

Par Delelys A.

27 janvier 2022

Refonder l’organisation de l’État local et mettre fin à la libéralisation des politiques publiques environnementales consécutive aux vagues de décentralisation

Ce projet de note s’inscrit dans la continuité et en complément de celle publiée le 26 mars 2020 par l’Institut Rousseau et intitulée « Décentralisation et organisation territoriale : vers un retour de l’État ». Elle a pour objectif d’en poursuivre l’analyse sur les conséquences de la répartition actuelle des compétences au niveau local et de proposer, en réponse, des propositions quant à l’organisation territoriale de l’État et la répartition des compétences au niveau infra-régional. Le prisme principal de cette analyse est celui de l’aménagement du territoire et des politiques environnementales, qui sont parmi celles où la décentralisation a été la plus poussée, emportant avec elle des effets pervers aux conséquences désormais difficilement soutenables. Introduction Les politiques liées à l’aménagement du territoire (autrefois appelées planificatrices, terme désormais connoté comme trop dirigiste et ingérant), et plus largement liées à l’environnement font partie de celles qui ont été les premières et les plus décentralisées, de façon continue depuis bientôt 40 ans. Cette décentralisation dont il sera mis en évidence qu’elle s’est faite de façon incrémentielle, ni évaluée ni structurée a conduit à une situation actuelle d’une complexité difficilement descriptible et dont tous les acteurs, bien que pour des motifs différents, s’accordent à dire qu’elle n’est ni soutenable ni durable. Dans ce paysage devenu illisible et dans lequel l’intérêt général s’évalue généralement sous le seul prisme économique, l’État local relictuel est devenu le plus souvent spectateur de la mise en œuvre insatisfaisante des politiques pourtant décidées par le gouvernement et votées par le Parlement. Il tente ainsi maladroitement de continuer à exister en troquant sa casquette régalienne pour un rôle d’accompagnement coupable ou d’influenceur sur le déclin. Comme cela sera démontré et illustré plus loin à partir d’exemples, cet état de fait permet d’expliquer en grande partie l’échec des politiques nationales environnementales, politiques dont les objectifs sont, en toute conscience, fixés sans espoir de les atteindre car sans maîtrise des leviers d’actions par l’État ni contrôle de leur mise en œuvre effective par ceux qui en ont les compétences. C’est ainsi que nous constatons sur de nombreux domaines environnementaux des résultats médiocres, très éloignés des objectifs nationaux et encore davantage de ce que la situation exige. On peut citer de façon non exhaustive la réduction des pollutions des eaux, la réduction de l’artificialisation des sols, la réduction des déchets, la restauration écologique, la limitation des émissions de particules fines…objectifs dont certains valent à la France d’être rappelée à l’ordre ou en procédure contentieuse de l’UE [1][2]. Intégrant par postulat les propositions de la publication du 26 mars 2020 par l’IR et intitulée « Décentralisation et organisation territoriale : vers un retour de l’État », cet article vient les étayer et les compléter par d’autres propositions portant plus particulièrement sur la définition des politiques publiques liées à l’environnement et à l’aménagement du territoire, à la répartition de leurs compétences et à la réorganisation de l’État local. Il mettra en évidence que l’organisation actuelle ne peut garantir la mise en œuvre effective des mesures permettant d’atteindre les objectifs (dont certains sont déjà fixés et annoncés) concourant à la nécessaire « transition écologique » de la France. Plusieurs propositions y sont faites pour pallier ce problème en s’appuyant sur une révision de la décentralisation mais aussi une réforme à la fois pratique et de l’organisation de l’État local qui doit retrouver pleinement sa présence, sa légitimité et son utilité aux yeux d’élus locaux aux attentes différentes, partagés entre sentiment d’abandon et critique d’une verticalité trop marquée. I – De la décentralisation à la différenciation : la libéralisation des politiques publiques environnementales et d’aménagement du territoire    Les étapes du démantèlement et de la libéralisation des politiques publiques environnementales   1982, l’acte 1 : une opportunité à coût politique faible au sortir des Trente Glorieuses   La fin des Trente Glorieuses ne permettent plus à l’État de continuer son rôle de planificateur/constructeur Au sortir d’une guerre qui a ravagé le pays, mais qui l’a aussi soudé et obligé à revoir en profondeur ses institutions, sa structure sociale et ses interactions avec le reste le monde, la France se reconstruit et se modernise rapidement et dans un élan qui ne sera brisé que par les chocs pétroliers des années 1970. Les Trente Glorieuses sont l’apogée de l’État moderne planificateur et bâtisseur, l’époque des grandes avancées technologiques et des choix déterminants en particulier dans les domaines agricole, de l’énergie, des transports, de l’habitat… redéfinissant complètement l’aménagement du territoire. Ces choix se nourrissent alors d’une croissance économique continue et surtout d’énergies carbonées accessibles et facilement disponibles. Cette dépendance rend le pays très vulnérable aux chocs pétroliers (et gaziers) successifs qui ne font qu’initier le déclin d’un modèle qui, avec un recul critique maintenant évident mais difficilement audible dans le contexte de l’époque, ne pouvait perdurer. L’État commence alors à douter et à s’interroger sur ses propres missions face à ses premières difficultés financières depuis des décennies, à une concurrence internationale croissante, à une perte d’autonomie liée à l’intégration croissante des politiques au niveau européen et à une société de plus en plus accusatrice de ce qu’elle juge être des manquements de sa part. Les lois Deferre actent des principes généraux qui seront lourds de conséquence C’est dans ce contexte, qui en est en grande partie la cause, qu’intervient la première alternance de la Vème République avec l’arrivée de la gauche au pouvoir. Le constat d’un État qui a été probablement trop dirigiste et sûr de lui, en qui la confiance est écornée et qui ne peut plus s’affranchir du cadre européen et international ouvre la voie au début de la décentralisation dès l’entame de mandat en 1982 au travers des lois Deferre ; cette politique est soutenue idéologiquement par le nouvel exécutif. De ces premières d’une longue série de lois de décentralisation, on retient d’abord la création d’un nouvel échelon administratif territorial, les régions, avec les conséquences déjà développées dans une précédente note de l’Institut[3] sur lesquelles nous reviendrons. En corollaire est instauré le transfert de « blocs » de compétences (qui sont en réalité rarement des blocs, mais des portions) aux désormais trois

Par Delelys A.

27 janvier 2022

Travaux externes

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