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Arménie

Entre un cessez-le-feu et une élection Une analyse de la deuxième guerre du Karabakh d'un point de vue français

Le Premier ministre arménien Nikol Pashinyan a récemment déclaré qu’il quitterait ses fonctions en avril pour déclencher des élections en juin afin de regagner la confiance du public. Dans un sondage réalisé en février, le Premier ministre a reçu une opinion très favorable de 30 % des Arméniens (alors que l’armée a reçu une opinion très favorable de 50 % – un signe troublant pour un pays ayant une histoire récente de protestations venant de certains irrédentistes militaires). Si l’on prend en considération le fait qu’il a purgé les officiers militaires mécontents de sa gestion de la deuxième guerre du Karabakh en octobre 2020 et que les principaux partis d’opposition sont divisés et impopulaires, la coalition « My Step » de Pashinyan devrait remporter la victoire si aucun événement inattendu ne survient d’ici juin. Cependant, oscillant autour de 30 %, la coalition de Pashinyan devra regagner les cœurs des Arméniens sur des questions comme le chômage et la gestion de la pandémie s’il veut vraiment gagner la confiance populaire. 50 % des Arméniens qui ont déclaré qu’ils ne voteraient pas ont indiqué qu’ils ne faisaient confiance à aucun parti politique. Les récentes menaces proférées par les forces militaires à l’encontre de la légitimité de Nikol Pashinyan et ces prochaines élections parlementaires de juin en Arménie viennent s’ajouter aux préoccupations actuelles pour la démocratie dans le monde – mais elles nous permettent également de réexaminer la place de la région du Caucase dans la géopolitique mondiale, le rôle de la France en tant qu’acteur international et, surtout, l’histoire tragique des conflits qui ont ravagé l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la région du Haut-Karabakh depuis 1988. En effet, en octobre 2020, le déclenchement de la guerre entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie a attiré l’attention internationale sur la région du Haut-Karabakh. Certains sur les réseaux sociaux et dans les médias ont tenté de simplifier à l’extrême ce conflit en le présentant comme une guerre de religion entre Azéris musulmans et Arméniens chrétiens, ou de l’occulter en affirmant que ce conflit ethnique de la région du Caucase était « trop insignifiant » pour être analysé ou que les Occidentaux ne faisaient pas l’effort de le comprendre. De telles généralisations empêchent des discussions réelles et approfondies sur les impacts géopolitiques que le conflit pourrait avoir dans la région du Caucase, et le rôle (s’il y en a un) que la France devrait jouer dans la promotion de la paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Maintenant que la « deuxième guerre du Karabakh » a été conclue par un traité de paix le 10 novembre 2020, les prochaines élections de juin 2021 en Arménie permettent de réfléchir au rôle de la France et de la communauté internationale dans le maintien de la démocratie face aux forces militaires qui réclament la démission du Premier ministre arménien démocratiquement élu, Nikol Pashinyan. La note qui suit fait le point sur la situation en résumant les points clés du conflit, les solutions proposées par les acteurs internationaux et l’état du débat en France tout en recommandant de promouvoir la démocratie dans la région du Caucase sans se précipiter vers des solutions militaires interventionnistes. Télécharger la note en pdf Download the English version   CuriousGolden, Map of the Nagorno-Karabakh conflict following the 2020 Nagorno-Karabakh war, Wikimedia Commons, 19 décembre 2020. Carte.   Un bref point de situation dans le territoire du Haut-Karabakh En 1920, l’armée soviétique envahit la région du Caucase, permettant la création de nouvelles républiques socialistes. La région du Karabakh est intégrée à l’Azerbaïdjan, bien qu’elle soit à plus de 90 % arménienne à l’époque. Le conflit régional entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan est resté inactif pendant la période soviétique. Des tensions ethniques entre Arméniens et Azéris éclatent en 1988, pendant la période des réformes soviétiques de Gorbatchev. Après la dissolution de l’Union soviétique, des guérillas au Karabakh parrainées par l’Arménie finissent par provoquer une véritable guerre en 1992 avec l’Azerbaïdjan. Après l’échec des initiatives de paix de l’Iran et de la CSCE, la Russie négocie un cessez-le-feu dans la région en 1994. Au total, la « première guerre du Karabakh » et les violences qui suivent jusqu’en 2020 font 30 000 morts dans les deux camps et provoquent le déplacement de 700 000 Azéris du Haut-Karabakh. Les tensions ethniques ont donné lieu à des violences depuis, faisant plusieurs morts lors des affrontements de Martakert en 2008 et environ 350 morts lors de la « guerre des quatre jours » d’avril 2016. Le 27 septembre 2020, l’Azerbaïdjan bombarde des cibles civiles dans les villes du Karabakh, dont Stepanakert, déclenchant ainsi la “deuxième guerre du Karabakh”, qui dure six semaines. Un cessez-le-feu russe est négocié le 10 octobre et un cessez-le-feu américain le 26 octobre. Chaque accord est violé peu de temps après sa mise en œuvre, l’Arménie et l’Azerbaïdjan se rejetant mutuellement la responsabilité de ces violations. Le 8 novembre, les forces azerbaïdjanaises capturent Shusha, une ville de montagne de haute altitude, parfaite pour le stationnement des armes d’artillerie. Au total, 2425 soldats arméniens et 2783 soldats azéris sont tués, tandis que 100 disparaissent au combat. Au moins 143 civils sont également tués des deux côtés. Le 10 novembre, le président russe, Vladimir Poutine, fait signer au Premier ministre arménien Nikol Pashinyan et au président azéri Ilham Aliyev un accord de cessez-le-feu et les termes d’une surveillance du cessez-le-feu exigée par les forces russes. Selon cet accord, 1960 soldats de la paix russes surveilleront la frontière de la région du Haut-Karabakh et le FSB surveillera les transports à destination et en provenance de la région. Les forces de maintien de la paix seront très présentes dans le corridor stratégique de Latchin, qui relie l’Arménie à la région du Haut-Karabakh. Les Azéris recevront la totalité du Haut-Karabakh et stationneront leurs troupes dans la ville stratégique de Choucha. Selon les déclarations d’Ilham Aliyev, des forces turques seront présentes dans la région pour maintenir l’opération de maintien de la paix. Fin février 2021, des manifestations anti-gouvernementales éclatent après la défaite de l’Arménie. Bon nombre des manifestants sont des irrédentistes pro-militaires. Le 24 février, l’état-major général de

Par Marchais F.

29 avril 2021

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