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Sommaire

    accord de paris

    L’action climatique est-elle soluble dans le pétrole ? Le consensus de Dubaï et ses contradictions

    Difficile de croire qu’il y a huit ans, en 2015 et à Paris, lors de la 21ème conférence sur le climat des Nations unies (COP 21), la communauté internationale parvenait à s’accorder sur la lutte contre le changement climatique et approuvait l’Accord de Paris. Ce consensus sur la nécessité de combattre le changement climatique et de maintenir l’augmentation des températures sous 2°C et si possible 1,5°C avait été baptisé « esprit de Paris ». Les années qui ont suivi l’ont enterré, laissant réapparaître de nombreuses divisions, que l’on pensait alors dépassées. Malgré tout, les narratifs des différents pays ont évolué alors que les effets du changement climatique se faisaient plus visibles et que la gouvernance internationale s’adaptait. Ces difficultés se reflètent dans le texte final de la COP 28, qui s’est tenue fin 2023 à Dubaï. D’un côté, le texte rappelle l’importance d’une « transition hors des énergies fossiles » afin de parvenir à l’objectif « net zéro en 2050 » en se basant sur la science. De l’autre, il reconnaît l’importance des « énergies de transition » (une allusion au gaz naturel, appartenant pourtant aux énergies fossiles), et appelle à l’accélération de solutions technologiques telles que le nucléaire ou la capture, utilisation et séquestration du CO2 (CCUS, pour carbon capture, utilisation and storage) alors qu’elles restent extrêmement coûteuses, inaccessibles pour de nombreux pays, et que leur efficacité reste sujet à discussion (voir plus bas)[1]. Ce texte ambigu n’en est pas moins nommé par les Nations unies le « UAE consensus », soit en français le « consensus émirati ». Ce consensus et ses contradictions révèlent aussi des conceptions opposées des moyens à mettre en œuvre dans la lutte contre le changement climatique. L’heure est pourtant grave, alors que le service européen Copernicus a annoncé que 2023 serait probablement l’année la plus chaude jamais enregistrée[2]. Cette note vise donc à aller derrière ce consensus et à identifier les origines des dissensions entre les Etats, à faire une liste des tactiques employées pour continuer à utiliser des énergies fossiles tout en restant officiellement aligné avec les objectifs de l’Accord de Paris. Notons que nous nous focalisons sur les actions d’atténuation du changement climatique et d’utilisation des énergies fossiles et nous n’abordons pas les questions d’adaptation, de pertes et dommages ou de finances[3]. Généalogie des divisions actuelles : l’insoluble question des responsabilités Le principe des « responsabilités communes, mais différenciées et des capacités respectives » Les divisions sur le plan climatique apparaissent très tôt dans l’histoire des négociations, et se manifestent notamment à travers le principe des « responsabilités communes, mais différenciées et des capacités respectives » (common but differentiated responsibilities and respective capabilities, CBDR). Ce principe a été inclus dans les déclarations des Nations unies sur l’Environnement de Stockholm (1972) puis de Rio (1992)[4]. D’après les CBDR, les pays développés sont les principaux responsables du changement climatique (en 1992, à l’époque où se développe cette rhétorique des CBDR, les États-Unis sont encore le premier émetteur annuel) et le maximum des efforts climatiques leur incombe. Cela implique qu’ils doivent drastiquement réduire leurs émissions, mais aussi financer la lutte contre le changement climatique dans les autres pays. Les États-Unis rejettent ce principe en 1997 avec la résolution Byrd-Hagel[5]. Le Sénat américain refuse alors à l’unanimité la ratification du Protocole de Kyoto[6]. À l’inverse et selon les CBDR, les pays en développement ont besoin d’avoir accès à des sources d’énergie bon marché pour se développer. Ils doivent donc être autorisés à émettre des gaz à effet de serre, et doivent recevoir des soutiens financiers de la part des pays riches pour leurs transitions climatiques (les questions d’adaptation aux effets du changement climatique et de compensation des pertes et dommages s’ajouteront plus tard aux discussions). Cette idée reste d’actualité à l’aube de la COP 28, alors que l’Inde aurait demandé aux pays développés d’avoir une empreinte carbone négative afin de compenser les émissions des autres pays, nécessaires pour assurer leur développement[7]. Les responsabilités en matière de changement climatique ainsi que le poids économique des différents pays ont évolué depuis 1992 et varient en fonction des calculs et approches adoptés. Le classement des plus gros émetteurs change si l’on considère les émissions historiques (soit l’accumulation des gaz à effet de serre depuis le XIXème siècle), même si le duo de tête reste les États-Unis et la Chine (il n’est par ailleurs pas impossible que cette dernière dépasse un jour les États-Unis)[8]. Une autre méthode de calcul, proposée en 2023, prend en compte l’histoire coloniale des pays et fait bondir les émissions de certains pays comme la France[9]. Les résultats changent encore si l’on choisit de mesurer les émissions par habitant : des pays très peuplés comme la Chine et l’Inde se positionnent loin derrière les pays développés, laissant notamment la place à d’autres émetteurs (Nouvelle-Zélande, Canada, ou encore Australie). Dès lors, déterminer quel pays a la plus grande part de responsabilité dans le changement climatique se révèle extrêmement difficile et la perception de la responsabilité de chaque pays dans le changement climatique varie d’une méthode de calcul à l’autre (sauf pour les États-Unis, qui se positionnent parmi les plus gros émetteurs, quelques soient les critères choisis – voir tableau ci-dessous)[10]. Classements des plus gros émetteurs selon une sélection de critères[11] (2021) Rang Émissions cumulées (1850 – 2021) Émissions cumulées (1850 – 2021), en prenant en compte l’historique colonial Émissions cumulées par habitant Pays Total des émissions (MtCo2) Pays Total des émissions (MtCo2) Pays Total des émissions (tCO2) 1 États-Unis 509,1 États-Unis 520,1 Nouvelle-Zélande 5765 2 Chine 284,4 Chine 285,8 Canada 4772 3 Russie 172,5 Russie 235,3 Australie 4013 4 Brésil 112,9 Royaume-Uni 129,4 États-Unis 3820 5 Allemagne 88,5 Brésil 112,7 Argentine 3382 Source : Carbon Brief D’autres critères existent également, prenant par exemple en compte les émissions exportées. Sans évaluation consensuelle de la responsabilité de chacun, il est impossible de déterminer les efforts auxquels chaque État doit consentir pour réduire le plus rapidement possible les émissions. La question de la responsabilité inclut ainsi en filigrane l’idée d’un droit à émettre pour chaque pays : autrement dit, les pays industriels sont parvenus à leur niveau actuel

    Par Voïta T.

    20 décembre 2023

    Projet de loi sur l’aide au développement : Bonnes intentions, vieilles recettes et actuelles impasses

    Le projet de loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales a fait l’objet d’un rare consensus : il a été adopté le 2 mars 2021 à l’Assemblée nationale par 502 voix pour, sans aucune voix contre. Il sera débattu au Sénat le 11 mai. La structure de ce projet est conforme à celle de la plupart des programmes précédents sur l’aide publique au développement (APD). Il fixe un horizon (atteindre les fameux 0,7 % du PIB consacrés à l’aide), et trace un chemin (passer à 0,55 % du PIB soit 13,6 milliards d’euros en 2022, année où devra être adoptée une nouvelle programmation). Il réaffirme des objectifs (les Objectifs de développement durable et la mise en œuvre de l’Accord de Paris). Il indique les thématiques à traiter : climat, biodiversité, égalité hommes-femmes, crises/fragilités, droits humains, santé, éducation, sécurité alimentaire, gestion de l’eau, gouvernance, mais aussi croissance économique inclusive et durable et gouvernance démocratique. Il désigne un canal de distribution et des acteurs et outils privilégiés (l’aide bilatérale et en premier lieu les subventions de l’Agence française de développement (AFD), mais aussi les subventions transitant par les ONG, et celles consacrées à l’action extérieure des collectivités locales, les deux dernières devant avoir doublé entre 2017 et 2022. S’y ajoute un « Fonds d’innovation pour le développement » présidé par la « Prix Nobel » d’économie Esther Duflo et destiné à financer des projets innovants et la vérification « scientifique » de leur efficacité par des essais cliniques randomisés). Il fixe des règles de concentration de l’aide selon ses bénéficiaires : 18 pays africains et Haïti devront bénéficier de la moitié du total de l’aide-projet et de deux tiers des subventions de l’AFD ; la zone « Afrique et Méditerranée » devra bénéficier de 75 % des concours de l’État en prêts et subventions et 85 % de ceux de l’AFD. Il préconise enfin une méthode, le partenariat, qui consiste pour l’essentiel à s’aligner sur les priorités des gouvernements des pays aidés et à utiliser leurs circuits de dépense publique. Alors que l’austérité se profile, il est a priori difficile de ne pas saluer un projet de loi qui ferait de l’aide publique au développement la politique publique ayant connu la plus forte augmentation de moyens depuis le début du quinquennat. Mais s’agissant d’une politique déployée par nature loin des yeux des citoyens et des élus et énoncée dans des discours ultra-technocratiques, un examen critique n’est pas superflu. De fait, les contradictions du texte et les impasses où il maintient l’aide au développement s’imposent à nous. En premier lieu, exemple type de gouvernance par les nombres, la cible de 0,7 % du PIB consacré à l’aide publique au développement (APD) n’a plus aucun fondement économique. Elle a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies en 1970 sur la base de travaux qui voyaient dans le sous-développement le résultat d’un manque d’investissements à combler par un apport de ressources extérieures publiques. Or ces travaux sont désormais dépassés et la structure des flux financiers internationaux d’aujourd’hui n’a rien à voir avec celle de l’époque. Cette cible est brandie par les ONG pour ses effets supposément mobilisateurs, mais on peut rappeler le caractère pousse-au-crime de tout objectif de décaissement, qui conduit à être peu regardant sur l’usage des fonds par des régimes souvent corrompus. Le caractère réellement partagé des Objectifs de développement durable et de l’Accord de Paris sur le climat est douteux, nombre de pays africains ayant démontré ces dernières années leur appétence pour les grands projets d’infrastructure, souvent surfacturés, au détriment des projets sociaux et environnementaux. La rebilatéralisation de l’aide française n’est pas à déplorer, au vu notamment de la qualité de l’aide européenne sur le terrain. Notons toutefois qu’elle est en contradiction avec l’objectif de relance du multilatéralisme rappelé dans le projet de loi. La politique annoncée d’accroissement de l’activité de prêts bilatéraux de l’AFD au secteur public (2,11 milliards d’eurosen 2022 contre 1,36 milliard d’euros en 2019) est a priori contradictoire avec les objectifs d’annulation de dette dont Emmanuel Macron s’est fait le héraut à l’international. À rebours du discours globalisant sur l’Afrique émergente, les prêts devraient cibler les États solvables de la zone « Afrique et Méditerranée », dessinée pour les besoins de la cause, et le reste du monde. L’importance des moyens consacrés au « Fonds Duflo » (15 millions d’euros, soit plus de la moitié de la dotation budgétaire de 28 millions d’euros de l’Institut Français, en charge de l’action culturelle extérieure de la France) interpelle, alors que la méthode des essais randomisés a fait l’objet de fortes critiques pour ses biais internes, la faible transposabilité de ses résultats. Il est vrai que l’idée que la pauvreté puisse être combattue par des méthodes supposées scientifiques et non politiques ne peut que séduire la Macronie. La concentration de l’aide sur l’Afrique doit être justifiée, au regard des maigres résultats qu’elle a eu depuis les indépendances. Nombre d’États qui ont été au cœur de notre coopération depuis soixante ans sont en voie d’effondrement, et le couplage d’opérations militaires avec l’aide au développement, au fondement de la politique française au Sahel, ne convainc pas : du plan Soustelle en Algérie à l’action internationale en Afghanistan, l’alliance du sabre et du chéquier s’est montrée inopérante. Cette concentration en Afrique est en outre contradictoire avec la volonté nouvelle de peser dans la zone indo-pacifique face à l’expansionnisme chinois. La liste des thématiques à traiter est tellement vaste qu’on ne peut parler de priorisation de l’aide. Les questions culturelles sont réduites à la portion congrue dans le projet, alors qu’il s’agit de l’un des derniers domaines où subsiste un vrai « désir de France ». Enfin, la recherche de partenariats avec les gouvernements des pays bénéficiaires, éminemment souhaitable a priori, peut relever du marché de dupes si l’on veut améliorer la vie de populations dont certaines kleptocraties amies se soucient fort peu : qui croira à un partenariat pour les pauvres avec messieurs Deby ou Sassou Nguesso ? Avec une fausse naïveté, le Haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité Josep Borell avouait tout récemment : « Au Sahel,

    Par Vircoulon T., Giovalucchi F.

    12 mai 2021

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