Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine

Think-Tank Institutions

L’institut Rousseau traite de plusieurs domaines dont un Think-Tank Institutions. Au- delà de déclamer les 3 principes / valeurs de la France (liberté, égalité, fraternité) comment améliorer l’atteinte d’une meilleure démocratie et meilleure égalité.

Vous trouverez ici des articles sur l’organisation de l’Etat et des territoires, les enjeux démocratiques et les services publics.

Décentralisation et organisation territoriale : vers un retour à l’État ?

Telle qu’elle fut menée en France, la décentralisation a tendu à mettre de plus en plus en danger la République. Multipliant les exceptions, elle a calqué les structures administratives sur les revendications catégorielles, voire identitaires. Elle n’a pas pour autant favorisé la démocratie. Devenue illisible, elle est demeurée affaire d’élus et, d’élection en élection, une part croissante des citoyens s’en est détournée pour se réfugier dans l’abstention. Diluant les responsabilités entre au minimum cinq niveaux d’action publique, elle a affaibli notre capacité collective à conduire de grands projets, à aménager le territoire et à assurer l’égalité des citoyens devant la loi. Cette note se propose de remettre sur le métier la toile d’une décentralisation dysfonctionnelle dès le départ pour en reposer la superstructure sur des fondations démocratiques et républicaines. Introduction   Avec l’irruption brutale de la crise causée par la pandémie du virus Covid-19 dans la vie de sociétés qui, imprudemment, croyaient trop souvent en avoir fini avec le tragique, la vieille machine administrative centralisée française, montre à nouveau son visage séculaire. Quels qu’aient pu être les retards, les imprévoyances et les erreurs du Gouvernement dans la réponse à la crise, qui semblent majeurs et dont il faudra évaluer attentivement l’ampleur une fois la crise passée, force est de constater que la machine de l’État fait face, mieux qu’ailleurs, aux urgences du moment. Alors que le gouvernement espagnol et celui de la communauté autonome de Catalogne se déchirent sur leurs responsabilités, que les États-Unis réagissent par morceaux et en désordre conformément à leur nature fédérale, que la fermeture des établissements scolaires en Allemagne dépend de la décision de chaque land, l’État à la française montre sa vertu. Les agences régionales de santé, administration déconcentrée de l’État, sont à pied d’œuvre pour accroître les capacités de réanimation des hôpitaux et transférer les malades des zones les plus touchées vers celles encore relativement épargnées. Le maillage préfectoral, relayé par les communes, organise aussi bien que possible la continuité des activités vitales, suivant les instructions des ministères concernés. En temps de crise, la centralisation tant décriée réapparaît pour ce qu’elle est, un gage d’efficacité administrative, de cohérence et de rapidité. Quant à la décentralisation, elle semble pour quelques semaines engloutie dans l’oubli par les impérieuses exigences du réel. Là où elle fut conduite, notamment en matière de stockage des masques, elle a montré toutes ses limites. Ainsi Marisol Touraine déclare-t-elle dans Le Figaro du 23 mars : « En 2013, il y a un avis du SGDN qui dit que chaque collectivité, entreprise ou établissement est responsable de ses stocks, car l’État ne peut pas tout stocker. C’est ce qu’ont fait la mairie de Paris, ou le ministère de la Santé pour les urgences. Ce n’est pas un changement de doctrine, c’est une décentralisation ». Si l’on peut s’étonner qu’un État moderne comme la France ne soit pas à même d’assurer le stockage de masques, il faut bien interroger les soubassements idéologiques conduisant à décentraliser cette décision… et en reconnaître le bilan catastrophique. Telle qu’elle fut menée en France, la décentralisation a tendu à mettre de plus en plus en danger la République[1]. Multipliant les exceptions, elle a calqué les structures administratives sur les revendications catégorielles, voire identitaires. Elle n’a pas pour autant favorisé la démocratie. Devenue illisible, elle est demeurée affaire d’élus et, d’élection en élection, une part croissante des citoyens s’en est détournée pour se réfugier dans l’abstention. Diluant les responsabilités entre au minimum cinq niveaux d’action publique[2], elle a affaibli notre capacité collective à conduire de grands projets, à aménager le territoire et à assurer l’égalité des citoyens devant la loi. Cette note se propose de remettre sur le métier la toile d’une décentralisation dysfonctionnelle dès le départ pour en reposer la superstructure sur des fondations démocratiques et républicaines. Construisant sur les fondations posées par l’arasement révolutionnaire de la marqueterie administrative archaïque léguée par l’Ancien régime et la création des départements, l’État centralisé et uniforme fut la clef de voûte de l’unité de la société française. La simplicité et l’efficacité redoutable de l’édifice donnèrent à la France une véritable « constitution administrative » qui devait survivre, moyennant de minimes évolutions, à toutes les vicissitudes de l’histoire politique agitée du pays entre 1800 et 1981. C’est grâce à cette armature solide que purent être conduits les grands efforts d’unification du pays avec la mise en œuvre de l’école obligatoire, le service militaire universel et la grande politique d’aménagement du territoire des années 1960 et 1970. Elle permit aussi à la France d’affronter victorieusement sa plus grande épreuve, la Grande Guerre, en mobilisant efficacement toutes les ressources de la nation. En comparant l’article 3 de la loi du 28 pluviôse An VIII (17 février 1800)[3] avec les 136 articles et 188 pages de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, plus connue en tant que loi « NOTRe », établissant la dernière en date des grandes « réformes territoriales » qui ont rythmé l’actualité politique des dernières décennies depuis 1982, on est frappé par l’impression de confusion et d’enchevêtrement que donne désormais notre organisation administrative. À l’imposante façade néoclassique a succédé un patchwork disgracieux d’aspirations contradictoires, un édifice menaçant ruine, mais maintenu debout au jour le jour par des étais provisoires. La décentralisation, soit le transfert de certaines compétences des administrations territoriales de l’État à des autorités locales élues, a représenté dans notre histoire institutionnelle une rupture d’une extraordinaire portée, dont on ne mesure en général pas l’importance et qui peut prétendre, avec la signature du traité de Maastricht, au titre de plus importante décision prise par les dirigeants français depuis 1974. À en juger par la succession rapide des réformes, remplaçant sans repos une cote mal taillée par une autre dans une large indifférence du public, force est de constater que la France n’a pas retrouvé, depuis 1982, un équilibre institutionnel dans lequel elle se reconnaît s’agissant de son organisation territoriale. Pourtant, alors que le bilan d’une transformation aussi brutale reste à établir, il suscite peu de débats intellectuels, et encore

Par Pierre-Latour M.

26 mars 2020

Listes citoyennes, municipalisme : Quelle démocratie locale après les gilets jaunes ?

À l’occasion des élections municipales de mars 2020, un grand nombre de listes dites « citoyennes » ou « participatives » se sont constituées, partout en France, dans les villes moyennes comme dans les métropoles, les villages ou les hameaux. Évoluant en dehors ou en retrait des étiquettes partisanes, ces listes placent la participation des citoyens à la vie démocratique au cœur de leur programme. Ce phénomène post-crise des gilets jaunes traduit une repolitisation citoyenne de l’échelon local, dont on ne saurait encore dire qui – quelles catégories socio-professionnelles, quelle(s) classe(s) d’âge – elle touche précisément. Elle ouvre des perspectives pour repenser les dispositifs de démocratie locale, du droit de pétition au référendum, et engager des efforts en faveur de la formation des élus et du financement de la participation. Introduction Un an après la crise des gilets jaunes qui ont placé la question démocratique au cœur de leurs revendications, les élections municipales donnent lieu à l’émergence, partout sur le territoire, de listes « citoyennes » ou « participatives », qui se présentent au scrutin municipal de mars 2020 sans étiquette partisane. Ces listes naissent à l’initiative de collectifs de citoyens, strictement hors partis ou transpartisans, mais toujours sans chapelle politique revendiquée. À quelques mois du scrutin, on en dénombre plus de 200 à travers la France. Qu’est-ce qu’une liste citoyenne ? La définition est moins aisée qu’il n’y paraît. On peut toutefois déceler, à la lumière des initiatives nées en vue des municipales, deux critères cumulatifs, qui forment un socle commun : le critère a-partisan et le critère participatif. Au-delà, chaque liste développe ses particularités, en étant plus ou moins portée vers un municipalisme à tendance libertaire, courant que l’on retrouve davantage dans les petites communes. Dans l’écrasante majorité des cas, et en dehors de leur exigence démocratique, les listes citoyennes prônent la transition écologique et la justice sociale.   Table des matières I. Rejet des appartenances partisanes et promotion de la démocratie participative au cœur du phénomène II. Des listes citoyennes entre re-politisation et défiance III. La démocratie communale comme nationale requiert du temps, des moyens et une implication réelle des citoyens IV. Comment approfondir la démocratie locale ? a. Référendum local et consultation d’initiative citoyenne b. Droit à l’expérimentation, sécurité juridique c. Le financement de la démocratie locale et la formation des élus   I. Rejet des appartenances partisanes et promotion de la démocratie participative au cœur du phénomène   Une liste citoyenne est d’abord une liste qui minimise l’appartenance partisane voire qui rejette toute étiquette, et se compose exclusivement de « citoyens » présentés comme tels. Si certaines listes citoyennes, à l’instar de l’Archipel citoyen à Toulouse qui a désigné un militant d’EELV comme tête de liste, reçoivent le soutien de partis et accueillent des militants de partis politiques, les références partisanes sont reléguées à l’arrière-plan ou n’apparaissent pas du tout. Les militants qui se présentent sur une liste citoyenne n’y figurent pas en tant que membres de leur parti. Une liste citoyenne est, ensuite, une liste qui place les outils de démocratie participative et directe au cœur de son fonctionnement, sur fond de critique parfois sévère à l’encontre de la démocratie représentative, assimilée à la politique politicienne et à la bureaucratie. Le périmètre de la démocratie participative étant lui-même sujet à débats, le vocable souffre d’imprécision. La plateforme « Action commune », qui offre un appui aux listes citoyennes en vue du scrutin de mars 2020, se simplifie la tâche en affirmant qu’est participative « une liste qui se définit comme telle », tout en mettant en avant des outils et pratiques labellisés démocratiques (« Label démocratie »[1]). Selon ces labels, une liste dite participative doit respecter un certain nombre de principes à son lancement comme en cas de victoire à l’élection. Lorsqu’elle se lance, elle ne doit avoir ni candidat ni programme pré-défini. Les candidats élus s’engagent à démissionner de tout autre mandat. Ne peut figurer sur la liste un candidat ayant eu plusieurs mandats par le passé. En cas de victoire, toutes les décisions prises durant le mandat sont co-construites entre les élus, qui sont davantage exécutants que décideurs, et les habitants. La transparence est de mise, et la vigilance exigée vis-à-vis de potentiels conflits d’intérêt. La plateforme « Action commune » recense 255 listes citoyennes partout en France[2]. Le chiffre peut sembler dérisoire et le phénomène anecdotique, comparé aux 36 000 communes que compte notre pays. Il ne l’est pas, pour au moins deux raisons. La première, c’est que les listes citoyennes ne sont pas un phénomène « concentré » sur un territoire ou sur une catégorie de communes. On retrouve des listes citoyennes partout en France.   Carte interactive des listes citoyennes / Source : « Action Commune »   Les listes citoyennes se retrouvent aussi bien dans les villes moyennes que dans les métropoles et les villages. À Montjustin, commune de 70 habitants dans les Alpes-de-Haute-Provence, ou Luc-en-Diois, 524 habitants dans la Drôme, aussi bien qu’à Béziers, Poitiers, Annecy, Orléans ou Toulouse. Selon la taille de la commune, la tendance affichée est plus ou moins libertaire. Les petites communes voient traditionnellement se présenter des listes sans étiquette partisane aux scrutins municipaux. Lorsque, dans le contexte des listes citoyennes, s’y ajoute une dimension participative revendiquée, elles s’inscrivent dans un courant municipaliste prônant l’autonomie ainsi que la démocratie continue et directe, plus aisément praticable dans les communes de petite taille. La logique semble quelque peu différente dans les villes moyennes et les grandes villes (au-delà de 150 000 habitants), ou le phénomène « participatif » reflète davantage une volonté de renouvellement politique en dehors des partis.   Répertoire-exemple de listes citoyennes candidates aux élections municipales 2020 Communes de plus de 50 000 habitants Communes de moins de 5000 habitants Albi, « Collectif pour Albi démocratique solidaire et écologique » Amiens, « Amiens 2020 » Annecy, « Réveillons Annecy » Aulnay-Sous-Bois, « Aulnay 2020 » Avignon, « Avignon en commun » Bayonne, « Demain Bayonne » Besançon, « Bisontine, Bisontins » Béziers, « Béziers Citoyens » Brest, « Brest la liste citoyenne » Chalon, « Citoyen bien vivre à Chalon » Chambéry, « Mouvement citoyen du grand Chambéry » Lorient, « Énergies citoyennes » Maçon, « Maçon 2020 écologique et solidaire » Montauban,

Par Ridel C.

23 février 2020

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