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Industrie et technologies

Il est urgent d’agir face au développement du marché des cryptoactifs et de séparer le bon grain de l’ivraie Tribune

Français 🇫🇷 | English 🇬🇧 | Deutsch 🇩🇪 | Italiano 🇮🇹 | Español 🇪🇸 Signée par plus de 170 économistes, informaticiens, experts et personnalités scientifiques, cette tribune a pour objectif d’alerter sur les risques croissants, en matière économique, financière, écologique et sociale, liés au développement anarchique des cryptoactifs. Face à l’inaction des États en cette matière, elle introduit également plusieurs principes de régulation pour maîtriser ces risques et poser les bases d’une utilisation saine et responsable des technologies innovantes sous-jacentes à ces cryptoactifs. Pour toute information supplémentaire au sujet de cette tribune et des travaux qui l’accompagnent, vous pouvez écrire à l’adresse : contact@institut-rousseau.fr. Vous souhaitez apporter votre soutien à notre démarche ? Vous pouvez remplir ce formulaire, vous serez ajouté aux signataires. Initiateurs : Nicolas Dufrêne, haut fonctionnaire, économiste et directeur de l’Institut Rousseau Jean-Michel Servet, professeur à l’Institut des hautes études internationales et du développement (Genève) Jean-Paul Delahaye, professeur à l’Université de Lille, informaticien et mathématicien Ont notamment soutenu la tribune : Gaël Giraud, directeur du programme de justice environnementale à l’Université de Georgetown et président d’honneur de l’Institut Rousseau Gérard Berry, Professeur émérite au Collège de France, médaille d’or du CNRS 2014 Michel Aglietta, professeur émérite université Paris Nanterre et conseiller scientifique au Cepii Jean-Louis Desvignes Président de l’Association des Réservistes du Chiffres et de la Sécurité de l’Information (ARCSI) Jean-Gabriel Ganascia, informaticien et philosophe, membre du comité national pilote d’éthique du numérique Alain Grandjean, économiste, entrepreneur et polytechnicien, membre du Haut Conseil pour le climat Serge Abiteboul, chercheur à l’Inria, Membre de l’Académie des Sciences Alain Supiot, juriste, professeur émérite au Collège de France Stéphane Ducasse, Directeur de recherche inria Rachid Guerraoui, professeur à l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), directeur du laboratoire de calcul distribué. Professeur invité sur la chaire annuelle Informatique et sciences numériques du Collège de France. Paul de Grauwe, London School of Economics, John Paulson Chair in European Political Economy Alexandre Rambaud, maître de conférences en comptabilité financière et écologique à AgroParisTech Jacques Dubochet, prof. hon. Université de Lausanne, prix Nobel, chimie 2017 Dominique Plihon, professeur émérite à l’Université Sorbonne Paris Nord François Morin, professeur émérite à l’Université Capitole de Toulouse Pierre Dockès, Professeur émérite de sciences économiques, université Lumière Lyon 2 Didier Roux, Membre de l’Académie des Sciences, Membre de l’Académie des Technologies Découvrir tous les signataires.   La tribune en langue française : Il est urgent d’agir face au développement du marché des cryptoactifs et de séparer le bon grain de l’ivraie Le monde monétaire et financier est actuellement bousculé par l’émergence des cryptoactifs. Avec plus de 2 000 milliards de dollars de capitalisation, ce marché compte désormais plus de 16 000 cryptoactifs et connaît une progression fulgurante depuis quelques années. La capitalisation du seul bitcoin, du fait de l’accroissement de son cours, est aujourd’hui à peu près égale à la masse monétaire du franc suisse. Le phénomène ne doit donc pas être pris à la légère. Par son volume, il questionne aujourd’hui directement l’ordre public financier et l’intérêt général. Or, les autorités n’ont jusqu’à présent pas pris la mesure des risques et des dommages que ce développement pourrait engendrer. Cette inaction s’explique sans doute par la difficulté à saisir la diversité du phénomène. En effet, les milliers de cryptoactifs existants ne sont pas de même nature et n’ont pas le même objet. Certains prétendent constituer des alternatives monétaires globales (Bitcoin) ; d’autres ne servent qu’à faciliter des paiements transfrontaliers (Ripple) ; d’autres encore ne sont que des amusements (Dogecoin). Le développement des actifs numériques permet certes de bousculer certaines pratiques et introduit des innovations utiles comme la possibilité de conclure des « contrats intelligents » grâce à la technologie des chaînes de blocs [blockchain], de se passer d’intermédiaires en matière de transferts de propriétés ou d’accélérer les paiements internationaux. Or, des cryptoactifs bien employés et bien régulés pourraient jouer le même rôle sans le caractère négatif majeur qui entache aujourd’hui, plus qu’il ne sert, leur essor. Car certains cryptoactifs, dont le bitcoin qui en est l’étendard, font courir des risques grandissants à nos sociétés. À cause de l’énergie qu’elles requièrent (près de 131 TWh, soit davantage que la Belgique et la Suisse), les blockchains utilisant un protocole de type « preuve de travail » provoquent un désastre écologique, qui va empirer. La forte volatilité du bitcoin porte atteinte à la stabilité financière car elle est opérée par des acteurs à la capitalisation parfois fragile et sans garde-fous, dans des marchés par ailleurs largement manipulés par quelques grands détenteurs de cryptoactifs. Enfin, la cohésion sociale et monétaire peut être menacée par les prétentions de certains d’encourager le développement de systèmes de paiement parallèles. Certains cryptoactifs font par ailleurs peser une lourde menace sur la sécurité des personnes et des États puisqu’ils facilitent les demandes de rançon, l’évasion fiscale ou le financement d’activités criminelles voire terroristes. Des cryptoactifs comme Monero, Dash ou Zcash ont même été pensés pour qu’il soit absolument impossible de suivre leurs opérations. Répondre à ces craintes légitimes en affirmant que le système bancaire et financier traditionnel n’est lui aussi pas exempt de reproches est hors de propos : ce dernier a évidemment aussi permis l’évasion fiscale et le financement du terrorisme, tout comme le financement d’activités polluantes mais les solutions sont connues : elles passent notamment par l’arraisonnement des chambres internationales de compensation par la justice, le renforcement des administrations fiscales, la réglementation du shadow banking… Alors que des efforts sont faits pour sortir de ces errements, pour les corriger et pour les punir, faut-il laisser apparaître un nouveau Far West financier non réglementé ? Faut-il, en recréant de nouveaux actifs polluants, spéculatifs et inégalitaires, anéantir les maigres efforts entrepris pour faciliter le partage des informations bancaires ? Faut-il également laisser se détourner une part significative de l’épargne d’investissements plus productifs ? La crainte de brider l’innovation ne doit pas freiner le besoin, légitime et urgent, de réglementation. La période dite de « bac à sable », dans laquelle les cryptoactifs pouvaient se développer anarchiquement sans

Par Institut Rousseau

8 février 2022

Les arguments en faveur de la preuve d’enjeu (POS) et contre la preuve de travail (POW) pour les chaînes de bloc

Aujourd’hui, un élément central des débats concernant les cryptoactifs[1] est la question de la méthode de sécurisation des chaînes de bloc (blockchains) publiques de type Bitcoin, Ethereum, Cardano, Solana, Polkadot, etc. Le problème principal est de savoir si l’utilisation d’un protocole « Preuve de travail » (« Proof of work », POW) est nécessaire pour assurer la sécurité du fonctionnement du réseau, ou si un protocole « Preuve d’enjeu » (« Proof of stake », POS) fait aussi bien. D’autres méthodes sont possibles (Proof of space, Proof of burn, etc.), mais toutes sans exception évitent la consommation électrique de la POW et sont donc, chacune à sa façon, plus proches de la POS que de la POW. Des défenseurs du Bitcoin soutiennent que la POW est meilleure et indispensable. Mon point de vue est diamétralement opposé ; la POS possède de multiples avantages sur la POW, qui n’est qu’une option choisie par Nakamoto pour s’opposer aux « attaques Sybil[2] », que la POS freine tout aussi bien. L’idée que la POW est une meilleure protection que la POS contre les attaques 51 % est encore un mythe qui ne résiste pas à l’examen (voir le paragraphe E, plus bas). Avec un recul de plusieurs années, on dispose aujourd’hui d’une large collection d’arguments convergents qui prouvent que la POS est préférable à la POW. L’idée que la POS est supérieure à la POW s’est maintenant largement imposée, sauf parmi ceux qui défendent que le protocole de Satoshi Nakamoto est né parfait et ne sera jamais ni égalé ni dépassé[3]. Or, si la régulation des cryptoactifs renvoie à d’autres dimensions monétaires et financières non traitées dans cette note, les enjeux écologiques et énergétiques de la POW sont au cœur des réflexions portant sur la sobriété énergétique.   A. L’argument principal en faveur de la POS se déduit d’une analyse de protocole L’argument principal en faveur de la POS provient d’une analyse de la différence des protocoles POW et POS. Il s’exprime en une phrase ; la POW est une POS qui confisque les mises. Autrement dit, qui entraîne un coût pour le validateur que le POS évite. Explications. Considérons un réseau pair-à-pair faisant fonctionner une cryptomonnaie (ou plutôt un cryptoactif) par le biais d’un registre (la « blockchain ») détenu par chacun des validateurs du réseau. Pour qu’il y ait des validateurs en nombre suffisant, le protocole prévoit une « incitation », c’est-à-dire une rémunération des validateurs. Cette rémunération peut provenir de la création de nouvelles unités de cryptomonnaie ou des commissions que les utilisateurs paient quand ils utilisent les services du réseau, ou des deux systèmes à la fois comme c’est le cas pour Bitcoin et Ethereum. Cette incitation doit être attribuée aux validateurs par un procédé précis et équitable. Il s’agit d’un problème délicat quand le réseau accepte l’anonymat des validateurs, ce qui est le cas pour Bitcoin et la plupart des blockchains publiques. Si l’incitation est distribuée fréquemment, le système peut l’attribuer à chaque période de fonctionnement (10 minutes pour le Bitcoin, 15 secondes pour Ethereum, etc.) à un seul validateur. Il sera choisi au hasard selon une méthode qui donnera des chances raisonnables à chaque validateur en proportion de son engagement, et cela en contournant les ruses d’éventuels tricheurs. Pour éviter les attaques Sybil, il faut mettre en œuvre une méthode qui annule les avantages que pourrait tirer celui qui multiplie ses pseudo-identités en utilisant de nombreux pseudonymes différents. La preuve de travail, POW, et la preuve d’enjeu, POS, sont les deux méthodes principales pour contrer les attaques Sybil. Avec la POW, la probabilité d’être choisi pour recevoir l’incitation à chaque période est proportionnelle à la capacité du validateur à mener un certain type de calcul (dans le cadre d’un concours de calcul organisé toutes les 10 minutes, par exemple pour le Bitcoin). Le travail de calcul mené par un validateur pour participer au concours de calcul se nomme le « minage ». On parle de machines qui « minent », et on les appelle « rigs de minage » ; il s’agit de machines spécialisées ne pouvant rien faire d’autre dans le cas du Bitcoin. Avec la POS, la probabilité d’être choisi pour recevoir l’incitation est proportionnelle à la somme qu’un validateur engage en la mettant sous séquestre, comme une mise placée au centre de la table d’une partie de poker. Cette somme engagée peut être confisquée s’il ne fait pas correctement le travail attendu de proposition d’une nouvelle page quand le choix tombe sur lui, ou s’il tente d’utiliser ses mises sur plusieurs blockchains parallèles quand il y a des duplications (« forks ») du registre. Cette méthode de punition est le « slashing » retenu par exemple par Ethereum pour son passage prévu de la POW à la POS. La somme engagée par un validateur est récupérée quand le validateur souhaite cesser sa participation. L’argent mis sous séquestre est donc risqué, mais n’est pas perdu ; il retourne aux validateurs si tout se passe normalement. Dans les deux cas un validateur engage des ressources — soit des capacités de calcul (POW), soit des fonds mis sous séquestre (POS). S’il multiplie ses pseudo-identités cela ne lui sert à rien car la probabilité d’être choisi est proportionnelle aux ressources engagées ; qu’il les engage sous plusieurs pseudonymes ou sous un seul ne change rien à ses gains. La POW et la POS sont donc des moyens parfaits rendant inopérantes les attaques Sybil. Il est clair que le problème de ces attaques a clairement été perçu par Satoshi Nakamoto et que c’est ce qui l’a conduit à utiliser la méthode de la POW. La différence entre la POW et la POS est qu’avec la POW, l’engagement d’un validateur est perdu. L’amortissement des machines engagées dans le concours de calcul, l’électricité achetée, ainsi que les frais de fonctionnement qu’entraîne le travail de « minage » sont définitivement perdus par les validateurs car ils ne sont, bien évidemment, pas récupérés quand les validateurs se retirent du jeu. Dans le cas de la POS, la somme mise sous séquestre pour participer durant une période plus ou moins longue est récupérée quand un validateur cesse de participer. On peut résumer la situation en disant

Par Delahaye J.

3 février 2022

Droit du travail, droit zombie Comment reconquérir les zones de non-droit du travail ?

Introduction « Droit du travail, droit vivant » : c’est de cette manière peu académique que le Professeur Jean-Emmanuel Ray a intitulé son manuel de droit du travail. À juste titre d’ailleurs, puisqu’il est parvenu à rendre vivante cette matière réputée technique et austère. Ce faisant, il a grandement contribué à démocratiser le droit du travail qui, par nature, en a tout particulièrement besoin. Dans certains de ses écrits pourtant, ce même auteur fait imperceptiblement passer le droit du travail de vie à trépas pour toute une frange de la population des travailleurs. C’est par exemple le cas dans sa chronique au journal Le Monde datée du 3 mars 2021 et consacrée à une décision de la Cour suprême du Royaume-Uni sur le statut des travailleurs des plateformes numériques[1]. Il y écrit en particulier la phrase suivante : « N’en déplaise aux fanatiques du travail subordonné, idéal insurpassable, le « travail à la demande » correspond pour nombre d’entre eux – en particulier les jeunes – à une « demande de travail » flexible, quitte à en payer le prix : tel le loup face au chien de la fable de La Fontaine. » Dans cette fable, un loup préfère rester affamé et libre plutôt que de devenir comme le dogue, replet mais enchaîné. À y regarder de près, elle éclaire fort mal la position de la Cour suprême britannique, objet de la chronique : en effet, les juges y affirment que les travailleurs des plateformes sont en réalité beaucoup trop subordonnés pour qu’on puisse leur appliquer le statut de travailleur indépendant. On pourrait transposer ce jugement dans la fable de la manière suivante : le loup était tellement affamé qu’il s’est finalement laissé enchaîner, sans espoir d’acquérir un jour l’embonpoint de son compère le dogue. La fable a du moins le mérite de traduire le fond de la pensée de Jean-Emmanuel Ray dont la logique sous-jacente peut être résumée ainsi : puisque le droit du travail implique la subordination du travailleur, celui-ci peut s’en débarrasser en optant pour le statut de travailleur indépendant[2]. Nombreux sont ceux qui font le même raisonnement : c’est d’ailleurs celui qui a conféré aux plateformes une certaine légitimité aux yeux de l’opinion et des pouvoirs publics. Mais il tient en réalité du sophisme car l’idée que le droit du travail engendre la subordination n’est que le résultat d’une construction juridique qui se nourrit d’elle-même. La subordination juridique est en effet le critère retenu par la jurisprudence pour définir le champ d’application du droit du travail. Comme son nom l’indique, il s’agit d’un artifice purement juridique. Ce n’est pas le droit du travail qui crée la subordination : elle découle de la dépendance économique à laquelle les travailleurs se trouvent réduits à l’égard des donneurs d’ouvrage lorsqu’ils ne disposent ni des moyens de production (matériels ou financiers), ni d’un pouvoir d’organisation de l’activité, ni d’un accès direct à la clientèle. La subordination du travail est en réalité consubstantielle à l’économie capitaliste[3]. Le droit du travail intervient seulement pour empêcher que cette subordination ne s’exerce de manière absolue. Un salarié bénéficiant du droit du travail dispose souvent de plus de marge de manœuvre à l’égard de son employeur qu’un faux indépendant à l’égard de son donneur d’ordre[4]. Enterrer le droit du travail n’épargne donc pas aux travailleurs la subordination mais les prive seulement des protections qu’ils pouvaient en tirer. En tout état de cause, pour une partie non négligeable des travailleurs, le droit du travail est aujourd’hui plus mort que vivant[5]. Il est vrai qu’ils sont largement moins nombreux que ceux pour qui le droit du travail survit, malgré les coups de boutoirs de la flexibilisation. Mais rien ne garantit qu’un nombre croissant de salariés ne viendra pas grossir les cohortes de travailleurs « zombie » au regard du droit du travail. En effet, si on admet, que ce soit en théorie ou en pratique, que le droit du travail puisse ne plus s’appliquer à des travailleurs sans qualification, comment justifier qu’il continue de s’appliquer à des travailleurs objectivement plus autonomes ? Aujourd’hui les dérives de l’ubérisation sont dénoncées tant par des publications académiques[6] que par des articles de presse ou des documentaires[7]. Au-delà de l’ubérisation, les différentes formes d’éviction du droit du travail font également l’objet d’analyses critiques de plus en plus tranchantes[8] et la pertinence du critère de subordination juridique est questionnée de plus en plus directement[9]. Mais les années passent et la part zombie du droit du travail, qu’on peut aussi appeler le « non-droit du travail », ne reflue pas. Elle prospère même dans l’ombre, autorisant le développement de conditions de travail et d’emploi indignes d’une société évoluée. Notre étude entend s’attaquer à la question suivante : comment reconquérir de manière effective les zones de non-droit du travail, ces zones que personne ou presque ne trouve défendables une fois placées sous la lumière des projecteurs ? Pour y parvenir, deux écueils dans la compréhension du problème nous semblent devoir être levés : – Le premier concerne la focalisation sur l’ubérisation, dont l’une des principales spécificités est d’avoir assumé au grand jour l’éviction du droit du travail. Il ne s’agit en réalité que de la partie émergée de l’iceberg. L’ubérisation est l’aboutissement d’un phénomène bien plus ancien et bien plus étendu d’éviction du droit du travail qui, lui, est resté dans l’obscurité. – Le deuxième tient à l’amalgame dans lequel la question du statut des travailleurs indépendants s’est engluée. La plupart du temps, celle-ci est présentée comme un tout dont la solution consiste à rechercher la frontière juridique la plus adéquate entre les statuts de salarié et de travailleur indépendant. Or, pour les travailleurs faussement indépendants, on est en présence d’un problème de non-application abusive du droit du travail plutôt que d’un problème de définition de ses frontières, même si les deux sont imbriqués. Il n’y a donc pas lieu de traiter la situation des faux indépendants dans le même mouvement que les aspirations à l’autonomie de travailleurs hyperqualifiés ou que le rejet par les jeunes générations des organisations contraignantes (on peut du reste douter que ce rejet ait quelque chose à voir avec le droit

Par Euzier J.

20 décembre 2021

Indépendance numérique : que nous apprend la Chine ?

« Si vous ouvrez la fenêtre, l’air frais entrera mais les mouches aussi. » Cette phrase a été prononcée dans les années 1980 par Deng Xiaoping, principal dirigeant de la République populaire de Chine de 1978 à 1989, lors d’un congrès présentant la nouvelle politique d’ouverture de la Chine à la mondialisation. À l’époque, celui-ci défend l’idée selon laquelle la Chine ne peut se développer économiquement qu’en adhérant à la mondialisation.

Par Ophélie Coelho

30 novembre 2021

Quel rôle de l’État pour aligner les entreprises sur les ambitions de neutralité carbone de la France ?

Introduction Les objectifs climat de la France ne seront jamais atteints sans le concours plein et entier du secteur privé. Les entreprises se situent en effet à l’épicentre de la question climatique : non seulement elles génèrent des émissions directes provenant du fonctionnement de leurs propres actifs (bureaux, usines, flottes de véhicules), mais elles endossent aussi une responsabilité plus large en tant que pourvoyeuses de biens et services qui alimentent, modifient ou maintiennent le système socio-technique dont nous dépendons au quotidien sur le territoire national (infrastructures de transport, bâtiments, sources de chauffage, produits d’alimentation, etc.). Par ailleurs, leur dépendance à des chaînes d’approvisionnement et de logistique étrangères a une influence directe sur l’empreinte carbone de la France, qui doit elle aussi être maîtrisée[1]. Certaines entreprises du secteur agricole et forestier sont en outre amenées à jouer le rôle particulier de gérer et développer les puits de carbone, une activité indispensable à l’atteinte de l’objectif de neutralité carbone nationale. Enfin, elles sont conduites à mettre à profit leurs fortes capacités de financement pour soutenir des projets bas-carbone sur le territoire, dans une logique de contribution financière à l’effort de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de la France. Comment les pouvoirs publics peuvent-ils organiser l’alignement des entreprises sur les objectifs climat de la France ? Quel système d’indicateurs à surveiller et piloter pourrait être inventé ? Quelles instances doivent être créées par l’État afin de systématiser le contrôle de leur action climat ? Quels modes de réglementation, d’incitation et de coercition sont à encourager pour amener rapidement l’ensemble du secteur privé sur une trajectoire compatible avec l’Accord de Paris ? La présente note cherche premièrement à décrire l’ambition climat de la France (I.1) et à expliciter sa co-dépendance avec la sphère privée (I.2). La seconde partie vise à construire un système de mesure de la contribution des entreprises à la neutralité carbone française (II.1) et à esquisser des pistes pour institutionnaliser un tel système de mesure au niveau national (II.2). Enfin, la troisième partie expose les moyens à disposition de l’État pour inciter, orienter et/ou obliger les entreprises à s’aligner sur l’ambition climat collective, fort du système d’évaluation décrit dans la partie précédente.   I. S’appuyer sur les objectifs climat nationaux pour fixer le cap du secteur privé 1) La Stratégie nationale bas-carbone, une feuille de route ambitieuse Créée en 2015 et révisée en 2019, la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) fixe le cap de l’action climat de la France. Elle vise la neutralité carbone du territoire français d’ici à 2050, en cohérence avec le maintien du réchauffement climatique en dessous des 2°C. Cela signifie concrètement que les émissions nationales devront baisser de 85 % entre 1990 et 2050, et que les puits de carbone nationaux devront doubler sur la même période, afin d’atteindre un point d’équilibre émissions/absorptions en 2050. Trajectoire des émissions et puits de gaz à effet de serre sur le territoire national entre 2005 et 2050 d’après la Stratégie nationale bas carbone. Source : MTE   Les émissions considérées correspondent exclusivement aux émissions générées sur le territoire français. Les émissions importées, telles que les émissions de la production à l’étranger de biens électroniques consommés en France, ne sont pas prises en compte dans la forme actuelle de la SNBC. Chaque secteur d’émissions (transport, bâtiment, agriculture, industrie, industrie de l’énergie, déchets) possède son propre budget carbone, au regard des capacités particulières de chacun à se décarboner. Le secteur des terres (forêts, prairies, sols agricoles) possède quant à lui un budget « négatif » d’émissions, c’est-à-dire une quantité de carbone à séquestrer annuellement sur le territoire de manière à atteindre l’objectif d’absorption en 2050. La SNBC incarne donc une ambition rigoureuse d’un point de vue scientifique sur le cap à fixer pour les émissions du territoire français. Néanmoins, ce cadre n’est pas applicable tel quel aux entreprises, qui dépendent le plus souvent de chaînes d’approvisionnement et de production internationales, tandis que l’objet de la SNBC est uniquement de donner des trajectoires sectorielles de réduction sur le territoire national. Précisons par ailleurs que la SNBC n’est pas contraignante, et n’a qu’une valeur normative et déclarative.   2) Quel est le lien entre les entreprises et la Stratégie nationale bas-carbone ? Pour aligner le secteur privé sur les objectifs nationaux fixés par la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), il est nécessaire d’identifier les entreprises dont il est question. Ne devrait-il s’agir que des entreprises ayant leur siège en France ? D’entreprises ayant une implantation, quelle qu’elle soit, en France ? Ou plus largement, doit-on inclure des entreprises ayant accès au marché français ? Supposons pour simplifier que les émissions d’une entreprise sont constituées de deux « pôles » principaux : les émissions de production, et les émissions de consommation/utilisation en aval par les consommateurs finaux. Quatre grandes configurations se distinguent alors[2] : Cas 1: l’entreprise produit en France et vend en France Cas 2: l’entreprise produit en France et vend à l’international Cas 3: l’entreprise produit à l’international et vend en France Cas 4: l’entreprise produit à l’international et vend à l’international     Schéma des configurations d’entreprises entre lieu de production et lieu de vente   Pour le cas 1, la solution est simple : l’ensemble de l’activité de l’entreprise s’inscrivant au sein du territoire français, l’entreprise est directement concernée par l’ambition de la SNBC. Le cas 2 est un peu plus complexe, car l’entreprise produit en France mais exporte ses produits à l’international. Les émissions de production, qui sont incluses dans l’inventaire national, sont soumises sans ambiguïté aux exigences climat de la France. La question est de savoir si les produits vendus à l’international doivent eux aussi être soumis à la même exigence. Nous proposons que cela soit le cas, et que l’État adopte une approche simple : appliquer l’ambition climatique de la France à ces produits en considérant que l’ambition française est la mieux-disante. Par exemple, si la loi française interdit la vente des véhicules thermiques en 2035, il sera attendu des entreprises produisant ces véhicules sur le territoire national d’appliquer cette interdiction à l’ensemble des pays de vente. L’avantage de la simplicité est

Par Dugast C., Joly A.

28 octobre 2021

Comment s’assurer que les entreprises encouragent une consommation plus durable ?

Au-delà des revendications touchant au pouvoir d’achat, le mouvement des Gilets jaunes a pris racine dans un sentiment d’injustice fiscale face à la transition écologique : les ménages, et notamment les plus modestes, auraient à supporter l’essentiel de l’effort alors que les grandes entreprises, parfois très polluantes pourtant, seraient relativement épargnées. S’il peut sembler plus équitable de concentrer l’effort sur les grandes entreprises, au moyen de taxes et de réglementations, une telle stratégie peut s’avérer finalement pénalisante pour les ménages, via la répercussion des coûts de production sur les prix à la consommation. Alors comment engager les entreprises dans la voie de la transition écologique sans pénaliser d’autant les consommateurs ? Face à ce défi, le dispositif dit des Certificats d’économie d’énergie (CEE) montre une voie intéressante. Mis en place en France depuis 2006, et dans un nombre croissant de pays européens, ce dispositif hybride de façon insolite une obligation sur les résultats avec une flexibilité sur les moyens (marché, délégation, sensibilisation, subventions, etc.). Surtout, il engage les vendeurs d’énergie à promouvoir eux-mêmes une consommation plus économe et donc plus durable de l’énergie auprès des millions de consommateurs. Fort des débats et des adaptations dont il fait régulièrement l’objet, le dispositif des CEE offre aujourd’hui un cadre qui pourrait tout à fait être extrapolé à d’autres biens et services de consommation. Cette note propose de décrire les caractéristiques clés d’un tel dispositif et les précautions qu’il est essentiel de prendre pour en assurer l’efficacité et l’acceptabilité. La transition écologique : un vecteur d’injustice fiscale ?   Si le sentiment d’injustice fiscale s’exprime diversement depuis le début du 20e siècle[1], c’est la hausse de la taxe carbone[2], et donc un instrument de la transition écologique, qui en a cristallisé l’une des dernières manifestations. Dans un contexte marqué par le mouvement des Gilets jaunes, il a en effet été reproché aux pouvoirs publics d’augmenter la fiscalité écologique sans lui associer un projet tangible de transition écologique[3]. Surtout, face à l’urgence environnementale, s’est installé le sentiment que les ménages, et notamment les plus modestes, auraient à fournir l’essentiel de l’effort, comparativement aux grandes entreprises parfois très polluantes. Qu’en est-il ?   D’après les dernières données disponibles, l’ensemble des taxes environnementales – au sens d’Eurostat – représentait 51,2 milliards d’euros de recettes pour l’État, dont près de 30 milliards pour la seule TICPE[4] en 2016. S’il n’est pas aisé de distinguer la contribution des ménages de celle des entreprises, un examen des différentes taxes environnementales[5] conduit à estimer que les ménages contribuent aux deux tiers environ de ces recettes, soit deux fois plus que les entreprises. Le maintien de la non-taxation du kérosène[6] par exemple, alors que l’aviation émet 14 à 40 fois plus de CO2 que le train par kilomètre et personne transportée, a été largement critiqué à cet égard.   Ce sentiment d’iniquité quant à la répartition de l’effort est préjudiciable pour la transition écologique. Après des années de prise de conscience des enjeux environnementaux, il peut en effet entraîner un désengagement, à la fois pratique et moral, des citoyens. Ainsi en 2018 par exemple[7], 62 % des Français souhaitaient que le gouvernement donne la priorité au pouvoir d’achat, quitte à aller moins rapidement sur la transition énergétique. Il apparaît également que les Français sont de plus en plus nombreux à se désintéresser des problématiques liées à l’environnement, voire à exprimer une hostilité (23 % désormais de « rétractés »[8]), tout en étant de moins en moins nombreux à faire confiance aux grandes entreprises (27 % en 2015 contre 57,7 % en 2004). Plus récemment, une enquête du Crédoc (2019[9]) nous apprend que les 18-30 ans ont beau placer l’environnement comme un enjeu crucial, ils ne se comportent pas de façon plus écologique que leurs aînés. Ils sont moins nombreux à trier leurs déchets et à réduire leur consommation d’électricité et beaucoup plus nombreux à voyager régulièrement en avion. Il est donc essentiel de retrouver l’adhésion de tous, en convictions comme en actions.   Exiger plus d’efforts de la part des entreprises peut pénaliser les consommateurs   Pour concilier les impératifs de transition écologique et de justice sociale, il suffirait à première vue d’appliquer le principe de pollueur-payeur, et de répartir l’effort fiscal au prorata des émissions de gaz à effet de serre dont chacun se rend responsable. Ce serait à la fois juste et efficace… Vraiment ? Si l’on regarde les chiffres[10], près de 17 % des émissions de CO₂ de la France sont dues aux seules voitures particulières, lorsque nous faisons nos courses, allons au travail ou partons en vacances – contre à peine plus de 1 % pour le trafic aérien intérieur, à titre de comparaison. Le logement résidentiel est quant à lui responsable d’environ 15 % des émissions totales, avec plus de 45 millions de tonnes de CO₂, à cause principalement de nos appareils de chauffage. Les ménages seraient donc approximativement responsables d’un tiers des émissions de CO2 (17 % + 15 %), tandis que les deux tiers restants reviendraient aux industries, à l’agriculture, au tertiaire ou encore à la production même de l’énergie. Avons-nous là notre clé de répartition de l’effort, à savoir un tiers pour les ménages et deux tiers pour les entreprises, soit précisément l’inverse de la répartition actuelle ? Non, et cela pour deux raisons principales. La première tient à la pertinence du calcul, très discutable en réalité. L’industrie, l’exploitation agricole, la clinique et la centrale à charbon pourraient rappeler, à raison, qu’elles consomment de l’énergie, non pas pour leur propre confort, mais bien pour produire des tables, des pommes, des soins et de l’électricité que les ménages in fine consomment. En tant que consommateurs « finaux », les ménages seraient en quelque sorte directement et indirectement responsables de 100 % de la consommation énergétique (et de son gaspillage). La deuxième raison est d’ordre pratique. Même si les décideurs politiques s’en remettaient directement aux grands consommateurs d’énergie que sont les entreprises de biens et de services, les ménages en seraient finalement affectés, via une répercussion plus ou moins forte des coûts de production sur les prix, mais aussi potentiellement sur l’emploi et

Par Baïz A.

15 septembre 2021

Les États-Unis, les Big techs et le reste du monde… Saisir un moment historique pour bâtir une indépendance numérique

Introduction L’administration Biden a démarré son mandat en envoyant un message fort aux Big techs. Peu de temps après son élection, deux des postes clés de la politique anti-concurrentielle ont été pourvus par des juristes spécialistes des questions numériques : Tim Wu, professeur de droit à Columbia engagé pour la « neutralité du net[1] », au Conseil économique national sur les questions de politique antitrust ; et Lina Khan, juriste et auteure de l’étude Amazon’s Antitrust Paradox[2], à la tête de la Federal Trade Commission (FTC)[3]. Le département du Trésor a par ailleurs porté auprès de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) un projet de taxation des multinationales, qui concerne en particulier les géants du numérique[4]. En avril dernier, le président américain exprimait même son soutien, à peine masqué, aux travailleurs de l’entrepôt géant d’Amazon à Bessemer (Alabama) lors de négociations portant sur la création d’un syndicat[5]. Ces différents événements suivent la publication, en octobre 2020, d’un rapport important de la sous-commission antitrust de la Chambre des représentants, qui portait sur l’abus de position dominante des entreprises Amazon, Apple, Facebook et Google[6]. Ce document dresse un portrait sévère de l’action de la FTC et du ministère de la Justice, administrations clés de la politique antitrust, en les accusant d’avoir laissé les géants Amazon, Apple, Facebook et Google réaliser plus de 500 acquisitions d’entreprises depuis 1998[7]. L’enquête fait également le constat de l’influence des Big techs sur l’ensemble de l’écosystème numérique. Dans ses recommandations, la sous-commission tente de concevoir des outils fiables pour lutter contre la concentration des monopoles et les pratiques anti-concurrentielles de ces entreprises. Pour le sénateur démocrate David N. Cicilline, qui dirigeait cette enquête, les Big techs sont aujourd’hui les équivalents des conglomérats historiques de Rockefeller, Carnegie et Morgan, qui avaient poussé John Sherman à proposer une loi contre la formation des monopoles en 1890. Lors d’une allocution à la Chambre du Congrès en juillet 2020, le sénateur reprenait même à son compte les termes d’un célèbre discours de Sherman, dénonçant les Big techs et leur « capacité à dicter leurs conditions, à décider du jeu, à mettre à bas des secteurs entiers et à inspirer la peur, [ce qui] équivaut au pouvoir d’un gouvernement privé. Nos Pères Fondateurs ne se sont pas agenouillés devant un Roi, nous ne nous mettrons pas à genoux devant les Empereurs de l’économie immatérielle ! »[8].   Pour lutter contre ces « plateformes en ligne dominantes » (« Dominant Online Platforms » dans le rapport), la sous-commission a proposé trois grands chantiers en faveur d’une politique anti-concurrentielle. Le premier volet d’actions consiste à encourager une concurrence plus équilibrée sur les marchés numériques, notamment par la lutte contre les pratiques commerciales déloyales. Le second concerne le renforcement des lois relatives aux fusions et aux monopoles, et introduit des scénarios de séparations structurelles, c’est-à-dire le démantèlement des géants du numérique. Enfin, la sous-commission insiste sur le nécessaire rétablissement d’une surveillance et d’une application plus rigoureuses des lois antitrust.   Ces solutions sont-elles pertinentes aujourd’hui pour lutter contre les oligopoles que constituent les Big techs ? Sur certains aspects, ces mesures peuvent en effet affaiblir ces entreprises. Mais les solutions avancées au Congrès restent des réponses du marché aux problèmes du marché. Il est par exemple peu probable, comme certains l’ont affirmé à l’annonce de la nomination de Lina Khan, que la seule politique antitrust américaine soit à même de répondre aux phénomènes de dépendance aux Big techs que l’Europe a contribué à forger. Il nous semble donc nécessaire d’analyser la portée, l’intérêt et les limites des propositions actuellement discutées aux États-Unis, afin de soumettre au débat des propositions complémentaires visant à limiter le pouvoir des géants du numérique dans l’espace international. Ces propositions s’ajoutent à celles formulées dans la première note publiée par l’Institut Rousseau qui portait sur la dépendance de l’Europe aux Big techs[9], dans ce qui constitue un cycle de trois notes consacrées à la géopolitique du numérique. Alors que se tient à l’Assemblée nationale une mission d’information sur la souveraineté numérique, nous proposons dans cette note une analyse de la situation américaine et de la pertinence de la stratégie proposée par le Congrès (I, II). Nous verrons à quelles difficultés se confronte l’État américain aujourd’hui face à des entreprises devenues trop influentes (III). Cela nous amènera à préciser les actions concrètes, à court et à moyen termes, qui pourraient être mises en œuvre dans un cadre international pour limiter les pouvoirs des géants du numérique (IV, V).   I. Comment les dysfonctionnements de la politique antitrust des États-Unis ont-ils bénéficié aux Big techs ?   Dans une note publiée en 2017 dans le journal scientifique universitaire de Yale, Lina Khan, alors étudiante en droit, interrogeait la politique antitrust américaine et les conséquences sur le développement de l’entreprise Amazon[10]. Ce texte, baptisé Amazon’s antitrust paradox en réponse au Antitrust paradox de Robert H. Bork, a beaucoup inspiré l’analyse historique et juridique du congrès. Nous rappelons ici quelques grandes lignes de cette analyse des évolutions de la politique anti-concurrentielle américaine. 1. La lutte anti-monopole : point faible des lois antitrust au XXe siècle   À l’origine, les lois antitrust américaines ont été promulguées par le Congrès en 1890, puis en 1914, notamment au travers des lois Sherman et Clayton qui donnaient une place importante à la lutte contre les conglomérats et les positions monopolistiques de certains acteurs privés. Elles ont pris forme dans un contexte où les monopoles constitués autour des industries de l’acier, du cuivre, du pétrole (la fameuse Standard Oil Corporation), du fer, du sucre, de l’étain et du charbon avaient pris une place importante dans la vie politique. Dès le milieu du XIXe siècle, ces entreprises n’étaient plus de simples acteurs économiques, mais des influenceurs importants de la vie politique et sociale. Figure 1. The Bosses of the Senate, caricature satirique de Joseph Ferdinand Keppler. Publié dans la revue Puck le 23 janvier 1889. Dans ce dessin, une porte de la tribune, « l’entrée du

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