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Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine

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    Et si les élections présidentielles se jouaient au jugement majoritaire ?

    Un sondage Opinion Way – Mieux Voter a interrogé, les 8 et 9 décembre 2021, un même panel de 962 Français inscrits sur les listes électorales concernant leurs intentions de vote aux élections présidentielles de 2022 selon deux modes de scrutin différents : le scrutin uninominal majoritaire et le scrutin par jugement majoritaire. Le scrutin uninominal majoritaire est le mode de scrutin en vigueur pour l’élection présidentielle de 2022. Le jugement majoritaire est un mode de scrutin où l’électeur doit évaluer tous les candidats indépendamment les uns des autres, en leur attribuant une mention sur une échelle qui va de « Excellent » à « A rejeter ». Il a été inventé en 2007 par deux directeurs de recherche au CNRS, Michel Balinski et Rida Laraki. Le sondage Opinion Way – Mieux Voter permet d’abord de rappeler qu’un mode de scrutin n’est pas une donnée tombée du ciel mais une règle inventée, parmi une infinité de possibilités. Mais un mode de scrutin doit avoir pour objectif de désigner le candidat jugé le meilleur par l’électorat. Pour ce faire, il doit permettre de mesurer l’état d’une opinion. Le mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours, actuellement utilisé pour élire le Président de la République en France, faillit à ce pré-requis, parce qu’en demandant aux électeurs de choisir un candidat, il les contraint fortement dans leur expression. En effet, ayant voté pour un candidat, l’électeur ne révèle absolument rien de ce qu’il pense des autres, et pas plus de ce qu’il pense de celle ou celui pour qui il a voté. Tout vote pour un candidat est assimilé à un vote d’adhésion, alors que ce vote peut être un vote « contre » un autre candidat, un vote par défaut, ou encore un vote stratégique : on additionne des « voix » qui n’ont rien à voir les unes avec les autres et on en sort un score numérique qui ne traduit rien de la légitimité réelle du candidat. L’électeur est ainsi souvent contraint à voter « utile » au détriment de ses opinions. L’électeur qui n’apprécie aucune candidature ne peut pas l’exprimer dans le cadre du scrutin, et se retrouve contraint au vote blanc (non comptabilisé) ou à l’abstention. Depuis 200 ans, la science démontre que l’on pourrait mieux voter avec des modes de scrutin alternatifs. Le jugement majoritaire, inventé en 2007, en fait partie. Il est le seul à satisfaire un ensemble de propriétés et notamment à résister au vote stratégique.[1] Le paysage politique selon le scrutin uninominal majoritaire Le sondage Opinion Way – Mieux Voter a posé aux interrogés cette première question sur leurs intentions de vote au scrutin uninominal majoritaire : « Si le premier tour de l’élection présidentielle avait lieu dimanche prochain, pour lequel des candidats suivants y aurait-il le plus de chances que vous votiez ? ». Les résultats sont les suivants : Ces résultats[2] sont similaires à ceux observés par d’autres sondages[3] sur la même période, soit juste après la désignation de Valérie Pécresse lors du congrès du parti Les Républicains, le 5 décembre 2021. Avec 17 % des intentions de vote, celle-ci apparaît en position de se qualifier pour le second tour. Cependant, la proximité de son score avec celui de Marine Le Pen (17 % vs 16 % soit 1 % d’écart, dans la marge d’erreur) implique une grande incertitude sur sa présence au second tour. Le sondage Opinion Way – Mieux Voter confirme aussi la dispersion de l’électorat de gauche et la faiblesse de l’ensemble des candidats de gauche qui totaliseraient seulement 30 % des voix, presque à égalité avec l’extrême droite. Le paysage politique selon le jugement majoritaire Le sondage Opinion Way – Mieux Voter a posé aux interrogés cette deuxième question sur leurs intentions de vote au scrutin par jugement majoritaire : « Pour présider la France, ayant pris tous les éléments en compte, jugez-vous en conscience que ce(tte) candidat(e) serait… ». Les interrogés devaient alors obligatoirement attribuer une mention par candidat, sur l’échelle de mentions suivante : Excellent, Très Bien, Bien, Assez Bien, Passable, Insuffisant, et à Rejeter. Le classement des candidats au jugement majoritaire est le suivant : Les candidats sont classés en fonction de leur mention majoritaire : au moins 50 % de leurs mentions sont plus élevées ou égales, et au moins 50 % sont moins élevées ou égales (c’est la « médiane » de leurs mentions). Si la mention majoritaire d’un candidat est « Bien », alors une majorité des électeurs juge qu’il mérite au moins « Bien » et une majorité juge qu’il mérite au plus « Bien ». Au jugement majoritaire, un seul tour suffit : l’élu est le candidat ayant la meilleure mention majoritaire. Une règle majoritaire simple, issue d’une théorie mathématique, départage les candidats avec les pourcentages en cas d’égalité de mention majoritaire. Les résultats du sondage Opinion Way – Mieux Voter au jugement majoritaire permettent de tirer les conclusions suivantes : Aucun candidat n’est apprécié par une majorité de l’électorat : tous les candidats sont rejetés par au moins 23 % des électeurs et aucun candidat n’est jugé Excellent par plus de 8 % d’entre eux. Aucun candidat n’obtient une mention majoritaire mieux que Passable. Ces appréciations sont rendues invisibles par le scrutin uninominal majoritaire où il est impossible de connaître le sentiment profond des électeurs vis-à-vis de l’offre politique, que seule l’abstention permet de deviner. Plusieurs raisons peuvent expliquer la défiance qui émane du sondage au jugement majoritaire : la campagne électorale démarre et les français ne s’y intéressent pas ou peu ; le mode de scrutin officiel force les candidats à cliver dans leurs propositions et leur discours car ils n’ont besoin que de 20 % des voix pour accéder au second tour et éventuellement, remporter l’élection. Résultat, l’électorat est fortement polarisé : les électeurs de gauche rejettent les candidats de droite et inversement. Au jugement majoritaire, Valérie Pécresse domine assez largement tous les candidats et notamment le Président Emmanuel Macron : la candidate a à la fois plus de mentions positives, et aussi moins de mentions négatives

    Par Ridel C., Laraki R.

    17 décembre 2021

    Pour une garantie à l’emploi vert

    Le chômage est une épreuve. Pour qui est privé d’emploi, sa prolongation constitue une expérience d’autant plus difficile que le travail utile à la société est inépuisable. Comment qualifier une société qui condamne des millions de gens à « l’inutilité » ? Comment accepter un phénomène de marginalisation sociale à grande échelle ? L’habitude du chômage nous fait parfois oublier à quel point il est une absurdité. Le chômage, au sens moderne du terme, est la privation d’un emploi salarié. Il naît avec l’essor du salariat et les premières crises du capitalisme industriel au XIXème siècle. Il se «massifie » au crépuscule des Trente Glorieuses, pour atteindre des taux oscillant entre 7 et 11 % de la population active française. Aucun gouvernement n’en est venu à bout. Nous nous accommodons trop souvent du chômage de masse. Il ne serait, finalement, qu’une variable d’ajustement douloureuse en période de crise, le pendant négatif d’un modèle économique par ailleurs vertueux. En dépit de sa nécessité, l’assurance chômage contribue à entretenir cette apparence de normalité. Comme son nom l’indique, elle assure les personnes contre un nouveau risque créé par la société industrielle. Pourtant, le chômage de longue durée provoque la dissolution du lien social. En France, il est plus élevé que la moyenne des pays développés. « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi » affirme le préambule de la Constitution de 1946. À ce titre, le droit à l’emploi fait partie du « bloc de constitutionnalité ». Sa valeur juridique est supérieure aux lois.Force est de constater qu’il est bafoué dans les faits. L’institut Rousseau et Hémisphère gauche proposent de donner corps à cette promesse constitutionnelle en créant un million d’emplois dans les métiers de la reconstruction écologique et dans ceux du lien social. La garantie à l’emploi propose un emploi à ceux qui en sont durablement privés, tout en contribuant à l’effort de reconstruction écologique de notre pays. L’État impulse et finance cette proposition, tandis que les emplois sont identifiés localement en fonction des besoins de chaque territoire. Ces emplois peuvent être portés par des entreprises, des administrations ou des structures de l’économie sociale et solidaire. Un million d’emplois pourraient êtrecréés grâce à ce dispositif, pour un coût inférieur aux politiques de lutte contre le chômage existantes.   Sommaire I/ Le chômage de masse est une absurdité économique et sociale dont le coût est exorbitant pour la société. A/ Le chômage de longue durée est une absurdité, synonyme de perte de richesse pour la société et d’exclusion sociale B/ Depuis 40 ans, les politiques de lutte contre le chômage présentent un bilan décevant et n’ont pas permis d’éradiquer le chômage de longue durée II/ La garantie à l’emploi : un nouvel horizon de la lutte contre le chômage A/ Le droit à l’emploi, qui a valeur constitutionnelle, doit être réaffirmé B/ La garantie à l’emploi émerge comme une politique volontariste de lutte contre le chômage C/ La France connaît déjà plusieurs embryons de garantie à l’emploi III/ La garantie à l’emploi devrait être ciblée sur les emplois nécessaires à la reconstruction écologique et au renforcement du lien social A/ Identifier les besoins : la reconstruction écologique et les métiers du lien B/ Partir des territoires : les emplois doivent être identifiés au niveau de chaque bassin de vie, par des comités locaux pour l’emploi solidaire C/ Les comités locaux pour l’emploi solidaire pourront s’appuyer sur plusieurs dispositifs IV/ Conclusion   I/ Le chômage de masse est une absurdité économique et sociale dont le coût est exorbitant pour la société. A/ Le chômage de longue durée est une absurdité, synonyme de perte de richesse pour la société et d’exclusion sociale.   1. La France compte près de 4 millions de chômeurs. La France compte 3,8 millions de personnes sans emploi[1]. À ces 3,8 millions de chômeurs, s’ajoutent 2,2 millions de personnes en situation d’emploi précaire : elles enchaînent des intérims, subissent des temps partiels. Les contrecoups de la pandémie de Covid-19 pourraient encore accroître le chômage en 2021. Dans le contexte de la pandémie, les plans sociaux s’accumulent. Du mois de septembre 2020 au mois de décembre, 35 000 licenciements ont été annoncés[2]. Avant le secteur du commerce (6 057 suppressions de postes) et de l’hébergement-restauration (4 659 postes), c’est celui de l’industrie manufacturière où les destructions de postes sont les plus nombreuses (17 570). En cumul depuis le 1er mars 2020 et le 1er janvier 2021, 84 100 ruptures de contrats de travail ont été prononcées dans le cadre de plans de sauvegarde de l’emploi (PSE), soit près de trois fois plus que sur la même période l’année précédente. Un million de personnes supplémentaires pourraient se retrouver au chômage d’ici à la fin du premier semestre 2021. Depuis près de 40 ans, la France connaît un chômage massif qui oscille entre 8 et 10 % de la population active. Taux de chômage, France, 1975-2019 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015 2019 Taux (%) 3.4 5.3 8.8 7.9 10.0 8.6 8.9 9.3 10.3 8.4 Source : Insee, enquêtes Emploi, séries longues sur le marché du travail.   Parmi eux, les chômeurs de longue durée, privés d’emploi depuis plus d’un an, représentent une part stable et élevée, autour de 40 % du nombre de chômeurs global (entre 3,5 et 4 % de la population active). Le chômage de longue durée a pris une ampleur préoccupante en France. Au quatrième semestre de 2020, il concerne 2,8 millions de personnes selon Pôle emploi[3] et 1,2 millions selon l’INSEE. Entre 2006 et 2015, le taux de chômage de longue durée est en progression de 3,9% alors que dans le même temps il a diminué de plus de 25 % en Allemagne. Dans les pays de l’OCDE, les chômeurs de longue durée représentent en moyenne 25,8 %[4] du total des chômeurs, soit 15 points de moins qu’en France.   2. Le chômage de longue durée est une exclusion sociale pour les personnes qui y sont confrontées et une perte de richesse pour la société.   Le chômage de

    Par Hémisphère Gauche, Institut Rousseau, Ridel C., Ouizille A.

    7 février 2021

    Mettre la politique commerciale au service de l’autonomie stratégique, du climat et de l’emploi

    La politique commerciale, que nous avons mise en commun avec le reste des pays européens, permet de fixer des régulations aux échanges avec le reste du monde. Elle pourrait être un levier puissant pour reconstruire notre autonomie stratégique après la crise, créer de l’emploi et exporter des normes environnementales ambitieuses, pourvu qu’on l’utilise à dessein. I. La pandémie de COVID-19 bouleverse le commerce international et pourrait enfin nous pousser à changer notre politique commerciale   1. La pandémie de COVID-19 freine le commerce international et pourrait entraîner une recomposition des chaînes de valeurs mondiales   La pandémie de COVID-19 a considérablement affecté le commerce international qui pourrait reculer de – 32 % en 2020[1], selon les premières projections de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Pour cause : des industries à l’arrêt, qui enrayent les chaînes de valeurs mondiales passablement fragmentées, des frontières fermées, des transports au ralenti, des pays qui préfèrent stocker leurs marchandises stratégiques (produits alimentaires, équipement médical) plutôt que de les exporter. Les secteurs les plus touchés sont, mis à part le tourisme, ceux qui sont les plus intégrés aux chaînes de valeurs internationales. Pour ces secteurs, les difficultés d’approvisionnement questionnent avec force la pertinence du modèle actuel des chaînes de valeur mondiales, basé sur une fragmentation de la production industrielle impliquant une multitude d’acteurs ultra-spécialisés (les « maillons » de la chaîne) dans plusieurs régions du monde. Un iPhone de la firme Apple est conçu aux États-Unis par des équipes de recherche et développement, ses composants sont produits en Corée et en Europe puis assemblés en Chine. On critique depuis longtemps l’éclatement des chaînes de valeur à travers le globe. Il a un impact nuisible sur l’environnement notamment via la multiplication des transports, provoque des destructions d’emplois au gré des délocalisations[2], construit une hyper-division du travail qui conduit à une perte de sens et de qualité de l’emploi pour des salariés qui ne voient jamais un produit fini, accroît la propagation des chocs économiques dès lors qu’un maillon de la chaîne de valeur fait défaut. La mondialisation économique exacerbée accroît les inégalités sociales. Elle entretient un ressentiment chez les classes moyennes et populaires occidentales fragilisées, exploité par des dirigeants aux discours simplistes et autoritaires[3]. Certains justifiaient encore l’éclatement des chaînes de valeurs à travers le monde par l’optimisation des coûts qui en résultait – bien que le coût des externalités négatives pour l’environnement ou pour l’emploi n’était pas pris en compte – et le bénéfice qu’elle représentait pour le consommateur, ou encore l’émergence économique des pays en développement. Ce n’est plus le cas. Plus la chaîne de valeur est sophistiquée, plus grande est sa vulnérabilité. 94% des 1000 plus grandes entreprises américaines ont vu leur chaîne d’approvisionnement perturbée par le COVID-19 dès le mois de février[4]. Les acteurs économiques intègrent d’ores et déjà à leurs coûts de nombreux nouveaux risques : celui d’une défaillance d’un maillon de la chaîne de valeur, d’une épidémie, de la montée du protectionnisme dans un contexte de recrudescence des tensions commerciales ces dernières années… Dans ce contexte, il n’est pas certain que concevoir un produit aux États-Unis, le faire produire en Corée du Sud puis assembler en Chine avant qu’il soit consommé en Europe soit aussi profitable qu’avant. On peut s’attendre à une régionalisation des chaînes de valeur autour des marchés de consommation finaux (Europe, États-Unis-Canada, Japon-Corée-Chine). Notre politique commerciale doit guider cette recomposition.   2. Elle doit nous permettre (enfin) de repenser notre politique commerciale   En 2008, le refus du protectionnisme est clairement affirmé dès l’aube de la crise. Les pays du G20 s’étaient rapidement entendus pour « rejeter le protectionnisme » et s’abstenir « d’ériger de nouvelles barrières à l’investissement ou au commerce des biens et des services, d’imposer des nouvelles restrictions ou de mettre en œuvre des mesures de stimulation des exportations contraires aux règles de l’OMC »[5]. Ce refus était présenté comme un moyen pour les principales économies de limiter l’impact de la crise et d’accélérer la reprise. Ses défenseurs s’en référaient aux mesures protectionnistes mises en œuvre peu après la crise de 1929 et plus tard pointées comme un facteur aggravant de la grande dépression. Depuis, le consensus économique en Occident a tangué. Les effets néfastes du commerce international sur l’emploi dans les vieilles nations industrielles ont été démontrés par de nombreux économistes, brisant l’apparence d’unanimité en faveur du libre-échange qui semblait régner au sein de la profession. Il y a eu le Brexit et l’élection de Donald Trump. Celle-ci a été le point de départ de fortes tensions commerciales (entre les États-Unis et la Chine, mais aussi entre les États-Unis et l’Europe) qui ont achevé d’annihiler la confiance en un système multilatéral coopératif. La pandémie de COVID-19 arrive dans un contexte radicalement différent de celui de 2008 et offre – malgré tout – une opportunité pour tous ceux qui, depuis de nombreuses années, appellent à freiner le libre-échange, notamment en le soumettant à des normes environnementales et sociales strictes.   II. La refonte de notre politique commerciale européenne se heurte à une culture libre-échangiste et un éclatement des préférences européennes, qui découle notamment de la divergence des intérêts économiques des États membres de l’UE vis-à-vis du reste du monde 1. Une culture libre-échangiste ancrée dans les traités et dans les préférences politiques de nombreux États membres   La politique commerciale européenne, pendant du marché intérieur et de l’union douanière, est formulée conjointement par la Commission européenne (qui négocie avec les États tiers) et les États membres (qui établissent le mandat de négociation donné à la Commission et ratifient les accords commerciaux). Les objectifs qui lui sont fixés par les traités[6] sont tout droit sortis du consensus de Washington, qui accéléra la mondialisation libérale à compter des années 1990. La politique commerciale commune doit contribuer « dans l’intérêt commun, au développement harmonieux du commerce mondial, à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et aux investissements étrangers directs, ainsi qu’à la réduction des barrières douanières et autres ». Ces objectifs ont guidé une politique commerciale commune fortement libre-échangiste et très peu

    Par Ridel C.

    22 mai 2020

    Listes citoyennes, municipalisme : Quelle démocratie locale après les gilets jaunes ?

    À l’occasion des élections municipales de mars 2020, un grand nombre de listes dites « citoyennes » ou « participatives » se sont constituées, partout en France, dans les villes moyennes comme dans les métropoles, les villages ou les hameaux. Évoluant en dehors ou en retrait des étiquettes partisanes, ces listes placent la participation des citoyens à la vie démocratique au cœur de leur programme. Ce phénomène post-crise des gilets jaunes traduit une repolitisation citoyenne de l’échelon local, dont on ne saurait encore dire qui – quelles catégories socio-professionnelles, quelle(s) classe(s) d’âge – elle touche précisément. Elle ouvre des perspectives pour repenser les dispositifs de démocratie locale, du droit de pétition au référendum, et engager des efforts en faveur de la formation des élus et du financement de la participation. Introduction Un an après la crise des gilets jaunes qui ont placé la question démocratique au cœur de leurs revendications, les élections municipales donnent lieu à l’émergence, partout sur le territoire, de listes « citoyennes » ou « participatives », qui se présentent au scrutin municipal de mars 2020 sans étiquette partisane. Ces listes naissent à l’initiative de collectifs de citoyens, strictement hors partis ou transpartisans, mais toujours sans chapelle politique revendiquée. À quelques mois du scrutin, on en dénombre plus de 200 à travers la France. Qu’est-ce qu’une liste citoyenne ? La définition est moins aisée qu’il n’y paraît. On peut toutefois déceler, à la lumière des initiatives nées en vue des municipales, deux critères cumulatifs, qui forment un socle commun : le critère a-partisan et le critère participatif. Au-delà, chaque liste développe ses particularités, en étant plus ou moins portée vers un municipalisme à tendance libertaire, courant que l’on retrouve davantage dans les petites communes. Dans l’écrasante majorité des cas, et en dehors de leur exigence démocratique, les listes citoyennes prônent la transition écologique et la justice sociale.   Table des matières I. Rejet des appartenances partisanes et promotion de la démocratie participative au cœur du phénomène II. Des listes citoyennes entre re-politisation et défiance III. La démocratie communale comme nationale requiert du temps, des moyens et une implication réelle des citoyens IV. Comment approfondir la démocratie locale ? a. Référendum local et consultation d’initiative citoyenne b. Droit à l’expérimentation, sécurité juridique c. Le financement de la démocratie locale et la formation des élus   I. Rejet des appartenances partisanes et promotion de la démocratie participative au cœur du phénomène   Une liste citoyenne est d’abord une liste qui minimise l’appartenance partisane voire qui rejette toute étiquette, et se compose exclusivement de « citoyens » présentés comme tels. Si certaines listes citoyennes, à l’instar de l’Archipel citoyen à Toulouse qui a désigné un militant d’EELV comme tête de liste, reçoivent le soutien de partis et accueillent des militants de partis politiques, les références partisanes sont reléguées à l’arrière-plan ou n’apparaissent pas du tout. Les militants qui se présentent sur une liste citoyenne n’y figurent pas en tant que membres de leur parti. Une liste citoyenne est, ensuite, une liste qui place les outils de démocratie participative et directe au cœur de son fonctionnement, sur fond de critique parfois sévère à l’encontre de la démocratie représentative, assimilée à la politique politicienne et à la bureaucratie. Le périmètre de la démocratie participative étant lui-même sujet à débats, le vocable souffre d’imprécision. La plateforme « Action commune », qui offre un appui aux listes citoyennes en vue du scrutin de mars 2020, se simplifie la tâche en affirmant qu’est participative « une liste qui se définit comme telle », tout en mettant en avant des outils et pratiques labellisés démocratiques (« Label démocratie »[1]). Selon ces labels, une liste dite participative doit respecter un certain nombre de principes à son lancement comme en cas de victoire à l’élection. Lorsqu’elle se lance, elle ne doit avoir ni candidat ni programme pré-défini. Les candidats élus s’engagent à démissionner de tout autre mandat. Ne peut figurer sur la liste un candidat ayant eu plusieurs mandats par le passé. En cas de victoire, toutes les décisions prises durant le mandat sont co-construites entre les élus, qui sont davantage exécutants que décideurs, et les habitants. La transparence est de mise, et la vigilance exigée vis-à-vis de potentiels conflits d’intérêt. La plateforme « Action commune » recense 255 listes citoyennes partout en France[2]. Le chiffre peut sembler dérisoire et le phénomène anecdotique, comparé aux 36 000 communes que compte notre pays. Il ne l’est pas, pour au moins deux raisons. La première, c’est que les listes citoyennes ne sont pas un phénomène « concentré » sur un territoire ou sur une catégorie de communes. On retrouve des listes citoyennes partout en France.   Carte interactive des listes citoyennes / Source : « Action Commune »   Les listes citoyennes se retrouvent aussi bien dans les villes moyennes que dans les métropoles et les villages. À Montjustin, commune de 70 habitants dans les Alpes-de-Haute-Provence, ou Luc-en-Diois, 524 habitants dans la Drôme, aussi bien qu’à Béziers, Poitiers, Annecy, Orléans ou Toulouse. Selon la taille de la commune, la tendance affichée est plus ou moins libertaire. Les petites communes voient traditionnellement se présenter des listes sans étiquette partisane aux scrutins municipaux. Lorsque, dans le contexte des listes citoyennes, s’y ajoute une dimension participative revendiquée, elles s’inscrivent dans un courant municipaliste prônant l’autonomie ainsi que la démocratie continue et directe, plus aisément praticable dans les communes de petite taille. La logique semble quelque peu différente dans les villes moyennes et les grandes villes (au-delà de 150 000 habitants), ou le phénomène « participatif » reflète davantage une volonté de renouvellement politique en dehors des partis.   Répertoire-exemple de listes citoyennes candidates aux élections municipales 2020 Communes de plus de 50 000 habitants Communes de moins de 5000 habitants Albi, « Collectif pour Albi démocratique solidaire et écologique » Amiens, « Amiens 2020 » Annecy, « Réveillons Annecy » Aulnay-Sous-Bois, « Aulnay 2020 » Avignon, « Avignon en commun » Bayonne, « Demain Bayonne » Besançon, « Bisontine, Bisontins » Béziers, « Béziers Citoyens » Brest, « Brest la liste citoyenne » Chalon, « Citoyen bien vivre à Chalon » Chambéry, « Mouvement citoyen du grand Chambéry » Lorient, « Énergies citoyennes » Maçon, « Maçon 2020 écologique et solidaire » Montauban,

    Par Ridel C.

    23 février 2020

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