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Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine

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Sébastien Natroll

Biographie

Spécialiste de la gauche américaine.

Notes publiées

États-Unis : L’éveil de la gauche

La gauche connaît un essor sans précédent aux États-Unis, pays où, selon les dires de l’économiste et sociologue allemand Werner Sombart, « le socialisme n’existe pas ». Portée par une myriade de mouvements issus de la société civile, elle parvient à influencer l’establishment néolibéral du Parti démocrate et à mener une bataille culturelle qui fait émerger des propositions audacieuses dans le débat public, telles que le Green New Deal et l’augmentation du salaire minimum horaire. À l’occasion des primaires démocrates, il est essentiel de dresser un panorama de ces nouvelles forces politiques et d’analyser, à l’aune de ce qui a été accompli, leur capacité à influencer durablement la ligne majoritaire du plus vieux parti du pays.   Introduction   Le paysage politique des États-Unis d’Amérique est en pleine mutation. Depuis la campagne du candidat Bernie Sanders en 2016, la gauche américaine n’a de cesse de grandir et de se transformer : du Sunrise Movement aux Democratic Socialists of America, les organisations se multiplient et cette mutation globale n’épargne pas le vieux Parti démocrate américain qui opère un glissement vers la gauche sous l’influence de ces grassroots movements. Devenu le visage de cette aile gauche tendance socialiste, le Squad[1] (Alexandria Ocasio-Cortez, Rashida Tlaib, Ilhan Omar et Ayanna Pressley) est la partie émergée d’un immense iceberg progressive[2] qui bouscule le débat outre-Atlantique. Une new left hétérogène, qui réunit aussi bien les aspirations à une social-démocratie scandinave que les velléités révolutionnaires qui rêvent encore du Grand Soir et de la chute du capitalisme : une « auberge espagnole » populaire qui voit revenir à elle une classe ouvrière qui n’a jamais connu le rêve américain. Cette nouvelle gauche réussit l’exploit, au pays du capitalisme, de mettre le socialisme au cœur du débat public. Green New Deal, « Bill of Rights du XXIe siècle », Modern monetary theory, État employeur en dernier ressort, le débat outre-Atlantique a vu émerger bon nombre d’idées nouvelles durant ces trois dernières années. L’establishment néolibéral du Parti démocrate, majoritairement acquis au marché libre dérégulé depuis les années 1970, semble avoir perdu la main, comme en témoigne l’ascension des candidats Bernie Sanders et Elizabeth Warren, partisans d’un État-providence à l’européenne. Bousculant le statu quo néolibéral des trente dernières années, ils ont entrepris une véritable bataille culturelle et ont fait progresser de nombreuses propositions dont certaines obtiennent un large écho favorable dans le pays : Medicare for All est ainsi au cœur des débats de la primaire démocrate et la chambre des représentants a adopté un projet de loi fixant un salaire minimum horaire de 15$ au niveau fédéral en 2025 (qui pourrait être définitivement adopté en cas de victoire démocrate en 2020). Au regard de l’histoire séculaire du Parti démocrate et de l’évolution de sa ligne politique, l’avenir proche pourrait rapidement révéler un aggiornamento de ce dernier avec son logiciel néolibéral.     I – L’évolution du positionnement politique du Parti démocrate.  a) Du parti suprémaciste à la « Great Society » du président Johnson. b) L’ancrage au centre-gauche : l’hégémonie de l’économie néo-classique. II – L’influence des PACs dans le renouvellement du Congrès.  a) Le « Bill of Rights du XXIe siècle » : BNC ou l’État-Providence pour promesse. b) Justice Democrats, le PAC du Squad. c) La révolution durable de Bernie Sanders. III) L’essor du socialisme démocratique.  a) « Democratic Socialists of America » ou la renaissance de l’idée socialiste. b) Le socialisme à l’épreuve du divertissement. c) Socialist Alternative versus Amazon : David contre Goliath. IV) Une gauche unie dans des batailles concrètes.  a) Le salaire minimum horaire à 15$, victoire singulière. b) Sunrise Movement, héraut du Green New Deal Conclusion.   I – L’évolution du positionnement politique du Parti démocrate   En dépit de la pluralité des partis politiques qui coexistent aux États-Unis, l’exercice du pouvoir est partagé, depuis Abraham Lincoln, entre le Parti républicain et Parti démocrate. S’il est communément admis que le premier couvre le spectre de la droite et le second celui de la gauche, il n’en a pas toujours été ainsi. Il convient ainsi de revenir brièvement sur les mutations qui ont émaillé l’histoire des deux partis séculaires afin de mieux comprendre les enjeux liés à leur évolution.   a) Du parti suprémaciste à la Great Society du président Johnson   Après l’élection du premier président des États-Unis Georges Washington, qui se présentait sans étiquette partisane, deux membres de son gouvernement, Alexander Hamilton et John Adams[3], ont regroupé les partisans d’un État fédéral fort dans un « Parti fédéraliste » qui reflétait les intérêts des classes dominantes : grands propriétaires, manufacturiers, commerçants, financiers. En désaccord avec cette ligne économique, Thomas Jefferson quitte le gouvernement et forme, en 1792, le Parti républicain, favorable aux pouvoirs locaux, aux agriculteurs et aux petites entreprises. Dénoncés pour leur sympathie vis-à-vis de la Révolution française, jugée violente, chaotique et menée par des « démocrates radicaux »[4], Jefferson et ses successeurs seront rapidement désignés comme « démocrates-républicains » par leurs détracteurs. Libéral en économie, le parti jeffersonien exprime une forte défiance à l’égard de l’État fédéral dont il refuse les taxes et la législation. Ainsi, son refus catégorique d’une loi fédérale interdisant l’esclavage (qui était considérée comme une « institution particulière ») le rend populaire dans les États du Sud qui ont recours à l’esclavage pour la culture du coton. Après la guerre de 1812, les fédéralistes ont pratiquement disparu de l’échiquier politique américain, laissant seul le Parti démocrate-républicain : il s’agit de « l’ère des bons sentiments » (Era of Good Feelings). En 1824, le parti unique se scinde en deux à propos de la désignation du candidat à la présidence pour succéder au Président Monroe. Les tenants des principes jeffersoniens, dirigés par Andrew Jackson et Martin Van Buren, formeront le Parti démocrate moderne. Les partisans de John Quincy Adams se déclareront « nationaux-républicains » puis créeront, à la suite de l’élection présidentielle de 1832, le parti whig. Le Parti républicain moderne (ou GOP, pour Grand Old Party) est quant à lui né en 1854 des déchirures des deux grands partis sur la question de l’esclavage.   La forte branche sudiste (le Sud était en effet acquis tout

Par Natroll S.

24 février 2020

États-Unis : L’éveil de la gauche

La gauche connaît un essor sans précédent aux États-Unis, pays où, selon les dires de l’économiste et sociologue allemand Werner Sombart, « le socialisme n’existe pas ». Portée par une myriade de mouvements issus de la société civile, elle parvient à influencer l’establishment néolibéral du Parti démocrate et à mener une bataille culturelle qui fait émerger des propositions audacieuses dans le débat public, telles que le Green New Deal et l’augmentation du salaire minimum horaire. À l’occasion des primaires démocrates, il est essentiel de dresser un panorama de ces nouvelles forces politiques et d’analyser, à l’aune de ce qui a été accompli, leur capacité à influencer durablement la ligne majoritaire du plus vieux parti du pays.   Introduction   Le paysage politique des États-Unis d’Amérique est en pleine mutation. Depuis la campagne du candidat Bernie Sanders en 2016, la gauche américaine n’a de cesse de grandir et de se transformer : du Sunrise Movement aux Democratic Socialists of America, les organisations se multiplient et cette mutation globale n’épargne pas le vieux Parti démocrate américain qui opère un glissement vers la gauche sous l’influence de ces grassroots movements. Devenu le visage de cette aile gauche tendance socialiste, le Squad[1] (Alexandria Ocasio-Cortez, Rashida Tlaib, Ilhan Omar et Ayanna Pressley) est la partie émergée d’un immense iceberg progressive[2] qui bouscule le débat outre-Atlantique. Une new left hétérogène, qui réunit aussi bien les aspirations à une social-démocratie scandinave que les velléités révolutionnaires qui rêvent encore du Grand Soir et de la chute du capitalisme : une « auberge espagnole » populaire qui voit revenir à elle une classe ouvrière qui n’a jamais connu le rêve américain. Cette nouvelle gauche réussit l’exploit, au pays du capitalisme, de mettre le socialisme au cœur du débat public. Green New Deal, « Bill of Rights du XXIe siècle », Modern monetary theory, État employeur en dernier ressort, le débat outre-Atlantique a vu émerger bon nombre d’idées nouvelles durant ces trois dernières années. L’establishment néolibéral du Parti démocrate, majoritairement acquis au marché libre dérégulé depuis les années 1970, semble avoir perdu la main, comme en témoigne l’ascension des candidats Bernie Sanders et Elizabeth Warren, partisans d’un État-providence à l’européenne. Bousculant le statu quo néolibéral des trente dernières années, ils ont entrepris une véritable bataille culturelle et ont fait progresser de nombreuses propositions dont certaines obtiennent un large écho favorable dans le pays : Medicare for All est ainsi au cœur des débats de la primaire démocrate et la chambre des représentants a adopté un projet de loi fixant un salaire minimum horaire de 15$ au niveau fédéral en 2025 (qui pourrait être définitivement adopté en cas de victoire démocrate en 2020). Au regard de l’histoire séculaire du Parti démocrate et de l’évolution de sa ligne politique, l’avenir proche pourrait rapidement révéler un aggiornamento de ce dernier avec son logiciel néolibéral.     I – L’évolution du positionnement politique du Parti démocrate.  a) Du parti suprémaciste à la « Great Society » du président Johnson. b) L’ancrage au centre-gauche : l’hégémonie de l’économie néo-classique. II – L’influence des PACs dans le renouvellement du Congrès.  a) Le « Bill of Rights du XXIe siècle » : BNC ou l’État-Providence pour promesse. b) Justice Democrats, le PAC du Squad. c) La révolution durable de Bernie Sanders. III) L’essor du socialisme démocratique.  a) « Democratic Socialists of America » ou la renaissance de l’idée socialiste. b) Le socialisme à l’épreuve du divertissement. c) Socialist Alternative versus Amazon : David contre Goliath. IV) Une gauche unie dans des batailles concrètes.  a) Le salaire minimum horaire à 15$, victoire singulière. b) Sunrise Movement, héraut du Green New Deal Conclusion.   I – L’évolution du positionnement politique du Parti démocrate   En dépit de la pluralité des partis politiques qui coexistent aux États-Unis, l’exercice du pouvoir est partagé, depuis Abraham Lincoln, entre le Parti républicain et Parti démocrate. S’il est communément admis que le premier couvre le spectre de la droite et le second celui de la gauche, il n’en a pas toujours été ainsi. Il convient ainsi de revenir brièvement sur les mutations qui ont émaillé l’histoire des deux partis séculaires afin de mieux comprendre les enjeux liés à leur évolution.   a) Du parti suprémaciste à la Great Society du président Johnson   Après l’élection du premier président des États-Unis Georges Washington, qui se présentait sans étiquette partisane, deux membres de son gouvernement, Alexander Hamilton et John Adams[3], ont regroupé les partisans d’un État fédéral fort dans un « Parti fédéraliste » qui reflétait les intérêts des classes dominantes : grands propriétaires, manufacturiers, commerçants, financiers. En désaccord avec cette ligne économique, Thomas Jefferson quitte le gouvernement et forme, en 1792, le Parti républicain, favorable aux pouvoirs locaux, aux agriculteurs et aux petites entreprises. Dénoncés pour leur sympathie vis-à-vis de la Révolution française, jugée violente, chaotique et menée par des « démocrates radicaux »[4], Jefferson et ses successeurs seront rapidement désignés comme « démocrates-républicains » par leurs détracteurs. Libéral en économie, le parti jeffersonien exprime une forte défiance à l’égard de l’État fédéral dont il refuse les taxes et la législation. Ainsi, son refus catégorique d’une loi fédérale interdisant l’esclavage (qui était considérée comme une « institution particulière ») le rend populaire dans les États du Sud qui ont recours à l’esclavage pour la culture du coton. Après la guerre de 1812, les fédéralistes ont pratiquement disparu de l’échiquier politique américain, laissant seul le Parti démocrate-républicain : il s’agit de « l’ère des bons sentiments » (Era of Good Feelings). En 1824, le parti unique se scinde en deux à propos de la désignation du candidat à la présidence pour succéder au Président Monroe. Les tenants des principes jeffersoniens, dirigés par Andrew Jackson et Martin Van Buren, formeront le Parti démocrate moderne. Les partisans de John Quincy Adams se déclareront « nationaux-républicains » puis créeront, à la suite de l’élection présidentielle de 1832, le parti whig. Le Parti républicain moderne (ou GOP, pour Grand Old Party) est quant à lui né en 1854 des déchirures des deux grands partis sur la question de l’esclavage.   La forte branche sudiste (le Sud était en effet acquis tout

Par Natroll S.

30 juin 2021

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