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Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine

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Quentin Deforge

Biographie

Docteur en science politique de l’Université Paris-Dauphine. Chercheur post-doctorant de l’Institut Francilien Recherche Innovations en Sociétés (IFRIS), au Centre Alexandre Koyré (CAK), École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS).

Notes publiées

Vers un « Nouvel ordre écologique international »

Nous disposons d’une longue histoire de négociations et de propositions qui ont taché d’imposer une autre forme de gouvernance économique internationale. Le projet de « Nouvel ordre économique international » porté dans les années 1960-1970 par les pays du Sud, avec l’appui de la CNUCED, cherchait par exemple à réguler les flux commerciaux, encadrer les entreprises multinationales, ou encore relocaliser certains secteurs industriels. Ces projets ont aujourd’hui un héritage riche, comme celui de la CNUCED de « Global green new deal », que cette note propose de remettre à l’agenda. On revient d’abord sur la vulnérabilité financière des États avant la crise, en particulier au Sud, et on propose à la fois de dégager des marges de manœuvre financière à court terme, et de rouvrir les négociations quant à un mécanisme international de restructuration des dettes, qui permettrait de réduire la vulnérabilité des États à long terme (la question des droits de tirage spéciaux est abordée dans une autre note). On propose ensuite de s’intéresser à l’histoire de l’assistance technique multilatérale pour financer à court terme une expertise qui accompagnerait les États dans la réponse à la crise sanitaire, notamment par la relocalisation de certaines productions, ainsi que de mettre en place une véritable expertise dans l’appui à la transition écologique. Enfin, on ouvre plus largement les possibilités de réformes, en s’appuyant tout à la fois sur le projet de la CNUCED de « Global green new deal » que sur une réforme des statuts du FMI.   Introduction   À la veille de la pandémie, les acteurs de la société civile et les acteurs multilatéraux qui suivent les questions de gouvernance économique internationale pointaient déjà tout à la fois la vulnérabilité des États, en particulier au Sud, et la nécessité d’initier une réforme de cette gouvernance pour s’engager dans la transition écologique. L’organisation Bretton Woods project profitait ainsi en 2019 des 75 ans de l’acte de naissance du Fonds Monétaire International (FMI) et de la Banque Internationale de Reconstruction et de Développement (BIRD) – plus simplement la Banque mondiale – pour revenir sur le « rôle des institutions de Bretton Woods dans la crise actuelle du multilatéralisme, qui affaiblissent structurellement la gouvernance démocratique et les droits de l’homme, tout en détruisant l’environnement ». Elle mettait en avant l’émergence de mouvement de contestation de leurs politiques au Sud, en particulier en ce qui concerne l’extraction des ressources [1]. En parallèle, la CNUCED – Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement – publiait son rapport annuel sous le titre « Financing a global green new deal », dans lequel, tout en soulignant la vulnérabilité financière des pays du Sud, elle proposait une feuille de route pour s’engager dans une transition écologique à l’échelle globale [2]. Si la crise actuelle accélère le besoin de reconstruire une gouvernance économique internationale plus démocratique et tournée vers la transition écologique, un certain nombre d’acteurs ont donc déjà largement posé les bases d’un tel projet. En ce sens, l’objectif de cette note n’est pas tant de proposer un ensemble de nouvelles réformes que de montrer dans un premier temps en quoi l’histoire des organisations multilatérales regorge de pistes pour reconstruire une véritable alternative à moyen et long termes. La référence à la conférence de Bretton Woods est bien sûr incontournable. Quelques mois après l’adoption du programme du Conseil National de la Résistance, en 1944, la fondation de la Banque mondiale et du FMI établissait une nouvelle forme de gouvernance internationale, supposée capable d’affronter les crises, et donnait aux États les moyens de se « reconstruire ». Mais Bretton Woods reste marqué par un ordre colonial et donc anti-démocratique, mis en place pour poursuivre un objectif de croissance économique sans aucune préoccupation environnementale. Ce n’est donc non pas tant dans les origines de ce mécanisme qu’il faut puiser, mais dans ses critiques, qui ont structuré depuis les années 1960 la réflexion sur un multilatéralisme plus juste pour les pays du Sud, et qui réencastre l’économie globale dans les projets politiques, sociaux et environnementaux portés par les différents États. Sur ce point, c’est la référence au Nouvel ordre économique international qui s’avère incontournable. Dans les années 1960-1970, ce sont en effet les pays du Sud qui ont cherché à imposer une réforme majeure, en faisant foisonner les projets juridiques et institutionnels pour réguler les flux commerciaux, encadrer les entreprises multinationales, relocaliser certains secteurs industriels ou encore encadrer l’extraction des ressources naturelles par des mécanismes juridiques plus justes. Nous reprenons ainsi cette référence avec l’idée de Nouvel ordre écologique international, car ce projet incarnait un refus de l’ordre néolibéral qui s’installait alors, tout en proposant des formes d’action publique transnationale plus démocratiques, substituant à la logique eurocentrique et post-coloniale du « développement » un projet économique structurellement plus égalitaire pour les pays du Sud. Sans pour autant avoir directement traité la question de la transition écologique, la radicalité de ce projet en termes de réencastrement de la sphère économique dans la sphère sociale en fait un point de départ particulièrement riche pour penser l’alternative écologique à une échelle globale. Si ce projet a été consciencieusement mis en échec par les puissances occidentales, il a néanmoins été porté par une majorité des pays dans le monde, le plus souvent avec l’expertise d’une organisation toujours très active : la CNUCED. Depuis sa création en 1964, l’organisation onusienne a été un véritable laboratoire de construction d’alternatives économiques, au sein duquel les pays du Sud étaient considérés comme bien plus que de simple débiteurs enjoints d’adopter à marche forcée les réformes d’ajustement structurel qui font aujourd’hui la faiblesse de leurs systèmes de santé. Comme l’a montré récemment Quinn Slobodian dans son travail sur l’histoire du néolibéralisme, la CNUCED a même été un temps considérée comme une anti-OMC qui faisait barrage au projet néolibéral [3]. En proposant des pistes de réformes, cette note s’appuie donc largement sur les travaux de la CNUCED, pour participer à sa réhabilitation dans les réformes à venir. Alors que la question des droits de tirages spéciaux est abordée dans une autre note, on essaie

Par Deforge Q.

3 mai 2020

Vers un « Nouvel ordre écologique international »

Nous disposons d’une longue histoire de négociations et de propositions qui ont taché d’imposer une autre forme de gouvernance économique internationale. Le projet de « Nouvel ordre économique international » porté dans les années 1960-1970 par les pays du Sud, avec l’appui de la CNUCED, cherchait par exemple à réguler les flux commerciaux, encadrer les entreprises multinationales, ou encore relocaliser certains secteurs industriels. Ces projets ont aujourd’hui un héritage riche, comme celui de la CNUCED de « Global green new deal », que cette note propose de remettre à l’agenda. On revient d’abord sur la vulnérabilité financière des États avant la crise, en particulier au Sud, et on propose à la fois de dégager des marges de manœuvre financière à court terme, et de rouvrir les négociations quant à un mécanisme international de restructuration des dettes, qui permettrait de réduire la vulnérabilité des États à long terme (la question des droits de tirage spéciaux est abordée dans une autre note). On propose ensuite de s’intéresser à l’histoire de l’assistance technique multilatérale pour financer à court terme une expertise qui accompagnerait les États dans la réponse à la crise sanitaire, notamment par la relocalisation de certaines productions, ainsi que de mettre en place une véritable expertise dans l’appui à la transition écologique. Enfin, on ouvre plus largement les possibilités de réformes, en s’appuyant tout à la fois sur le projet de la CNUCED de « Global green new deal » que sur une réforme des statuts du FMI.   Introduction   À la veille de la pandémie, les acteurs de la société civile et les acteurs multilatéraux qui suivent les questions de gouvernance économique internationale pointaient déjà tout à la fois la vulnérabilité des États, en particulier au Sud, et la nécessité d’initier une réforme de cette gouvernance pour s’engager dans la transition écologique. L’organisation Bretton Woods project profitait ainsi en 2019 des 75 ans de l’acte de naissance du Fonds Monétaire International (FMI) et de la Banque Internationale de Reconstruction et de Développement (BIRD) – plus simplement la Banque mondiale – pour revenir sur le « rôle des institutions de Bretton Woods dans la crise actuelle du multilatéralisme, qui affaiblissent structurellement la gouvernance démocratique et les droits de l’homme, tout en détruisant l’environnement ». Elle mettait en avant l’émergence de mouvement de contestation de leurs politiques au Sud, en particulier en ce qui concerne l’extraction des ressources [1]. En parallèle, la CNUCED – Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement – publiait son rapport annuel sous le titre « Financing a global green new deal », dans lequel, tout en soulignant la vulnérabilité financière des pays du Sud, elle proposait une feuille de route pour s’engager dans une transition écologique à l’échelle globale [2]. Si la crise actuelle accélère le besoin de reconstruire une gouvernance économique internationale plus démocratique et tournée vers la transition écologique, un certain nombre d’acteurs ont donc déjà largement posé les bases d’un tel projet. En ce sens, l’objectif de cette note n’est pas tant de proposer un ensemble de nouvelles réformes que de montrer dans un premier temps en quoi l’histoire des organisations multilatérales regorge de pistes pour reconstruire une véritable alternative à moyen et long termes. La référence à la conférence de Bretton Woods est bien sûr incontournable. Quelques mois après l’adoption du programme du Conseil National de la Résistance, en 1944, la fondation de la Banque mondiale et du FMI établissait une nouvelle forme de gouvernance internationale, supposée capable d’affronter les crises, et donnait aux États les moyens de se « reconstruire ». Mais Bretton Woods reste marqué par un ordre colonial et donc anti-démocratique, mis en place pour poursuivre un objectif de croissance économique sans aucune préoccupation environnementale. Ce n’est donc non pas tant dans les origines de ce mécanisme qu’il faut puiser, mais dans ses critiques, qui ont structuré depuis les années 1960 la réflexion sur un multilatéralisme plus juste pour les pays du Sud, et qui réencastre l’économie globale dans les projets politiques, sociaux et environnementaux portés par les différents États. Sur ce point, c’est la référence au Nouvel ordre économique international qui s’avère incontournable. Dans les années 1960-1970, ce sont en effet les pays du Sud qui ont cherché à imposer une réforme majeure, en faisant foisonner les projets juridiques et institutionnels pour réguler les flux commerciaux, encadrer les entreprises multinationales, relocaliser certains secteurs industriels ou encore encadrer l’extraction des ressources naturelles par des mécanismes juridiques plus justes. Nous reprenons ainsi cette référence avec l’idée de Nouvel ordre écologique international, car ce projet incarnait un refus de l’ordre néolibéral qui s’installait alors, tout en proposant des formes d’action publique transnationale plus démocratiques, substituant à la logique eurocentrique et post-coloniale du « développement » un projet économique structurellement plus égalitaire pour les pays du Sud. Sans pour autant avoir directement traité la question de la transition écologique, la radicalité de ce projet en termes de réencastrement de la sphère économique dans la sphère sociale en fait un point de départ particulièrement riche pour penser l’alternative écologique à une échelle globale. Si ce projet a été consciencieusement mis en échec par les puissances occidentales, il a néanmoins été porté par une majorité des pays dans le monde, le plus souvent avec l’expertise d’une organisation toujours très active : la CNUCED. Depuis sa création en 1964, l’organisation onusienne a été un véritable laboratoire de construction d’alternatives économiques, au sein duquel les pays du Sud étaient considérés comme bien plus que de simple débiteurs enjoints d’adopter à marche forcée les réformes d’ajustement structurel qui font aujourd’hui la faiblesse de leurs systèmes de santé. Comme l’a montré récemment Quinn Slobodian dans son travail sur l’histoire du néolibéralisme, la CNUCED a même été un temps considérée comme une anti-OMC qui faisait barrage au projet néolibéral [3]. En proposant des pistes de réformes, cette note s’appuie donc largement sur les travaux de la CNUCED, pour participer à sa réhabilitation dans les réformes à venir. Alors que la question des droits de tirages spéciaux est abordée dans une autre note, on essaie

Par Deforge Q.

22 juin 2021

Travaux externes

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