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Paula Forteza

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Renouvellement de la représentation politique : où sont les candidats citoyens ?

« Grand débat » national, Convention citoyenne pour le climat, consultations en ligne, e-pétitions… Nous assistons depuis plusieurs années à une multiplication des initiatives qui visent à associer davantage les citoyens à la prise de décision. C’était d’ailleurs l’une des promesses phares d’Emmanuel Macron, lors de sa campagne de 2017 : une « démocratie rénovée », grâce notamment à une participation accrue des citoyens et une meilleure représentation de ces derniers. La majorité a alors largement vanté l’arrivée d’un « nouveau monde », se targuant d’avoir fait entrer à l’Assemblée nationale de nombreux candidats sans expérience politique, issus de la société civile – et parmi lesquels de nombreuses femmes. Force est pourtant de constater que derrière le storytelling et les éléments de langage, la confiance des citoyens envers les responsables publics n’a pas été restaurée. Quand on les interroge au sujet de la politique, les Français affirment éprouver tout d’abord de la méfiance (39 % des sondés[1]), puis du dégoût (17 %). Le non-respect de la parole donnée, le caporalisme, le manque de transparence ont notamment fait que ce « boom de la participation et de la représentation citoyenne » – pourtant séduisant sur le papier – s’est révélé contre-productif. Le pouvoir de décision est resté entre les mains de quelques-uns, ce qui a d’ailleurs suscité davantage de frustration et de colère. Cette volonté de renouvellement politique demeure pourtant au cœur des préoccupations de réoxygénation de nos démocraties. À ce titre, certains exemples européens sont éclairants et montrent qu’au sein des démocraties les mieux installées, des initiatives peuvent permettre au citoyen de se refaire une place dans le jeu politique, à gauche comme à droite, à partir de projets progressistes comme à partir de projets d’exclusion. De Podemos à la Ligue du Nord, en passant par le mouvement des « cinq étoiles » et l’émergence de nouvelles ONG de promotion de la démocratie, les expériences ne manquent pas. Nous devons plus que jamais en tirer des enseignements, afin de « remettre les citoyens au cœur de la machine ». I – Changer de paradigme : de la participation citoyenne à la représentativité réelle de nos institutions a) Un essor des civic tech qui peine à passer à l’échelle Courant 2015, le gouvernement organise pour la première fois une consultation en ligne sur un pré-projet de loi – en l’occurrence le projet de loi pour une République numérique, porté par la secrétaire d’État au Numérique, Axelle Lemaire. À l’aune des votes, remarques et propositions des internautes, l’exécutif revoit sa copie avant son dépôt devant le Parlement, tout en justifiant ses principaux arbitrages auprès des participants. Cette initiative novatrice est suivie de multiples consultations en ligne, pétitions, budgets participatifs… En l’espace de quelques années seulement, les « civic tech », ces outils numériques destinés à améliorer le processus démocratique, font souffler un vent nouveau sur notre vie politique. La France adhère d’ailleurs au Partenariat pour un gouvernement ouvert, et multiplie ainsi les engagements en la matière. Pour autant, aucun « big bang démocratique » ne s’en est suivi. Plusieurs raisons à cela. D’une part, la sociologie des participants ne demeure guère représentative, y compris lorsqu’on fait appel à des civic tech. D’autre part, le format choisi pour ces initiatives s’est révélé insatisfaisant. Le recours récurrent à la plateforme de consultation de Cap Collectif, dont le code source n’était pas libre, s’est apparenté à une privatisation de la démocratie et a été fustigé[2] par des associations comme La Quadrature du Net, la Ligue des droits de l’homme ou Regards Citoyens. L’État a d’ailleurs échoué à institutionnaliser et faire passer à l’échelle ce type d’initiatives : elles ont finalement été sporadiques et ont cherché à éviter les « sujets qui fâchent ». b) Des expériences de participation citoyenne décevantes Les Français ont surtout trop souvent été sollicités ces dernières années, sans que leur avis n’ait été réellement pris en compte par la suite. L’expérience du « Grand débat national » l’a tristement démontré. Des semaines de consultations, l’instauration de « cahiers de doléances », l’organisation de très nombreuses conférences au niveau local… Tout cela pour que des ordinateurs analysent ensuite des restitutions en détectant des mots-clés[3] ? L’exercice fut – tout comme les annonces finales du chef de l’État – à des années-lumière de ce que l’on pouvait légitimement en attendre[4]. Les suites réservées aux travaux de la Convention citoyenne pour le climat (CCC) ont également démontré que ce « boom de la participation citoyenne » s’est surtout révélé être un outil de communication politique. Le président s’était engagé à reprendre « sans filtre » les mesures des « 150 ». Selon le bilan réalisé par certains membres de la CCC[5], seules 38 propositions ont été reprises, dont la plupart partiellement[6]. Tout cela a finalement donné lieu à une impression de consultations gadgets, organisées uniquement à des fins politiciennes. Loin de renouer la confiance entre citoyens et responsables publics, ces initiatives ont au contraire suscité déception, frustration et parfois même colère. c) Mettre les citoyens en position de pouvoir Face à ces désillusions et à l’essoufflement qui en a découlé, une évidence s’impose : faire participer les citoyens sporadiquement ne suffit pas. Il faut les intégrer véritablement aux processus décisionnels, les mettre en situation de pouvoir, en poste. Il faut pour cela favoriser l’émergence de candidatures citoyennes et réussir à les faire gagner. En France, quelques premières initiatives s’inscrivent dans cette logique. Elles sont pour l’instant expérimentales et doivent être structurées, multipliées, soutenues. En voici quelques exemples. Tout d’abord, l’initiative LaPrimaire.org. L’idée : permettre aux citoyens de se présenter et de désigner un candidat à la présidentielle, dans le cadre de primaires ouvertes. En 2017, ce processus a permis de faire émerger la candidature de Charlotte Marchandise (qui n’a finalement pu se présenter officiellement, faute d’avoir obtenu suffisamment de parrainages), ceci en expérimentant au passage le vote au jugement majoritaire[7]. Ensuite, attardons-nous sur la piste du tirage au sort. Dans une volonté de revenir aux sources de la démocratie athénienne, où de nombreuses responsabilités politiques étaient attribuées en se fondant sur le hasard, Cédric Villani a désigné, lors de sa campagne pour les élections municipales de 2020, 10 % de ses colistiers de cette manière[8]. 48 Parisiens et Parisiennes

Par Forteza P.

7 juin 2022

Renouvellement de la représentation politique : où sont les candidats citoyens ?

« Grand débat » national, Convention citoyenne pour le climat, consultations en ligne, e-pétitions… Nous assistons depuis plusieurs années à une multiplication des initiatives qui visent à associer davantage les citoyens à la prise de décision. C’était d’ailleurs l’une des promesses phares d’Emmanuel Macron, lors de sa campagne de 2017 : une « démocratie rénovée », grâce notamment à une participation accrue des citoyens et une meilleure représentation de ces derniers. La majorité a alors largement vanté l’arrivée d’un « nouveau monde », se targuant d’avoir fait entrer à l’Assemblée nationale de nombreux candidats sans expérience politique, issus de la société civile – et parmi lesquels de nombreuses femmes. Force est pourtant de constater que derrière le storytelling et les éléments de langage, la confiance des citoyens envers les responsables publics n’a pas été restaurée. Quand on les interroge au sujet de la politique, les Français affirment éprouver tout d’abord de la méfiance (39 % des sondés[1]), puis du dégoût (17 %). Le non-respect de la parole donnée, le caporalisme, le manque de transparence ont notamment fait que ce « boom de la participation et de la représentation citoyenne » – pourtant séduisant sur le papier – s’est révélé contre-productif. Le pouvoir de décision est resté entre les mains de quelques-uns, ce qui a d’ailleurs suscité davantage de frustration et de colère. Cette volonté de renouvellement politique demeure pourtant au cœur des préoccupations de réoxygénation de nos démocraties. À ce titre, certains exemples européens sont éclairants et montrent qu’au sein des démocraties les mieux installées, des initiatives peuvent permettre au citoyen de se refaire une place dans le jeu politique, à gauche comme à droite, à partir de projets progressistes comme à partir de projets d’exclusion. De Podemos à la Ligue du Nord, en passant par le mouvement des « cinq étoiles » et l’émergence de nouvelles ONG de promotion de la démocratie, les expériences ne manquent pas. Nous devons plus que jamais en tirer des enseignements, afin de « remettre les citoyens au cœur de la machine ». I – Changer de paradigme : de la participation citoyenne à la représentativité réelle de nos institutions a) Un essor des civic tech qui peine à passer à l’échelle Courant 2015, le gouvernement organise pour la première fois une consultation en ligne sur un pré-projet de loi – en l’occurrence le projet de loi pour une République numérique, porté par la secrétaire d’État au Numérique, Axelle Lemaire. À l’aune des votes, remarques et propositions des internautes, l’exécutif revoit sa copie avant son dépôt devant le Parlement, tout en justifiant ses principaux arbitrages auprès des participants. Cette initiative novatrice est suivie de multiples consultations en ligne, pétitions, budgets participatifs… En l’espace de quelques années seulement, les « civic tech », ces outils numériques destinés à améliorer le processus démocratique, font souffler un vent nouveau sur notre vie politique. La France adhère d’ailleurs au Partenariat pour un gouvernement ouvert, et multiplie ainsi les engagements en la matière. Pour autant, aucun « big bang démocratique » ne s’en est suivi. Plusieurs raisons à cela. D’une part, la sociologie des participants ne demeure guère représentative, y compris lorsqu’on fait appel à des civic tech. D’autre part, le format choisi pour ces initiatives s’est révélé insatisfaisant. Le recours récurrent à la plateforme de consultation de Cap Collectif, dont le code source n’était pas libre, s’est apparenté à une privatisation de la démocratie et a été fustigé[2] par des associations comme La Quadrature du Net, la Ligue des droits de l’homme ou Regards Citoyens. L’État a d’ailleurs échoué à institutionnaliser et faire passer à l’échelle ce type d’initiatives : elles ont finalement été sporadiques et ont cherché à éviter les « sujets qui fâchent ». b) Des expériences de participation citoyenne décevantes Les Français ont surtout trop souvent été sollicités ces dernières années, sans que leur avis n’ait été réellement pris en compte par la suite. L’expérience du « Grand débat national » l’a tristement démontré. Des semaines de consultations, l’instauration de « cahiers de doléances », l’organisation de très nombreuses conférences au niveau local… Tout cela pour que des ordinateurs analysent ensuite des restitutions en détectant des mots-clés[3] ? L’exercice fut – tout comme les annonces finales du chef de l’État – à des années-lumière de ce que l’on pouvait légitimement en attendre[4]. Les suites réservées aux travaux de la Convention citoyenne pour le climat (CCC) ont également démontré que ce « boom de la participation citoyenne » s’est surtout révélé être un outil de communication politique. Le président s’était engagé à reprendre « sans filtre » les mesures des « 150 ». Selon le bilan réalisé par certains membres de la CCC[5], seules 38 propositions ont été reprises, dont la plupart partiellement[6]. Tout cela a finalement donné lieu à une impression de consultations gadgets, organisées uniquement à des fins politiciennes. Loin de renouer la confiance entre citoyens et responsables publics, ces initiatives ont au contraire suscité déception, frustration et parfois même colère. c) Mettre les citoyens en position de pouvoir Face à ces désillusions et à l’essoufflement qui en a découlé, une évidence s’impose : faire participer les citoyens sporadiquement ne suffit pas. Il faut les intégrer véritablement aux processus décisionnels, les mettre en situation de pouvoir, en poste. Il faut pour cela favoriser l’émergence de candidatures citoyennes et réussir à les faire gagner. En France, quelques premières initiatives s’inscrivent dans cette logique. Elles sont pour l’instant expérimentales et doivent être structurées, multipliées, soutenues. En voici quelques exemples. Tout d’abord, l’initiative LaPrimaire.org. L’idée : permettre aux citoyens de se présenter et de désigner un candidat à la présidentielle, dans le cadre de primaires ouvertes. En 2017, ce processus a permis de faire émerger la candidature de Charlotte Marchandise (qui n’a finalement pu se présenter officiellement, faute d’avoir obtenu suffisamment de parrainages), ceci en expérimentant au passage le vote au jugement majoritaire[7]. Ensuite, attardons-nous sur la piste du tirage au sort. Dans une volonté de revenir aux sources de la démocratie athénienne, où de nombreuses responsabilités politiques étaient attribuées en se fondant sur le hasard, Cédric Villani a désigné, lors de sa campagne pour les élections municipales de 2020, 10 % de ses colistiers de cette manière[8]. 48 Parisiens et Parisiennes

Par Forteza P.

7 juin 2022

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