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Jérémie Fontanieu

Jérémie Fontanieu

Biographie

Professeur de science économiques et sociales au lycée Eugène Delacroix de Drancy, en Seine-Saint-Denis

Notes publiées

L’alliance entre l’école et les familles pour mettre fin à l’échec scolaire : leçons du projet Réconciliations

Introduction Cette note est la brève présentation du projet Réconciliations, basé sur une méthode pédagogique développée conjointement par Jérémie Fontanieu et David Benoit au lycée Eugène Delacroix de Drancy depuis 2012 et dont les résultats sont extraordinairement prometteurs[1]. En 2021, le projet entre dans une seconde phase de développement avec sa diffusion auprès des professeurs intéressés par l’alliance entre l’école et les familles : dès l’année scolaire 2021/2022, une dizaine de « classes pilote » essaime sur l’ensemble du territoire. D’un point de vue philosophique, cette méthode pédagogique traduit un certain nombre de convictions et de partis-pris parfaitement subjectifs et singuliers aux enseignants impliqués, ce qui explique qu’elle ne saurait avoir de portée normative : l’état d’esprit et les outils qui sont les leurs résultent de leur propre cheminement en tant que professeurs et reflètent leurs personnalités, ce qui interdit toute forme d’ambition axiologique, le refus d’approcher d’une forme de vérité n’empêchant pas pour autant l’ambition de constituer une forme d’inspiration.   Projet Réconciliations : éléments concrets Le projet a été mené chaque année depuis 2012 sur la classe de Seconde, Première ou Terminale dont Jérémie Fontanieu et David Benoit étaient professeurs principaux. Chaque promotion comptant entre 25 et 35 élèves, environ 250 familles ont participé à l’expérimentation sur neuf années scolaires. Le travail avec les familles s’inscrivant parmi les nombreuses tâches que les professeurs accomplissent en dehors des cours (préparation des séances, correction de copies, réunions, accompagnement pour l’orientation, etc.), le projet n’a fait l’objet de décharge ni d’heures supplémentaires institutionnelles (HSA / HSE). Les différents personnels de direction qui se sont succédé depuis 2012 ont autorisé et accompagné cette expérimentation pédagogique, aux côtés des nombreuses autres qui existent dans l’établissement (atelier Sciences-Po, conseil des éco-délégués, club de lecture, club radio, etc.). La coopération avec les familles coûte un temps de travail supplémentaire important en tout début d’année scolaire, nécessaire pour faire naître la confiance entre les parents et l’école (appels individuels, réunion de rentrée, etc.). Après ces premières semaines, l’envoi de SMS hebdomadaires ne prend qu’environ 30 minutes par semaine grâce à des astuces pratiques (SMS en partie automatisés et envoyés par ordinateur) ; ce travail supplémentaire, facilité par la suppression de tâches habituellement chronophages (banalisation des QCM comme évaluations, réutilisation chaque année des mêmes cours), est rapidement rentabilisé par les gains de temps considérables induits par la mise au travail des élèves et le développement croissant de leur bonne volonté.   1. Constat Le système scolaire français rencontre des difficultés considérables qui peuvent être mesurées à une échelle globale comme à une échelle individuelle. À une échelle globale, de nombreux travaux montrent que l’école française dysfonctionne. La sociologie française nous apprend depuis plus de 50 ans que notre système scolaire accroît les inégalités[1], et les enquêtes PISA de l’OCDE (comparaisons internationales de systèmes éducatifs) classent celui-ci comme l’un des plus injustes au sein des pays développés car la France est l’une des sociétés dans lesquelles l’origine sociale des élèves a le plus d’impact sur leurs résultats scolaires[2]. L’école en France rencontre donc non seulement de fortes difficultés, mais ce constat d’échec revêt même une dimension cruelle dans la mesure où il est parfaitement opposé aux promesses républicaines « d’ascenseur social », d’égalité des chances ou de principe méritocratique. Autrement dit, non seulement le système scolaire français dysfonctionne, mais ses difficultés sont d’autant plus douloureuses qu’elles sont en parfaite contradiction avec ses nobles ambitions originelles. À une échelle individuelle, beaucoup de professeurs ont le sentiment d’être impuissants face à cette machine à reproduire les inégalités qu’est devenue l’école, dépassés par un système qui broie les élèves en difficulté. À l’ambition et l’enthousiasme des débuts de carrière succède souvent une forme de désillusion et, petit à petit, les meilleures intentions semblent ruinées par un fatalisme ou une résignation pesante. Un, deux ou trois élèves qui décrochent chaque année dans chaque classe : peut-on vraiment y échapper ? Des élèves qui ne s’investissent pas outre mesure et qui n’exploitent pas leur véritable potentiel : peut-on y changer quoi que ce soit ? Des conseils de classe dans lesquels prédominent un sentiment mitigé et la conviction que les élèves n’ont pas véritablement exploité leur potentiel : que peut-on y faire ? La lecture attentive des bulletins donne le sentiment que les élèves ne produisent pas assez d’efforts : ils auraient pu être plus assidus, plus concentrés en classe, de meilleure volonté, plus réguliers dans leurs révisions ; ils auraient pu faire plus, ils auraient pu faire mieux. Le projet Réconciliations part de cette interrogation initiale : que faire pour que les élèves fassent davantage d’efforts ? Comment, à l’échelle du professeur, faire en sorte qu’ils travaillent davantage ? 2. Causes Pour parvenir à comprendre pourquoi les élèves ne font pas autant d’efforts qu’ils le pourraient ou qu’ils le devraient, il faut prendre le temps de se mettre à leur place. De leur point de vue, les obstacles à une véritable mise au travail sont considérables. Pour énoncer quelques-unes des justifications les plus fréquentes : – ils n’en ont d’abord pas envie (ce qui semble compréhensible, car ils sont jeunes, enfants ou adolescents) ; – ils ne veulent pas subir le regard critique des autres élèves ; – ils ont peur de ce qu’ils ne connaissent pas encore ; – ils ont intériorisé les représentations que les médias et de nombreux responsables politiques relaient fréquemment au sujet des « jeunes de banlieue » (« bons à rien », « refusent de s’intégrer », « séparatistes », etc.). Il en résulte une très faible confiance en eux, ce qui ne les aide pas à s’investir dans les études et les pousse souvent plutôt à s’autocensurer ; par ailleurs, les élèves sont des adolescents, un âge de la vie difficile où l’on essaie de se forger petit à petit une identité et durant lequel on est souvent très dur avec soi-même. Pour toutes ces raisons, ils sont convaincus qu’ils sont incapables de fournir les efforts attendus ou sont fatalistes quant à leurs chances de réussite ; – ils sont découragés par leur perception de la situation économique française ; – ils sont lucides au sujet des discriminations

Par Fontanieu J.

21 octobre 2021

L’alliance entre l’école et les familles pour mettre fin à l’échec scolaire : leçons du projet Réconciliations

Introduction Cette note est la brève présentation du projet Réconciliations, basé sur une méthode pédagogique développée conjointement par Jérémie Fontanieu et David Benoit au lycée Eugène Delacroix de Drancy depuis 2012 et dont les résultats sont extraordinairement prometteurs[1]. En 2021, le projet entre dans une seconde phase de développement avec sa diffusion auprès des professeurs intéressés par l’alliance entre l’école et les familles : dès l’année scolaire 2021/2022, une dizaine de « classes pilote » essaime sur l’ensemble du territoire. D’un point de vue philosophique, cette méthode pédagogique traduit un certain nombre de convictions et de partis-pris parfaitement subjectifs et singuliers aux enseignants impliqués, ce qui explique qu’elle ne saurait avoir de portée normative : l’état d’esprit et les outils qui sont les leurs résultent de leur propre cheminement en tant que professeurs et reflètent leurs personnalités, ce qui interdit toute forme d’ambition axiologique, le refus d’approcher d’une forme de vérité n’empêchant pas pour autant l’ambition de constituer une forme d’inspiration.   Projet Réconciliations : éléments concrets Le projet a été mené chaque année depuis 2012 sur la classe de Seconde, Première ou Terminale dont Jérémie Fontanieu et David Benoit étaient professeurs principaux. Chaque promotion comptant entre 25 et 35 élèves, environ 250 familles ont participé à l’expérimentation sur neuf années scolaires. Le travail avec les familles s’inscrivant parmi les nombreuses tâches que les professeurs accomplissent en dehors des cours (préparation des séances, correction de copies, réunions, accompagnement pour l’orientation, etc.), le projet n’a fait l’objet de décharge ni d’heures supplémentaires institutionnelles (HSA / HSE). Les différents personnels de direction qui se sont succédé depuis 2012 ont autorisé et accompagné cette expérimentation pédagogique, aux côtés des nombreuses autres qui existent dans l’établissement (atelier Sciences-Po, conseil des éco-délégués, club de lecture, club radio, etc.). La coopération avec les familles coûte un temps de travail supplémentaire important en tout début d’année scolaire, nécessaire pour faire naître la confiance entre les parents et l’école (appels individuels, réunion de rentrée, etc.). Après ces premières semaines, l’envoi de SMS hebdomadaires ne prend qu’environ 30 minutes par semaine grâce à des astuces pratiques (SMS en partie automatisés et envoyés par ordinateur) ; ce travail supplémentaire, facilité par la suppression de tâches habituellement chronophages (banalisation des QCM comme évaluations, réutilisation chaque année des mêmes cours), est rapidement rentabilisé par les gains de temps considérables induits par la mise au travail des élèves et le développement croissant de leur bonne volonté.   1. Constat Le système scolaire français rencontre des difficultés considérables qui peuvent être mesurées à une échelle globale comme à une échelle individuelle. À une échelle globale, de nombreux travaux montrent que l’école française dysfonctionne. La sociologie française nous apprend depuis plus de 50 ans que notre système scolaire accroît les inégalités[1], et les enquêtes PISA de l’OCDE (comparaisons internationales de systèmes éducatifs) classent celui-ci comme l’un des plus injustes au sein des pays développés car la France est l’une des sociétés dans lesquelles l’origine sociale des élèves a le plus d’impact sur leurs résultats scolaires[2]. L’école en France rencontre donc non seulement de fortes difficultés, mais ce constat d’échec revêt même une dimension cruelle dans la mesure où il est parfaitement opposé aux promesses républicaines « d’ascenseur social », d’égalité des chances ou de principe méritocratique. Autrement dit, non seulement le système scolaire français dysfonctionne, mais ses difficultés sont d’autant plus douloureuses qu’elles sont en parfaite contradiction avec ses nobles ambitions originelles. À une échelle individuelle, beaucoup de professeurs ont le sentiment d’être impuissants face à cette machine à reproduire les inégalités qu’est devenue l’école, dépassés par un système qui broie les élèves en difficulté. À l’ambition et l’enthousiasme des débuts de carrière succède souvent une forme de désillusion et, petit à petit, les meilleures intentions semblent ruinées par un fatalisme ou une résignation pesante. Un, deux ou trois élèves qui décrochent chaque année dans chaque classe : peut-on vraiment y échapper ? Des élèves qui ne s’investissent pas outre mesure et qui n’exploitent pas leur véritable potentiel : peut-on y changer quoi que ce soit ? Des conseils de classe dans lesquels prédominent un sentiment mitigé et la conviction que les élèves n’ont pas véritablement exploité leur potentiel : que peut-on y faire ? La lecture attentive des bulletins donne le sentiment que les élèves ne produisent pas assez d’efforts : ils auraient pu être plus assidus, plus concentrés en classe, de meilleure volonté, plus réguliers dans leurs révisions ; ils auraient pu faire plus, ils auraient pu faire mieux. Le projet Réconciliations part de cette interrogation initiale : que faire pour que les élèves fassent davantage d’efforts ? Comment, à l’échelle du professeur, faire en sorte qu’ils travaillent davantage ? 2. Causes Pour parvenir à comprendre pourquoi les élèves ne font pas autant d’efforts qu’ils le pourraient ou qu’ils le devraient, il faut prendre le temps de se mettre à leur place. De leur point de vue, les obstacles à une véritable mise au travail sont considérables. Pour énoncer quelques-unes des justifications les plus fréquentes : – ils n’en ont d’abord pas envie (ce qui semble compréhensible, car ils sont jeunes, enfants ou adolescents) ; – ils ne veulent pas subir le regard critique des autres élèves ; – ils ont peur de ce qu’ils ne connaissent pas encore ; – ils ont intériorisé les représentations que les médias et de nombreux responsables politiques relaient fréquemment au sujet des « jeunes de banlieue » (« bons à rien », « refusent de s’intégrer », « séparatistes », etc.). Il en résulte une très faible confiance en eux, ce qui ne les aide pas à s’investir dans les études et les pousse souvent plutôt à s’autocensurer ; par ailleurs, les élèves sont des adolescents, un âge de la vie difficile où l’on essaie de se forger petit à petit une identité et durant lequel on est souvent très dur avec soi-même. Pour toutes ces raisons, ils sont convaincus qu’ils sont incapables de fournir les efforts attendus ou sont fatalistes quant à leurs chances de réussite ; – ils sont découragés par leur perception de la situation économique française ; – ils sont lucides au sujet des discriminations

Par Fontanieu J.

14 novembre 2021

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