Pour une transition juste : Visions et attentes des travailleuses et travailleurs du secteur pétrolier et gazier en France Rapport publié par Les Amis de la Terre en partenariat avec l'Institut Veblen et l'Institut Rousseau
Les résultats complets sont à télécharger en PDF directement sur cette page en cliquant en haut à droite sur le bouton Télécharger. Nécessité de penser la transition du secteur Le secteur pétrolier et gazier français a subi une succession de crises depuis 2009 qui l’a affaibli. Les effectifs des entreprises parapétrolières et paragazières, dites « au service des énergies », ont chuté de 47 % depuis 2015. Les crises environnementales et climatiques et la finitude des ressources fossiles interrogent aujourd’hui l’avenir du secteur et de ses travailleuses et travailleurs. Pourtant, les plans de transition des entreprises sont soit inexistants, soit insatisfaisants au regard de l’urgence à agir. L’État, pourtant actionnaire de plusieurs entreprises françaises, tarde à mettre en place une vraie politique industrielle. Surtout, les salariées et salariés, premiers concernés et par l’instabilité du secteur et les transformations qu’il va inévitablement subir, ne sont pas consultés. C’est pourquoi les Amis de la Terre, l’Institut Rousseau et l’Institut Veblen ont mené une enquête auprès des travailleuses et travailleurs. Échantillon 266 salariées et salariés du secteur pétrolier et gazier ont répondu à notre enquête. ⅔ travaillent pour une entreprise parapétrolière ou paragazière, aussi appelée « au service des énergies », et ⅓ pour des entreprises de production et de fourniture d’énergie (par exemple TotalEnergies ou Engie). Malgré l’absence d’uniformité des chiffres sur le secteur et la difficulté à évaluer sa représentativité, on peut constater que l’échantillon se caractérise par un grand nombre de personnes à haut niveau de diplômes, de cadres, d’ingénieurs, ainsi que de salariées et salariés de grandes entreprises. Conscience partagée de la crise du secteur 71 % des personnes interrogées estiment que le secteur du pétrole et du gaz est en crise. Le sentiment de la crise est plus élevé chez les salariées et salariés des entreprises parapétrolières et paragazières (73 %) que chez leurs homologues des entreprises de production et de fourniture d’énergie (66 %). Il est également particulièrement élevé dans le secteur du raffinage. 79 % des personnes qui pensent que le secteur est en crise jugent qu’il existait des problèmes avant la pandémie de Covid-19. Les répondant·es évoquent notamment les exigences écologiques de sortie du pétrole et du gaz, des facteurs conjoncturels qui rendent les cours volatiles, un manque d’anticipation de la transition énergétique, mais aussi la priorité donnée à la rentabilité à court-terme. Forte conscience du changement climatique Les salariées et salariés du secteur pétro-gazier interrogé·es affichent un fort degré de conscience des problèmes liés au changement climatique : 95 % des répondants considèrent le changement climatique comme un problème. Ce sentiment est d’autant plus prononcé chez les jeunes (100 % des moins de 25 ans). 45 % des répondant·es pensent que leur emploi est menacé par le changement climatique et les politiques menées pour lutter contre celui-ci. Cette crainte est beaucoup plus forte chez les employé·es et ouvrier·es : 57 % d’entre elles et eux en sont convaincus, ce qui est de 12 points supérieur à la moyenne. Sur 10 salariées et salariés interrogés, près de 4 (38 %) estiment que leur entreprise ne prend pas le changement climatique et la lutte contre celui-ci au sérieux. 4 autres adhèrent à l’idée qu’elle les prend au sérieux avec nuance (« plutôt »), et seuls 2 en sont tout à fait convaincus. Propension à la reconversion Une vaste majorité (79 %) des répondants se dit prête à se reconvertir hors du secteur pétrolier et gazier. L’aspiration à se reconvertir est élevée dans toutes les catégories, mais on observe des variations significatives : elle décroît avec l’âge et l’ancienneté et est plus élevée chez les personnes travaillant dans le parapétrolier et paragazier. Chez les ouvriers et employés prêts, elle est inférieure de 14 points (65 %) à la moyenne générale et de 17,5 points à la moyenne des cadres. Les personnes ne souhaitant pas se reconvertir argumentent notamment sur le fait que l’industrie pétrogazière dispose des moyens techniques et économiques les plus appropriés pour réaliser la transition. Fort attrait pour les secteurs de l’énergie Les répondants affichent un fort intérêt pour une reconversion dans d’autres secteurs de l’énergie. 8 répondants prêts à se reconvertir hors du pétrole et du gaz sur 10 ont indiqué un intérêt pour au moins une des énergies proposées dans le questionnaire, ou mentionnent spontanément une autre énergie dans la question ouverte. Les trois secteurs ayant suscité la plus forte adhésion (géothermie, capture et stockage du carbone, éolien en mer) semblent correspondre aux activités hors pétrole et gaz actuellement privilégiées par les entreprises du secteur pour leur diversification, ce qui expliquerait une plus grande facilité à s’y projeter. Les passerelles entre les activités historiques et ces trois secteurs sont également plus évidentes à imaginer. L’éolien terrestre, le photovoltaïque, les batteries et le renforcement des réseaux électriques ont également suscité l’intérêt d’un nombre non négligeable de répondant·es (de 23 à 36 % en moyenne, avec de fortes variations en fonction de la profession et du domaine d’activités). Freins à la reconversion 43 % des répondant·es estiment devoir changer d’entreprise pour pouvoir se reconvertir hors du secteur pétrolier et gazier. Ce chiffre monte à 61 % pour les professions intermédiaires, tandis que les employé·es et ouvrier·es ne sont que 30 % à avoir confiance en la possibilité de se reconvertir au sein de leur entreprise. Actuellement, les reconversions de salarié·es du secteur sont principalement le fait de démarches individuelles, et un manque d’anticipation et d’organisation collective est constaté. Les répondants évoquent de nombreux freins à leur reconversion : le manque de formations, le coût et la difficulté de construire des passerelles due au cloisonnement entre les unités historiques et nouvelles au sein des entreprises. Certains répondants font également état d’une certaine défiance de la part des recruteurs d’autres secteurs. De fortes attentes vis-à-vis des pouvoirs publics Deux tiers des répondants estiment que les pouvoirs publics (État et régions) n’agissent pas suffisamment pour leur secteur. La proportion de personnes insatisfaites par l’action des pouvoirs publics est plus forte dans les entreprises parapétrolières et paragazières (71
Par Rebaud A., Compain G.
15 mars 2022