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Frédéric Faravel

Biographie

Notes publiées

Élections législatives de 2022 : entre approfondissement et contradictions, une nouvelle étape de la crise démocratique

Les élections législatives de 2022 se sont tenues les 12 et 19 juin 2022. Un mois et demi après la réélection par défaut d’Emmanuel Macron à la présidence de la République face à Marine Le Pen, elles se sont conclues par une campagne électorale assez insaisissable entre atonie/anomie en profondeur et emballement en surface. Dès le soir du premier tour, les résultats ont apporté plusieurs enseignements notables – de fortes évolutions et d’inquiétantes constantes – que nous proposons d’analyser en croisant les informations issues de l’observation à différentes échelles géographiques. Je décrypte la manière dont s’est traduite dans les urnes une forme inédite de rassemblement de la gauche sous une direction insoumise. Nous analyserons enfin les phénomènes qui ont joué au second tour pour aboutir à une Chambre basse sans majorité évidente, où l’extrême droite entre en masse sans que cela ait été perceptible à ce niveau au soir du 12 juin. Ces élections législatives ouvrent une période politique confuse et incertaine, traduisant comme jamais l’état de crise démocratique de nos institutions et plus largement du pays. Principal enseignement du premier tour : la consolidation d’une abstention massive L’abstention s’est établie le 12 juin 2022 à 52,49 % des inscrits, soit près de 25,7 millions d’électeurs. Le 11 juin 2017, l’abstention s’établissait à 51,3 % des inscrits, soit plus de 24,4 millions d’électeurs, c’est-à-dire que l’on compte en 2022 une progression de 1,2 points et 1,25 millions d’abstentionnistes supplémentaires. Cependant, comme le corps électoral a connu un accroissement, le premier tour de 2022 a compté près de 23,26 millions de votants, soit quelques 90 000 électeurs supplémentaires. La progression de l’abstention est un phénomène désormais structurel de notre démocratie électorale : elle atteint des niveaux importants à toutes les élections, à l’exception de l’élection présidentielle. Pour les élections législatives, cette situation politique est relativement récente à l’échelle de la Ve république : de 1967 à 1986, la participation côtoyait les 80 % (en-deçà ou au-delà), avec une exception en 1981 à 70,6 % (démobilisation de la droite). La réélection de François Mitterrand en 1988 a ouvert une phase de transition avec une participation plus faible aux élections législatives, qui a fluctué entre 65 et 69 % de 1988 à 1997. Une rupture importante est intervenue en 2002 avec l’adoption l’année précédente du quinquennat et l’inversion du calendrier électoral, plaçant désormais les législatives dans la foulée de l’élection présidentielle : cette situation induit que la majorité parlementaire issue des élections est redevable au président de la République qui vient d’être élu, les Français ne changeant pas d’idée comme de chemise en un mois et demi. Au-delà de la disparition d’une possibilité de cohabitation, elle induit des comportements parlementaires plus que jamais inféodés à l’exécutif ; le pouvoir parlementaire déjà largement bridé par le parlementarisme rationalisé de la Ve République n’en est que plus abaissé structurellement. En réaction, les électeurs se démobilisent face à un scrutin qui perd en politisation et donc en intérêt, l’élection apparaissant déjà jouée, entre futurs députés tenus par une obéissance à l’exécutif et opposants sans pouvoir. On remarquera que les raisonnements sont contradictoires mais qu’ils se conjuguent pour accroître l’abstention. La participation est passée dès 2002 à moins de 65 %, alors que l’électorat de gauche s’était remobilisé pour limiter la défaite de son camp et « se faire pardonner » de l’élimination de Lionel Jospin, pour chuter à près de 60 % en 2007, puis 57 % en 2012. Une chute désormais continue et accélérée. Le quinquennat de François Hollande explique une nouvelle rupture : il a été à la fois la démonstration de la trahison des élites – le président et ses soutiens parlementaires ont mené et soutenu une politique néolibérale contraire à leurs engagements de campagne et se plaçant finalement dans la continuité du quinquennat de droite précédent – et de l’impossibilité d’une révolte parlementaire qui rétablirait un cours exécutif plus conforme aux « promesses électorales ». Pourquoi donc, dans ces conditions, voter pour que les politiques publiques ne changent pas ou peu d’orientation ? Pourquoi voter pour des parlementaires qui n’ont aucun pouvoir sérieux sur l’exécutif ou qui le suivent servilement dans leur majorité ? La participation s’est effondrée de 8,5 points de 2012 à 2017, accompagnant l’élection d’une Chambre largement dominée par le parti du nouveau président de la République, Emmanuel Macron, renforçant la logique de soumission ou de servilité du législatif à l’exécutif. Le spectacle donné par la majorité parlementaire « Playmobil » mais sans doute aussi par une partie de l’opposition (ce n’est pas parce qu’on hurle dans l’hémicycle que l’on est plus apprécié par les abstentionnistes) n’a pas suscité un renversement de tendance en 2022 mais une confirmation à la baisse (cependant moins rapide). La carte de l’abstention de 2022 apparaît relativement classique, mais connaît quelques petites évolutions. On retrouve le schéma classique d’une abstention élevée – une constante des élections législatives des vingt dernières années – dans les territoires de l’ancienne France ouvrière désindustrialisée du nord et de l’est, de la vallée du Rhône et du pourtour méditerranéen, des zones péri-urbaines et les banlieues des grandes agglomérations (dont celles de la capitale), du bassin parisien et enfin de l’outre-mer. Le mauvais score de la majorité présidentielle d’Emmanuel Macron (Ensemble ! : LaREM, MoDem, Horizons, Agir) au soir du premier tour s’explique en partie par une poussée de l’abstention dans quelques régions hors des territoires précédemment énoncés. Si l’on regarde attentivement l’illustration n°3 de cette note, qui cartographie les évolutions de participation entre juin 2017 et juin 2022, on remarque une très forte progression de l’abstention dans l’ouest de la France, le nord-ouest de la région Centre Val-de-Loire, les Pays de la Loire, la Vienne et la Bretagne, territoires qui s’étaient donnés à Emmanuel Macron et à sa majorité parlementaire en 2017, et pour une large part à nouveau à Emmanuel Macron le 10 avril 2022. Dans ces territoires, cette progression de l’abstention au-delà de 2,5 points (avec des pointes au-delà de 5 points) a diminué d’autant les scores de la majorité présidentielle à 5 ans de distance. Cela explique également le recul en voix des

Par Faravel F.

15 juillet 2022

Élections législatives de 2022 : entre approfondissement et contradictions, une nouvelle étape de la crise démocratique

Les élections législatives de 2022 se sont tenues les 12 et 19 juin 2022. Un mois et demi après la réélection par défaut d’Emmanuel Macron à la présidence de la République face à Marine Le Pen, elles se sont conclues par une campagne électorale assez insaisissable entre atonie/anomie en profondeur et emballement en surface. Dès le soir du premier tour, les résultats ont apporté plusieurs enseignements notables – de fortes évolutions et d’inquiétantes constantes – que nous proposons d’analyser en croisant les informations issues de l’observation à différentes échelles géographiques. Je décrypte la manière dont s’est traduite dans les urnes une forme inédite de rassemblement de la gauche sous une direction insoumise. Nous analyserons enfin les phénomènes qui ont joué au second tour pour aboutir à une Chambre basse sans majorité évidente, où l’extrême droite entre en masse sans que cela ait été perceptible à ce niveau au soir du 12 juin. Ces élections législatives ouvrent une période politique confuse et incertaine, traduisant comme jamais l’état de crise démocratique de nos institutions et plus largement du pays. Principal enseignement du premier tour : la consolidation d’une abstention massive L’abstention s’est établie le 12 juin 2022 à 52,49 % des inscrits, soit près de 25,7 millions d’électeurs. Le 11 juin 2017, l’abstention s’établissait à 51,3 % des inscrits, soit plus de 24,4 millions d’électeurs, c’est-à-dire que l’on compte en 2022 une progression de 1,2 points et 1,25 millions d’abstentionnistes supplémentaires. Cependant, comme le corps électoral a connu un accroissement, le premier tour de 2022 a compté près de 23,26 millions de votants, soit quelques 90 000 électeurs supplémentaires. La progression de l’abstention est un phénomène désormais structurel de notre démocratie électorale : elle atteint des niveaux importants à toutes les élections, à l’exception de l’élection présidentielle. Pour les élections législatives, cette situation politique est relativement récente à l’échelle de la Ve république : de 1967 à 1986, la participation côtoyait les 80 % (en-deçà ou au-delà), avec une exception en 1981 à 70,6 % (démobilisation de la droite). La réélection de François Mitterrand en 1988 a ouvert une phase de transition avec une participation plus faible aux élections législatives, qui a fluctué entre 65 et 69 % de 1988 à 1997. Une rupture importante est intervenue en 2002 avec l’adoption l’année précédente du quinquennat et l’inversion du calendrier électoral, plaçant désormais les législatives dans la foulée de l’élection présidentielle : cette situation induit que la majorité parlementaire issue des élections est redevable au président de la République qui vient d’être élu, les Français ne changeant pas d’idée comme de chemise en un mois et demi. Au-delà de la disparition d’une possibilité de cohabitation, elle induit des comportements parlementaires plus que jamais inféodés à l’exécutif ; le pouvoir parlementaire déjà largement bridé par le parlementarisme rationalisé de la Ve République n’en est que plus abaissé structurellement. En réaction, les électeurs se démobilisent face à un scrutin qui perd en politisation et donc en intérêt, l’élection apparaissant déjà jouée, entre futurs députés tenus par une obéissance à l’exécutif et opposants sans pouvoir. On remarquera que les raisonnements sont contradictoires mais qu’ils se conjuguent pour accroître l’abstention. La participation est passée dès 2002 à moins de 65 %, alors que l’électorat de gauche s’était remobilisé pour limiter la défaite de son camp et « se faire pardonner » de l’élimination de Lionel Jospin, pour chuter à près de 60 % en 2007, puis 57 % en 2012. Une chute désormais continue et accélérée. Le quinquennat de François Hollande explique une nouvelle rupture : il a été à la fois la démonstration de la trahison des élites – le président et ses soutiens parlementaires ont mené et soutenu une politique néolibérale contraire à leurs engagements de campagne et se plaçant finalement dans la continuité du quinquennat de droite précédent – et de l’impossibilité d’une révolte parlementaire qui rétablirait un cours exécutif plus conforme aux « promesses électorales ». Pourquoi donc, dans ces conditions, voter pour que les politiques publiques ne changent pas ou peu d’orientation ? Pourquoi voter pour des parlementaires qui n’ont aucun pouvoir sérieux sur l’exécutif ou qui le suivent servilement dans leur majorité ? La participation s’est effondrée de 8,5 points de 2012 à 2017, accompagnant l’élection d’une Chambre largement dominée par le parti du nouveau président de la République, Emmanuel Macron, renforçant la logique de soumission ou de servilité du législatif à l’exécutif. Le spectacle donné par la majorité parlementaire « Playmobil » mais sans doute aussi par une partie de l’opposition (ce n’est pas parce qu’on hurle dans l’hémicycle que l’on est plus apprécié par les abstentionnistes) n’a pas suscité un renversement de tendance en 2022 mais une confirmation à la baisse (cependant moins rapide). La carte de l’abstention de 2022 apparaît relativement classique, mais connaît quelques petites évolutions. On retrouve le schéma classique d’une abstention élevée – une constante des élections législatives des vingt dernières années – dans les territoires de l’ancienne France ouvrière désindustrialisée du nord et de l’est, de la vallée du Rhône et du pourtour méditerranéen, des zones péri-urbaines et les banlieues des grandes agglomérations (dont celles de la capitale), du bassin parisien et enfin de l’outre-mer. Le mauvais score de la majorité présidentielle d’Emmanuel Macron (Ensemble ! : LaREM, MoDem, Horizons, Agir) au soir du premier tour s’explique en partie par une poussée de l’abstention dans quelques régions hors des territoires précédemment énoncés. Si l’on regarde attentivement l’illustration n°3 de cette note, qui cartographie les évolutions de participation entre juin 2017 et juin 2022, on remarque une très forte progression de l’abstention dans l’ouest de la France, le nord-ouest de la région Centre Val-de-Loire, les Pays de la Loire, la Vienne et la Bretagne, territoires qui s’étaient donnés à Emmanuel Macron et à sa majorité parlementaire en 2017, et pour une large part à nouveau à Emmanuel Macron le 10 avril 2022. Dans ces territoires, cette progression de l’abstention au-delà de 2,5 points (avec des pointes au-delà de 5 points) a diminué d’autant les scores de la majorité présidentielle à 5 ans de distance. Cela explique également le recul en voix des

Par Faravel F.

15 juillet 2022

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