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François Expert

François Expert

Biographie

Avocat, ancien normalien.

Notes publiées

Institutions : 10 propositions pour un programme commun

  « C’est alors qu’au milieu de la tourmente nationale et de la guerre étrangère apparut la République ! Elle était la souveraineté du peuple, l’appel de la liberté, l’espérance de la justice. Elle devait rester cela à travers les péripéties agitées de son histoire. Aujourd’hui, autant que jamais, nous voulons qu’elle le demeure. » (Charles de Gaulle, discours du 4 septembre 1958)   « Ne légiférer qu’en tremblant » (Jean Carbonnier) Introduction « La souveraineté du peuple, l’appel de la liberté, l’espérance de la justice » : c’est en ces termes que le général de Gaulle inaugurait la Vè République dans son discours du 4 septembre 1958. Cette promesse d’une République souveraine, libre et juste, érigée sur les ruines d’un régime à bout de souffle, a-t-elle été tenue ? Le cadre de nos institutions le permet-il vraiment ? Et ne vaudrait-il pas mieux, comme certains le préconisent, faire table rase pour inventer une VIè République ? L’idée n’est pas nouvelle : conçue au plus fort de la guerre d’Algérie, ratifiée par les Français dans un référendum s’apparentant à la sauvegarde in extremis de l’ordre républicain autant qu’au plébiscite de l’homme du 18 juin, la Constitution de 1958 a suscité depuis ses origines des interrogations nombreuses et légitimes. Dominée par la volonté de renforcer le pouvoir exécutif et d’assurer, à tout prix, la stabilité des gouvernements, la République gaullienne est ainsi apparue, dès sa naissance, comme un régime de monarchie présidentielle, faisant du Parlement une simple courroie de l’activité législative tout en privant les citoyens de nombreuses garanties. De ces déséquilibres originels, notre régime conserve incontestablement les traces, qui se sont même doublées au fil du temps de défaillances supplémentaires. La transformation du Président en chef de la majorité avec la réforme du quinquennat et l’inversion du calendrier électoral, l’érosion du dialogue présidentiel avec la presse, la persistance de son irresponsabilité politique en temps de crise, la disparition du recours au référendum, la succession presqu’ininterrompue des états d’urgence, sont autant d’exemples de cette dégradation. La hausse constante de l’abstention, notamment aux élections législatives, achève le tableau d’un régime rétréci, trop peu en phase avec ce que les citoyens pourraient en espérer. Faisant un tel constat, faudrait-il faire table rase et refonder de fond en comble nos institutions ? À cette question, la présente note propose une réponse négative. Négative, d’abord, parce que la Vè République est désormais solidement ancrée dans la pratique de la politique nationale. Legs d’une figure unique, le général de Gaulle, mais également d’une crise profonde et multiforme liée aux excès du parlementarisme, elle a même acquis au fil du temps un indéniable crédit politique et moral. Malgré de nombreuses critiques, la Vè République est ainsi louée pour sa stabilité, dans un pays longtemps habitué aux crises de régime. Renouvelant en outre le rapport du peuple au chef de l’État, « rationalisant » certaines dérives des régimes précédents, la Constitution actuelle a permis une cohérence dans l’action du pouvoir exécutif qu’il serait coûteux d’abandonner. Sauf à vouloir « réinventer », dans une nouvelle Constitution, les caractéristiques les plus ancrées du régime actuel – mais qui peut garantir que telle serait l’issue, par nature incertaine, d’une assemblée constituante ? –, toute volonté de faire table rase prendrait le risque de réveiller des maux que la Vè République est parvenue à écarter, et dont le profond rejet par la population s’était justement exprimé entre mai et septembre 1958. Négative, encore, car toute révision de la Constitution suppose que la procédure de l’article 89 soit respectée. Rendant peu vraisemblable – sauf événement majeur – la convocation d’une assemblée constituante, cette procédure, sous le contrôle du Conseil constitutionnel, impose que tout projet de loi constitutionnelle soit approuvé dans les mêmes termes par les deux assemblées. En d’autres termes, l’avenir de toute révision dépend inévitablement de l’accord du Sénat, et pour cela, de l’assentiment du centre et d’une partie de la droite. Cette exigence d’un large consensus, pour modifier notre loi fondamentale, n’est-elle pas d’ailleurs pleinement justifiée ? Qu’il nous suffise, à cet égard, de relire François Mitterrand : « Les membres de la plus modeste association de pêche ou de pétanque savent qu’on ne modifie pas les statuts d’une société aussi facilement qu’un règlement intérieur. Si la révision des statuts d’un groupement sportif requiert une procédure lente et solennelle, ne convient-il pas de protéger, avec un soin au moins égal, la Constitution d’un pays ? Tel est l’objet de l’article 89 […] »[1]. Une voie alternative pourrait alors consister, au lendemain de l’élection présidentielle, à invoquer l’article 11, qui permet au chef de l’État de soumettre au référendum « tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics » sans en passer par le vote des assemblées. Une telle option serait toutefois très incertaine, cet article n’ayant pas vocation à s’appliquer en cas de révision de la Constitution. Certes, c’est par cette procédure que le général de Gaulle soumit ses projets de révision, en 1962 et 1969, au suffrage populaire. Mais le Conseil, présidé par les gaullistes historiques Léon Noël et Gaston Palewski, n’avait encore qu’une légitimité précaire[2]. La situation est aujourd’hui bien différente : depuis sa célèbre décision Hauchemaille du 25 juillet 2000, le Conseil se reconnaît compétent pour contrôler la constitutionnalité du décret de convocation de tout référendum. Dans l’hypothèse où, désormais, le Président de la République ferait usage de l’article 11 pour réviser la Constitution, l’opposition du Conseil constitutionnel serait, sinon certaine, du moins hautement probable. La réussite d’une telle révision serait alors soumise à un fort aléa. Gardant à l’esprit les exigences de l’article 89, la présente note, qui fait écho aux « 50 propositions » de Benjamin Morel[3], entend s’écarter de la perspective d’une VIè République pour esquisser les grandes orientations d’une révision ambitieuse mais s’inscrivant dans la continuité des institutions existantes, et qui pourrait ainsi recueillir un véritable soutien transpartisan. Une telle réforme conserverait les principaux acquis de la Vè République, pouvant se résumer à quatre piliers : le parlementarisme rationalisé ; l’élection du Président de la République au suffrage universel direct ; la double modalité d’expression de la souveraineté, par la représentation et le référendum ; la division verticale du pouvoir entre le Président et

Par Stoleru D., Expert F.

25 août 2021

Institutions : 10 propositions pour un programme commun

  « C’est alors qu’au milieu de la tourmente nationale et de la guerre étrangère apparut la République ! Elle était la souveraineté du peuple, l’appel de la liberté, l’espérance de la justice. Elle devait rester cela à travers les péripéties agitées de son histoire. Aujourd’hui, autant que jamais, nous voulons qu’elle le demeure. » (Charles de Gaulle, discours du 4 septembre 1958)   « Ne légiférer qu’en tremblant » (Jean Carbonnier) Introduction « La souveraineté du peuple, l’appel de la liberté, l’espérance de la justice » : c’est en ces termes que le général de Gaulle inaugurait la Vè République dans son discours du 4 septembre 1958. Cette promesse d’une République souveraine, libre et juste, érigée sur les ruines d’un régime à bout de souffle, a-t-elle été tenue ? Le cadre de nos institutions le permet-il vraiment ? Et ne vaudrait-il pas mieux, comme certains le préconisent, faire table rase pour inventer une VIè République ? L’idée n’est pas nouvelle : conçue au plus fort de la guerre d’Algérie, ratifiée par les Français dans un référendum s’apparentant à la sauvegarde in extremis de l’ordre républicain autant qu’au plébiscite de l’homme du 18 juin, la Constitution de 1958 a suscité depuis ses origines des interrogations nombreuses et légitimes. Dominée par la volonté de renforcer le pouvoir exécutif et d’assurer, à tout prix, la stabilité des gouvernements, la République gaullienne est ainsi apparue, dès sa naissance, comme un régime de monarchie présidentielle, faisant du Parlement une simple courroie de l’activité législative tout en privant les citoyens de nombreuses garanties. De ces déséquilibres originels, notre régime conserve incontestablement les traces, qui se sont même doublées au fil du temps de défaillances supplémentaires. La transformation du Président en chef de la majorité avec la réforme du quinquennat et l’inversion du calendrier électoral, l’érosion du dialogue présidentiel avec la presse, la persistance de son irresponsabilité politique en temps de crise, la disparition du recours au référendum, la succession presqu’ininterrompue des états d’urgence, sont autant d’exemples de cette dégradation. La hausse constante de l’abstention, notamment aux élections législatives, achève le tableau d’un régime rétréci, trop peu en phase avec ce que les citoyens pourraient en espérer. Faisant un tel constat, faudrait-il faire table rase et refonder de fond en comble nos institutions ? À cette question, la présente note propose une réponse négative. Négative, d’abord, parce que la Vè République est désormais solidement ancrée dans la pratique de la politique nationale. Legs d’une figure unique, le général de Gaulle, mais également d’une crise profonde et multiforme liée aux excès du parlementarisme, elle a même acquis au fil du temps un indéniable crédit politique et moral. Malgré de nombreuses critiques, la Vè République est ainsi louée pour sa stabilité, dans un pays longtemps habitué aux crises de régime. Renouvelant en outre le rapport du peuple au chef de l’État, « rationalisant » certaines dérives des régimes précédents, la Constitution actuelle a permis une cohérence dans l’action du pouvoir exécutif qu’il serait coûteux d’abandonner. Sauf à vouloir « réinventer », dans une nouvelle Constitution, les caractéristiques les plus ancrées du régime actuel – mais qui peut garantir que telle serait l’issue, par nature incertaine, d’une assemblée constituante ? –, toute volonté de faire table rase prendrait le risque de réveiller des maux que la Vè République est parvenue à écarter, et dont le profond rejet par la population s’était justement exprimé entre mai et septembre 1958. Négative, encore, car toute révision de la Constitution suppose que la procédure de l’article 89 soit respectée. Rendant peu vraisemblable – sauf événement majeur – la convocation d’une assemblée constituante, cette procédure, sous le contrôle du Conseil constitutionnel, impose que tout projet de loi constitutionnelle soit approuvé dans les mêmes termes par les deux assemblées. En d’autres termes, l’avenir de toute révision dépend inévitablement de l’accord du Sénat, et pour cela, de l’assentiment du centre et d’une partie de la droite. Cette exigence d’un large consensus, pour modifier notre loi fondamentale, n’est-elle pas d’ailleurs pleinement justifiée ? Qu’il nous suffise, à cet égard, de relire François Mitterrand : « Les membres de la plus modeste association de pêche ou de pétanque savent qu’on ne modifie pas les statuts d’une société aussi facilement qu’un règlement intérieur. Si la révision des statuts d’un groupement sportif requiert une procédure lente et solennelle, ne convient-il pas de protéger, avec un soin au moins égal, la Constitution d’un pays ? Tel est l’objet de l’article 89 […] »[1]. Une voie alternative pourrait alors consister, au lendemain de l’élection présidentielle, à invoquer l’article 11, qui permet au chef de l’État de soumettre au référendum « tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics » sans en passer par le vote des assemblées. Une telle option serait toutefois très incertaine, cet article n’ayant pas vocation à s’appliquer en cas de révision de la Constitution. Certes, c’est par cette procédure que le général de Gaulle soumit ses projets de révision, en 1962 et 1969, au suffrage populaire. Mais le Conseil, présidé par les gaullistes historiques Léon Noël et Gaston Palewski, n’avait encore qu’une légitimité précaire[2]. La situation est aujourd’hui bien différente : depuis sa célèbre décision Hauchemaille du 25 juillet 2000, le Conseil se reconnaît compétent pour contrôler la constitutionnalité du décret de convocation de tout référendum. Dans l’hypothèse où, désormais, le Président de la République ferait usage de l’article 11 pour réviser la Constitution, l’opposition du Conseil constitutionnel serait, sinon certaine, du moins hautement probable. La réussite d’une telle révision serait alors soumise à un fort aléa. Gardant à l’esprit les exigences de l’article 89, la présente note, qui fait écho aux « 50 propositions » de Benjamin Morel[3], entend s’écarter de la perspective d’une VIè République pour esquisser les grandes orientations d’une révision ambitieuse mais s’inscrivant dans la continuité des institutions existantes, et qui pourrait ainsi recueillir un véritable soutien transpartisan. Une telle réforme conserverait les principaux acquis de la Vè République, pouvant se résumer à quatre piliers : le parlementarisme rationalisé ; l’élection du Président de la République au suffrage universel direct ; la double modalité d’expression de la souveraineté, par la représentation et le référendum ; la division verticale du pouvoir entre le Président et

Par Stoleru D., Expert F.

14 novembre 2021

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