Mettre en place un prêt à la rénovation par rechargement hypothécaire
Le parc immobilier résidentiel français est particulièrement mal isolé, entraînant une consommation énergétique élevée, de l’inconfort voire de l’insalubrité pour les résidents. Sur les 29 millions de résidences principales, 7 % seulement ont obtenu les étiquettes A ou B du Diagnostic de performance énergétique (DPE). En outre, une partie non négligeable des systèmes de chauffage fonctionne au gaz naturel ou fioul domestique, énergies de chauffage particulièrement émissives en gaz à effet de serre. Alors qu’il ne faudrait pas dépasser 2 tonnes équivalent carbone pour respecter les différents engagements de la France sur le climat et suivre une trajectoire nationale limitant le réchauffement climatique à 2 degrés, l’empreinte carbone du logement est à elle seule estimée à 2,4 tonnes équivalent carbone par personne[1] dont 59 % sont liés au chauffage. Le parc immobilier résidentiel français est l’un des secteurs les plus émissifs, juste après les transports, et alourdit considérablement la facture énergétique nationale et individuelle. Cela engendre des situations de précarité énergétique dont souffrent 7 millions de personnes en France en 2019, selon l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE). En Europe, ce sont 50 à 125 millions d’habitants qui souffrent des mêmes maux qui se traduisent par un choix cornélien : manger ou se chauffer. À cela, il convient d’ajouter d’autres dommages collatéraux sur la santé, tels que les maladies respiratoires, notamment chez les jeunes enfants, causées par un air vicié dans les logements. Les travaux de rénovation entrepris actuellement sont le plus souvent partiels, par gestes, comme changer les fenêtres, installer un nouveau système de chauffage (chauffage électrique, pompe à chaleur, etc.) ou encore isoler les combles. Or, selon l’Enquête Trémi de 2017, 75 % de ces travaux n’ont pas amélioré les DPE, et selon une autre étude des MinesParisTech, menée par Matthieu Glachant en 2019, pour 1000 € dépensés dans ces travaux isolés, la facture énergétique ne s’est réduite que de 8,4 € par an. L’équilibre en trésorerie, qui consiste à compenser les coûts inhérents à la rénovation par la réduction de la facture énergétique, pourtant essentiel pour inciter les Français à rénover, n’est absolument pas atteignable avec cette rénovation partielle puisqu’elle conduit à des économies insuffisantes par rapport aux charges additionnelles. Nous assistons donc depuis des années à une gabegie financière des fonds privés et publics qui s’accompagne en outre d’un manque d’accompagnement et de vérification. La solution pour éviter tous ces effets négatifs est pourtant sur la table depuis longtemps. Les acteurs de la rénovation, et plus récemment le Haut Conseil pour le Climat (HCC) ou encore la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC), s’accordent à dire que seule une rénovation complète et performante du bâti et du système de chauffage réalisée en une seule fois permettra à l’ensemble du parc immobilier résidentiel de récupérer la totalité du gisement d’économies potentielles et ainsi d’obtenir le label Bâtiment basse consommation (BBC) soit les niveaux A et B du DPE. Pour ne donner qu’un ordre de grandeur, la rénovation performante d’une maison de classe F ou G divise par 4 à 8 les factures de chauffage (hors effet rebond et à coût d’énergie stable). Au-delà des avantages individuels en termes d’économie d’énergie, de confort et de santé, la rénovation globale génère des créations d’emploi dans la filière de la rénovation qui sont estimées à 278 000 équivalents temps plein (ETP)[2]. Elle a aussi le mérite d’engendrer des excédents budgétaires additionnels du fait de la réduction du déficit commercial, des avantages collatéraux sur le système de santé et sur les comptes sociaux, excédents qui pourraient être alloués pour financer leur rénovation et notamment favoriser en priorité l’équilibre en trésorerie des ménages les plus modestes. Il est rare d’observer un tel alignement des intérêts ainsi qu’une telle unanimité. Pourtant, malgré les appels répétés à un plan massif de rénovation globale, seul à même de respecter les accords sur le climat et de mettre un terme à la précarité énergétique, les pouvoirs publics tardent à mettre en place une politique volontariste. Pour comprendre pourquoi aucun des gouvernements successifs n’a souhaité mettre en œuvre ce type de rénovation, il est important d’en identifier les raisons profondes, notamment en analysant les conséquences financières et fiscales d’une telle politique. I. Une politique des petits pas pour ne pas heurter l’électeur-contribuable Le premier facteur du manque de volontarisme des pouvoirs publics tient à des considérations pratiques. La rénovation complète et performante du logement suppose en effet des travaux lourds qui vont de plusieurs jours à plusieurs mois selon les biens, ce qui cause inévitablement d’importants désagréments pour les résidents. La deuxième raison tient au coût financier. Sur le plan individuel, le coût au mètre carré d’une rénovation complète et performante est estimé en moyenne à 450 € TTC pour les maisons individuelles et 270 € TTC pour les logements collectifs[3], ce qui représente un coût moyen de 40 000 € par logement en France. Malgré les aides de l’État, il demeure un reste à charge important pour les propriétaires. Les acteurs de la rénovation, rejoints par le Haut conseil pour le climat et la Convention citoyenne pour le climat, plaident toutefois depuis longtemps pour une obligation à la rénovation globale et performante. Sans elle, rien ne changera fondamentalement, les objectifs climatiques et sociaux demeureront des vœux pieux et la précarité énergétique perdurera. Cependant, pour éviter une levée de boucliers légitime de la part des citoyens, ces mêmes acteurs prônent certaines conditions qui visent à rendre acceptable cette obligation. Tout d’abord, afin de limiter les désagréments, la rénovation doit être concomitante à des faits générateurs, tels que les mutations ou le ravalement de façade pour les copropriétés. On en dénombre 1 046 000 entre février 2020 et février 2021[4] dont la plupart concernent des logements datant d’avant 2000, donc pas ou peu isolés : le gisement annuel est donc suffisant pour enclencher une dynamique et pousser le secteur à s’organiser. Malgré cela, cette obligation a toujours été repoussée par le Gouvernement et l’Assemblée nationale, parfois au nom de la liberté individuelle. Cette invocation est d’autant plus étonnante que la liberté individuelle n’a de sens que dans le
13 septembre 2021