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Charlotte Caussin

Biographie

Chargée d’opérations d’aménagement à la SORGEM, un aménageur essonnien, sur des opérations variées, allant du renouvellement urbain à l’extension de zones d’activités. Diplômée de Sciences Po Lille, master Affaires publiques, et de l’Ecole des Ponts et Chaussées en aménagement et maîtrise d’ouvrage urbaine.

Notes publiées

Quel développement territorial à l’ère du Zéro artificialisation nette ?

Depuis la loi du 13 avril 2013, le taux d’artificialisation des sols est compris dans les 10 nouveaux indicateurs de richesse nationaux. Face à l’état de fait — 9 % du sol français est artificialisé et la dynamique d’urbanisation est quatre fois plus rapide que la dynamique démographique[2] — les lois ALUR (2014), ELAN (2018) et SRU (2000) précisaient déjà la volonté de sobriété foncière et de limitation de l’étalement urbain. La réduction de l’artificialisation est nécessaire pour limiter l’érosion de la biodiversité, garantir le stockage du carbone dans les sols ou encore limiter ruissellements et débordements lors d’intempéries. L’objectif ZAN (Zéro Artificialisation Nette) est inscrit dans le plan Biodiversité de 2018, mais n’avait, jusqu’à l’adoption de la loi dite « Résilience Climat » de juillet 2021, aucune définition légale ni trajectoire de réduction associée, à l’image de ce qui peut exister pour la réduction des émissions de GES. Quelle vitesse de réduction, quel terme pour le ZAN (2030 ? 2050 ?). Cette question est entrée dans l’agenda législatif à la faveur des travaux de la Convention citoyenne pour le climat (CCC). Les réactions sont animées lorsque l’objectif de Zéro Artificialisation Nette (ZAN) des sols à horizon 2050 est abordé avec des élus et des professionnels de l’urbanisme : « Remise en cause de nos modes de faire », « Séisme », « Immense défi », « Révolution », « Ruralicide ». Le constat sur les conséquences de l’artificialisation sont globalement partagées – érosion de la biodiversité, appauvrissement des sols, augmentation du risque d’inondation, menaces sur les terres agricoles – mais tous s’interrogent sur les voies pour y parvenir. Fixé par la loi du 22 août 2021[3], l’objectif ZAN vise à cesser l’artificialisation des sols à l’horizon 2050, tout en laissant la possibilité de la compenser[4]. Plus qu’un simple rapport comptable, il s’agit de créer de nouvelles méthodes et d’installer de nouveaux réflexes dans la manière de faire la ville et les territoires, en sanctuarisant des espaces naturels et en renaturant des espaces artificialisés[5], tout en garantissant l’accès au logement pour tous et en assurant un développement économique vertueux. Malgré les éclairages techniques fournis par les deux décrets d’application[6], un flou persiste chez les élus : comment traduire le ZAN dans les politiques publiques ? Comment renforcer l’attractivité de son territoire sans construire sur des terres vierges ? Comment faire pour attirer des jeunes ménages actifs si on ne peut plus leur garantir une maison individuelle avec jardin dans un lotissement ? Comment financer la renaturation d’une friche suite au départ d’un commerce ? Derrière la figure du « maire bâtisseur » qui, dans sa localité, dispose du foncier et des permis de construire comme ressources pour sa commune, se cache une profonde disparité de moyens en financements, en ressources humaines et en outils, pour mettre en place des politiques publiques efficaces. En effet, si aujourd’hui les prémices du recyclage foncier sont plébiscitées partout, leurs exemples se concentrent seulement dans les grandes villes. Aussi, le ZAN étant posé comme un objectif national, la décentralisation de la sobriété foncière est à engager. Ce dossier se place dans cette perspective : donner aux élus des 35 000 communes françaises des pistes pour que l’objectif national, par ailleurs décliné dans les documents réglementaires de collectivités, puisse trouver une application efficace sur les territoires. Zéro Artificialisation ? La définition de l’artificialisation, définie dans la loi Climat et Résilience, explicite une dimension qualitative et le caractère multifonctionnel des sols : « L’artificialisation est définie comme l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage »[7]. Il est important de distinguer l’artificialisation de termes proches : « imperméabilisation » et « urbanisation ». L’imperméabilisation désigne le recouvrement permanent d’un terrain et de son sol par un matériau artificiel imperméable (du bitume par exemple). Or, si tous les sols artificialisés ont été transformés, leur imperméabilisation n’est pas systématique : certains sont « minéralisés », d’autres sont toujours perméables comme les espaces verts le long des routes, par exemple. Un sol peut présenter une belle pelouse, mais être compacté sous une couche de 30 centimètres de sol superficiel. Ainsi, malgré une surface apparemment verte, le sol ne peut pas jouer l’ensemble de ses fonctions écologiques (la compaction empêche l’infiltration des eaux, notamment). L’urbanisation désigne le processus d’extension des villes et prend autant en compte des espaces urbains denses avec des populations et des activités concentrées que des espaces urbanisés diffus, dans les zones péri-urbaines. L’urbanisation passe par l’artificialisation mais toute artificialisation n’est pas synonyme d’urbanisation. Derrière les débats de définition se cache un enjeu d’harmonisation de la méthode de calcul de l’artificialisation. Les mesures peuvent venir des données cadastrales, des fichiers fonciers ou de la télédétection. Selon les sources, le volume moyen serait compris entre 16 000 et 61 000 hectares par an[8]. La méthode de calcul est la clé de voûte pour atteindre l’objectif ZAN. Les décrets d’application sont intéressants en ce qu’ils introduisent une nouvelle nomenclature entre les sols considérés comme artificialisés et ceux non-artificialisés[9]. Mais cette nomenclature ne s’applique pas pour les objectifs de la première tranche de dix ans prévue à l’article 194 de la loi Climat et Résilience[10] : pendant la période de transition, les objectifs porteront sur la réduction de la consommation d’espaces naturels agricoles et forestiers. C’est donc le mode de calcul surfacique qui s’appliquera au détriment de la nouvelle définition qualitative de l’artificialisation. Les zones perméables dans les villes (jardins, pelouses, friches) ne seront pas prises en compte dans l’enveloppe des terres urbanisées. Conséquences de l’artificialisation En 2019, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a publié un rapport spécial sur le changement climatique et « les terres ». Les scientifiques affirment que les changements d’usage des sols ont des impacts sur le changement climatique, en particulier au niveau de la capacité de séquestration du carbone dans les sols ainsi que des conséquences sociales, notamment en termes d’accès au foncier. Des conséquences sont également constatées au niveau de la capacité de régulation des événements climatiques. Dans son rapport de 2019[11], la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) classe l’artificialisation des sols comme la

Par Pont C., Zelinsky A., Gérard H., Caussin C., Maldonado C.

27 septembre 2022

Quel développement territorial à l’ère du Zéro artificialisation nette ?

Depuis la loi du 13 avril 2013, le taux d’artificialisation des sols est compris dans les 10 nouveaux indicateurs de richesse nationaux. Face à l’état de fait — 9 % du sol français est artificialisé et la dynamique d’urbanisation est quatre fois plus rapide que la dynamique démographique[2] — les lois ALUR (2014), ELAN (2018) et SRU (2000) précisaient déjà la volonté de sobriété foncière et de limitation de l’étalement urbain. La réduction de l’artificialisation est nécessaire pour limiter l’érosion de la biodiversité, garantir le stockage du carbone dans les sols ou encore limiter ruissellements et débordements lors d’intempéries. L’objectif ZAN (Zéro Artificialisation Nette) est inscrit dans le plan Biodiversité de 2018, mais n’avait, jusqu’à l’adoption de la loi dite « Résilience Climat » de juillet 2021, aucune définition légale ni trajectoire de réduction associée, à l’image de ce qui peut exister pour la réduction des émissions de GES. Quelle vitesse de réduction, quel terme pour le ZAN (2030 ? 2050 ?). Cette question est entrée dans l’agenda législatif à la faveur des travaux de la Convention citoyenne pour le climat (CCC). Les réactions sont animées lorsque l’objectif de Zéro Artificialisation Nette (ZAN) des sols à horizon 2050 est abordé avec des élus et des professionnels de l’urbanisme : « Remise en cause de nos modes de faire », « Séisme », « Immense défi », « Révolution », « Ruralicide ». Le constat sur les conséquences de l’artificialisation sont globalement partagées – érosion de la biodiversité, appauvrissement des sols, augmentation du risque d’inondation, menaces sur les terres agricoles – mais tous s’interrogent sur les voies pour y parvenir. Fixé par la loi du 22 août 2021[3], l’objectif ZAN vise à cesser l’artificialisation des sols à l’horizon 2050, tout en laissant la possibilité de la compenser[4]. Plus qu’un simple rapport comptable, il s’agit de créer de nouvelles méthodes et d’installer de nouveaux réflexes dans la manière de faire la ville et les territoires, en sanctuarisant des espaces naturels et en renaturant des espaces artificialisés[5], tout en garantissant l’accès au logement pour tous et en assurant un développement économique vertueux. Malgré les éclairages techniques fournis par les deux décrets d’application[6], un flou persiste chez les élus : comment traduire le ZAN dans les politiques publiques ? Comment renforcer l’attractivité de son territoire sans construire sur des terres vierges ? Comment faire pour attirer des jeunes ménages actifs si on ne peut plus leur garantir une maison individuelle avec jardin dans un lotissement ? Comment financer la renaturation d’une friche suite au départ d’un commerce ? Derrière la figure du « maire bâtisseur » qui, dans sa localité, dispose du foncier et des permis de construire comme ressources pour sa commune, se cache une profonde disparité de moyens en financements, en ressources humaines et en outils, pour mettre en place des politiques publiques efficaces. En effet, si aujourd’hui les prémices du recyclage foncier sont plébiscitées partout, leurs exemples se concentrent seulement dans les grandes villes. Aussi, le ZAN étant posé comme un objectif national, la décentralisation de la sobriété foncière est à engager. Ce dossier se place dans cette perspective : donner aux élus des 35 000 communes françaises des pistes pour que l’objectif national, par ailleurs décliné dans les documents réglementaires de collectivités, puisse trouver une application efficace sur les territoires. Zéro Artificialisation ? La définition de l’artificialisation, définie dans la loi Climat et Résilience, explicite une dimension qualitative et le caractère multifonctionnel des sols : « L’artificialisation est définie comme l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage »[7]. Il est important de distinguer l’artificialisation de termes proches : « imperméabilisation » et « urbanisation ». L’imperméabilisation désigne le recouvrement permanent d’un terrain et de son sol par un matériau artificiel imperméable (du bitume par exemple). Or, si tous les sols artificialisés ont été transformés, leur imperméabilisation n’est pas systématique : certains sont « minéralisés », d’autres sont toujours perméables comme les espaces verts le long des routes, par exemple. Un sol peut présenter une belle pelouse, mais être compacté sous une couche de 30 centimètres de sol superficiel. Ainsi, malgré une surface apparemment verte, le sol ne peut pas jouer l’ensemble de ses fonctions écologiques (la compaction empêche l’infiltration des eaux, notamment). L’urbanisation désigne le processus d’extension des villes et prend autant en compte des espaces urbains denses avec des populations et des activités concentrées que des espaces urbanisés diffus, dans les zones péri-urbaines. L’urbanisation passe par l’artificialisation mais toute artificialisation n’est pas synonyme d’urbanisation. Derrière les débats de définition se cache un enjeu d’harmonisation de la méthode de calcul de l’artificialisation. Les mesures peuvent venir des données cadastrales, des fichiers fonciers ou de la télédétection. Selon les sources, le volume moyen serait compris entre 16 000 et 61 000 hectares par an[8]. La méthode de calcul est la clé de voûte pour atteindre l’objectif ZAN. Les décrets d’application sont intéressants en ce qu’ils introduisent une nouvelle nomenclature entre les sols considérés comme artificialisés et ceux non-artificialisés[9]. Mais cette nomenclature ne s’applique pas pour les objectifs de la première tranche de dix ans prévue à l’article 194 de la loi Climat et Résilience[10] : pendant la période de transition, les objectifs porteront sur la réduction de la consommation d’espaces naturels agricoles et forestiers. C’est donc le mode de calcul surfacique qui s’appliquera au détriment de la nouvelle définition qualitative de l’artificialisation. Les zones perméables dans les villes (jardins, pelouses, friches) ne seront pas prises en compte dans l’enveloppe des terres urbanisées. Conséquences de l’artificialisation En 2019, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a publié un rapport spécial sur le changement climatique et « les terres ». Les scientifiques affirment que les changements d’usage des sols ont des impacts sur le changement climatique, en particulier au niveau de la capacité de séquestration du carbone dans les sols ainsi que des conséquences sociales, notamment en termes d’accès au foncier. Des conséquences sont également constatées au niveau de la capacité de régulation des événements climatiques. Dans son rapport de 2019[11], la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) classe l’artificialisation des sols comme la

Par Pont C., Zelinsky A., Gérard H., Caussin C., Maldonado C.

27 septembre 2022

Travaux externes

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