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Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine

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Alain Dontaine

Biographie

Alain Dontaine, enseignant en géopolitique à l’Université Grenoble Alpes, est membre l’IR et de l’ONG Amel France qui est présente entre autres auprès des enfants Ukrainiens et auprès des migrants sur l’île de Samos. Il vient de publier un nouvel ouvrage : Impacts géopolitiques de la guerre en Ukraine.

Notes publiées

Sortir du paradigme sécuritaire : garantir le droit d’asile en Europe

Résumé exécutif   Dans le contexte politique actuel, accentué par la campagne des élections européennes, les migrations en France et en Europe sont traitées majoritairement sous un prisme sécuritaire terriblement réducteur. Or, ces migrations comprennent en particulier un nombre important de migrations « forcées » de personnes venant solliciter une protection internationale en Europe. Alors que la norme devrait être un transit facilité, leur parcours migratoire s’amorce par des situations de détresse humanitaire dans les pays d’origine, auxquelles succèdent les risques dans les zones traversées, des frontières verrouillées ainsi que des politiques d’accueil défaillantes, tant en France que dans l’Union européenne. Face à cette situation et aux structures du débat public actuel, nous souhaitons rappeler que (1) les politiques anti-migratoires actuelles renvoient à un paradigme sécuritaire propre aux pays développés et historiquement récent, qui nie l’impératif de « sécurité humaine » reconnu par les institutions onusiennes et qui doit primer. En particulier, les conséquences de telles politiques, qui insécurisent les parcours migratoires, sont meurtrières, tel qu’illustré par les milliers de morts annuels en Méditerranée, et dramatiques pour les migrants « forcés », en situation de particulière vulnérabilité. À titre d’illustration, nous avons souhaité donner voix à trois témoignages recueillis par la voie associative. Ensuite, et pour sortir du paradigme sécuritaire européen, (2) cette note réaffirme les principes humanistes que nous estimons nécessaires pour guider les politiques publiques, et en particulier appréhender les migrations « forcées » et sécuriser les parcours migratoires. Sur cette base, nous présentons (3) plusieurs propositions qui nous paraissent répondre le plus urgemment à la nécessité de faciliter le transit et l’accueil en France et en Europe des migrants « forcés » nécessitant une protection. Notre proposition phare est à cet effet la création d’un « visa humanitaire » renouvelé et élargi, à l’échelle de l’Union européenne, qui permette de créer une voie sécurisée propre aux demandes de protection internationale, de soins médicaux, et aux autres situations d’urgence. En complément de celle-ci, nous proposons aussi que la Méditerranée soit reconnue comme espace humanitaire, d’améliorer la situation des demandeurs d’asile par l’accès sans délai à la possibilité de travailler, de développer des programmes de réinstallation, et de renforcer les mécanismes de redevabilité pour les États utilisant les fonds dédiés à la politique migratoire de l’Union européenne. L’Union européenne (UE) a adopté le 10 avril 2024 un nouveau Pacte européen sur les migrations et l’asile. Celui-ci prévoit notamment de renforcer la lutte contre l’immigration irrégulière, en prévoyant un « filtrage » des personnes demandeuses d’asile aux frontières de l’Union européenne. L’actuelle surenchère relative à la question migratoire en France et dans l’Union européenne ignore toutefois la réalité des flux migratoires internationaux, relativement faibles, et la nécessité de pouvoir accueillir en Europe les personnes nécessitant une protection internationale à l’instar de l’asile. En effet, les statistiques internationales nous rappellent l’ampleur limitée des migrations, et en particulier les migrations dites « forcées », qui ne concernent qu’à titre marginal la France et l’Union européenne. En effet, d’après le rapport sur l’état de la migration dans le monde présenté par l’Organisation internationale des migrations (OIM[1]), en 2022, 280 millions de personnes étaient migrantes sur la planète, soit 3,6 % de la population mondiale. En particulier parmi ces mouvements migratoires, une partie seulement concerne les migrations dites « forcées », celles-ci pouvant se produire à l’intérieur d’un même pays, soit des déplacements internes, ou en dehors des frontières nationales. Selon le Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR)[2], en 2022, 108 millions de personnes sont déplacées de force dans le monde – dont 40 % d’enfants – « en raison de persécutions, de conflits, de violences, de violations des droits de l’homme ou d’événements troublant gravement l’ordre public »[3]. Ce chiffre a augmenté de 21 % par rapport à 2021. Parmi ces migrations dites forcées, on dénombre 5,4 millions de demandeurs d’asile[4]. Ce même organisme estime également à 5,2 millions le nombre de personnes « ayant besoin d’une protection »[5]. Ainsi dans les faits, près de 10 millions de personnes nécessitent une protection, ce qui ne représente que 0,0133 % de la population mondiale. L’essentiel de ces demandes de protection se tourne vers les États-Unis d’Amérique (730 000), l’Allemagne (217 000), la France (137 000), le Costa Rica (130 000), l’Espagne et le Mexique (118 000 tous deux). Soulignons aussi que se trouvent parmi eux 51 000 enfants non accompagnés. Pour l’ensemble de l’UE, c’est 1,1 million de demandes d’asile[6], soit, si on met ce chiffre en regard de la population totale, 0,13 % de sa population. Ces chiffres restent donc dans des proportions démographiquement modestes. Pourtant les politiques migratoires restrictives mises en place en Europe ont pour effet de stigmatiser les personnes migrantes, occultant les causes qui « mettent en mouvement » celles et ceux qui n’ont d’autre choix que de quitter leurs territoires d’origine. Les États européens ont ainsi de facto délégué aux pays de la rive sud de la Méditerranée la responsabilité de contenir les personnes migrantes forcées à travers un certain nombre de pratiques, dont la plus répandue serait celle des « refoulements illégaux » ou « pushbacks ». Qualifié par les organisations non-gouvernementales (ONG) et autres défenseurs des droits humains de « sale boulot », ces pratiques dérivent en violences et violations systématiques des droits fondamentaux et de la dignité humaine. Les naufrages de bateaux transportant des personnes migrantes forcées aux portes de l’Europe en sont un terrible exemple. Face à cela, la grande famille européenne fait preuve de cécité humanitaire en n’ayant pas pour priorité de mettre fin à ces mises en danger et à ces situations dramatiques pour des milliers de personnes, en particulier en Méditerranée centrale. Un impératif : assurer la sécurité humaine Le Pacte européen adopté fixe le cadre de gestion en matière d’asile et de migrations. Ce pacte a pour ambition de réduire les migrations forcées vers l’Europe par le renforcement des contrôles aux frontières, et ce grâce à la collaboration des pays d’origine et de transit. Cette approche « sécuritaire » considère implicitement toute personne migrante comme une menace à la stabilité de l’Union européenne. Cette logique de l’« Europe forteresse » constitue le cœur des politiques migratoires européennes. Or, cela renvoie à une

Par Dontaine A.

31 mai 2024

Sortir du paradigme sécuritaire : garantir le droit d’asile en Europe

Résumé exécutif   Dans le contexte politique actuel, accentué par la campagne des élections européennes, les migrations en France et en Europe sont traitées majoritairement sous un prisme sécuritaire terriblement réducteur. Or, ces migrations comprennent en particulier un nombre important de migrations « forcées » de personnes venant solliciter une protection internationale en Europe. Alors que la norme devrait être un transit facilité, leur parcours migratoire s’amorce par des situations de détresse humanitaire dans les pays d’origine, auxquelles succèdent les risques dans les zones traversées, des frontières verrouillées ainsi que des politiques d’accueil défaillantes, tant en France que dans l’Union européenne. Face à cette situation et aux structures du débat public actuel, nous souhaitons rappeler que (1) les politiques anti-migratoires actuelles renvoient à un paradigme sécuritaire propre aux pays développés et historiquement récent, qui nie l’impératif de « sécurité humaine » reconnu par les institutions onusiennes et qui doit primer. En particulier, les conséquences de telles politiques, qui insécurisent les parcours migratoires, sont meurtrières, tel qu’illustré par les milliers de morts annuels en Méditerranée, et dramatiques pour les migrants « forcés », en situation de particulière vulnérabilité. À titre d’illustration, nous avons souhaité donner voix à trois témoignages recueillis par la voie associative. Ensuite, et pour sortir du paradigme sécuritaire européen, (2) cette note réaffirme les principes humanistes que nous estimons nécessaires pour guider les politiques publiques, et en particulier appréhender les migrations « forcées » et sécuriser les parcours migratoires. Sur cette base, nous présentons (3) plusieurs propositions qui nous paraissent répondre le plus urgemment à la nécessité de faciliter le transit et l’accueil en France et en Europe des migrants « forcés » nécessitant une protection. Notre proposition phare est à cet effet la création d’un « visa humanitaire » renouvelé et élargi, à l’échelle de l’Union européenne, qui permette de créer une voie sécurisée propre aux demandes de protection internationale, de soins médicaux, et aux autres situations d’urgence. En complément de celle-ci, nous proposons aussi que la Méditerranée soit reconnue comme espace humanitaire, d’améliorer la situation des demandeurs d’asile par l’accès sans délai à la possibilité de travailler, de développer des programmes de réinstallation, et de renforcer les mécanismes de redevabilité pour les États utilisant les fonds dédiés à la politique migratoire de l’Union européenne. L’Union européenne (UE) a adopté le 10 avril 2024 un nouveau Pacte européen sur les migrations et l’asile. Celui-ci prévoit notamment de renforcer la lutte contre l’immigration irrégulière, en prévoyant un « filtrage » des personnes demandeuses d’asile aux frontières de l’Union européenne. L’actuelle surenchère relative à la question migratoire en France et dans l’Union européenne ignore toutefois la réalité des flux migratoires internationaux, relativement faibles, et la nécessité de pouvoir accueillir en Europe les personnes nécessitant une protection internationale à l’instar de l’asile. En effet, les statistiques internationales nous rappellent l’ampleur limitée des migrations, et en particulier les migrations dites « forcées », qui ne concernent qu’à titre marginal la France et l’Union européenne. En effet, d’après le rapport sur l’état de la migration dans le monde présenté par l’Organisation internationale des migrations (OIM[1]), en 2022, 280 millions de personnes étaient migrantes sur la planète, soit 3,6 % de la population mondiale. En particulier parmi ces mouvements migratoires, une partie seulement concerne les migrations dites « forcées », celles-ci pouvant se produire à l’intérieur d’un même pays, soit des déplacements internes, ou en dehors des frontières nationales. Selon le Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR)[2], en 2022, 108 millions de personnes sont déplacées de force dans le monde – dont 40 % d’enfants – « en raison de persécutions, de conflits, de violences, de violations des droits de l’homme ou d’événements troublant gravement l’ordre public »[3]. Ce chiffre a augmenté de 21 % par rapport à 2021. Parmi ces migrations dites forcées, on dénombre 5,4 millions de demandeurs d’asile[4]. Ce même organisme estime également à 5,2 millions le nombre de personnes « ayant besoin d’une protection »[5]. Ainsi dans les faits, près de 10 millions de personnes nécessitent une protection, ce qui ne représente que 0,0133 % de la population mondiale. L’essentiel de ces demandes de protection se tourne vers les États-Unis d’Amérique (730 000), l’Allemagne (217 000), la France (137 000), le Costa Rica (130 000), l’Espagne et le Mexique (118 000 tous deux). Soulignons aussi que se trouvent parmi eux 51 000 enfants non accompagnés. Pour l’ensemble de l’UE, c’est 1,1 million de demandes d’asile[6], soit, si on met ce chiffre en regard de la population totale, 0,13 % de sa population. Ces chiffres restent donc dans des proportions démographiquement modestes. Pourtant les politiques migratoires restrictives mises en place en Europe ont pour effet de stigmatiser les personnes migrantes, occultant les causes qui « mettent en mouvement » celles et ceux qui n’ont d’autre choix que de quitter leurs territoires d’origine. Les États européens ont ainsi de facto délégué aux pays de la rive sud de la Méditerranée la responsabilité de contenir les personnes migrantes forcées à travers un certain nombre de pratiques, dont la plus répandue serait celle des « refoulements illégaux » ou « pushbacks ». Qualifié par les organisations non-gouvernementales (ONG) et autres défenseurs des droits humains de « sale boulot », ces pratiques dérivent en violences et violations systématiques des droits fondamentaux et de la dignité humaine. Les naufrages de bateaux transportant des personnes migrantes forcées aux portes de l’Europe en sont un terrible exemple. Face à cela, la grande famille européenne fait preuve de cécité humanitaire en n’ayant pas pour priorité de mettre fin à ces mises en danger et à ces situations dramatiques pour des milliers de personnes, en particulier en Méditerranée centrale. Un impératif : assurer la sécurité humaine Le Pacte européen adopté fixe le cadre de gestion en matière d’asile et de migrations. Ce pacte a pour ambition de réduire les migrations forcées vers l’Europe par le renforcement des contrôles aux frontières, et ce grâce à la collaboration des pays d’origine et de transit. Cette approche « sécuritaire » considère implicitement toute personne migrante comme une menace à la stabilité de l’Union européenne. Cette logique de l’« Europe forteresse » constitue le cœur des politiques migratoires européennes. Or, cela renvoie à une

Par Dontaine A.

31 mai 2024

Travaux externes

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