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Institutionnalisons la sobriété hydrique en France !

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Institutionnalisons la sobriété hydrique en France !

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Sommaire

    Auteurs
    Ilian Moundib

    Ilian Moundib

    Ilian Moundib est ingénieur spécialiste des questions de résilience climatique. Diplômé de l’Ecole Centrale de Lyon et titulaire d’un master de science physique de l’Imperial College de Londres. Il est consultant, conférencier et formateur indépendant sur les questions d’adaptation aux risques climatiques. Il accompagne de grands acteurs publics comme privés sur ces sujets cruciaux. Membre du conseil scientifique de l’Institut Rousseau, il a publié trois notes à destination des pouvoirs publics français portant sur l’institutionnalisation de la sobriété hydrique, l’adaptation de la France au changement climatique et le déploiement de la sobriété numérique. Ilian est l’auteur d’une formation en ligne de 10h dispensée sur la plateforme Sator.fr intitulée «Construire l'adaptation climatique - Les enjeux et méthodes de l’adaptation du territoire au changement climatique » . Cette masterclass transmet de manière inédite les notions et les outils d'une adaptation efficace au changement climatique sur nos territoires de France. Villes, agriculture, infrastructures, industrie, énergie, littoraux, forêts, montagnes… Le cours parcourt les méthodes comme les opportunités qui permettront de construire ensemble la véritable résilience à toutes les échelles. Ilian est régulièrement sollicité pour dispenser des conférences grand public, comme à l’Ecole Centrale de Lyon, à l’Académie du climat ou à Produrable ainsi que des formations et ateliers collaboratifs dans un cadre professionnel. En tant que consultant indépendant sur la question de l’adaptation au changement climatique et de la résilience des organisations : il intervient régulièrement dans la réalisation d’étude de risques climatiques physiques et de risques de transition dans le but de diagnostiquer l’exposition et la vulnérabilité de tous types d’acteurs. Habitué à l’usage des modèles climatiques et des cadres réglementaires RSE comme la CSRD, il utilise cette phase de cartographie et d’analyse par scénario pour proposer une quantification des pertes potentielles (coût de l’inaction) et la mise en place de plans de résilience visant à réduire la vulnérabilité de l’acteur en question. La connaissance des sujets liés à l’eau, la biodiversité, les ressources fossiles et métalliques permet de donner un caractère complet et systémique à ses analyses de résilience. Ensuite, il s’est spécialisé sur la question de l’empreinte climatique du numérique et de la mise en application de la sobriété carbone du secteur. Il a ainsi pu mettre sur pied l’un premier modèle d’évaluation de l’impact climatique lié aux différentes étapes du transfert de l’information pour le compte de la société EcoAct pour laquelle il a travaillé 4 ans. Il a également eu l’occasion de publier de nombreuses notes sur le sujet dont une pour l’Institut Rousseau. Finalement, il possède aussi une solide expérience des diagnostics d’émissions des gaz à effet de serre des organisations (Bilan Carbone® et GHG Protocol) ainsi que dans l’établissement de trajectoire de réduction compatible avec les budgets carbone du GIEC. Il se trouve également être formateur pour La Fresque de Climat, et des Ateliers de l’adaptation au changement climatique (AdACC), ateliers de sensibilisation qu’il anime régulièrement.

    Institutionnalisons la sobriété hydrique en France !Seconde partie

    Auteurs

    Cette note proposée par l’Institut Rousseau et le collectif Pour un Réveil Écologique sur l’Institutionnalisation de la sobriété hydrique en France sera publiée en quatre parties.

    Partie 2 : Réhydrater les sols, régénérer le cycle de l’eau

    Ceci est la deuxième partie de la note proposée par l’Institut Rousseau et le collectif Pour un Réveil Écologique sur l’Institutionnalisation de la sobriété hydrique en France.

         I.         Sécheresse anthropique et santé des sols, une menace grave pour l’agriculture française

    1.    Irrigation et utilisation de l’eau en agriculture

    L’organisation des sociétés actuelles s’appuie sur le triptyque eau, énergie et agriculture. En France, cette dernière est le premier poste de consommation d’eau douce avec 58 % du total : elle est destinée aux deux tiers à l’irrigation des cultures. L’irrigation est au centre des usages agricoles de l’eau : en 2020, 6,8 % des surfaces agricoles ont été irriguées, soit plus de 1,8 million d’hectares [1]. L’irrigation des grandes cultures céréalières concentre la moitié des volumes prélevés et parmi elles le maïs est la culture qui occupe, à la fois, le plus de surfaces irriguées, mais aussi celle qui consomme le plus d’eau par hectare avec un besoin centré sur la période estivale [2]. Ainsi, la culture du maïs grain représente 8,5 % des surfaces agricoles, mais occupe entre le tiers des surfaces irriguées, avec un besoin centré sur la saison où se concentrent les épisodes de sécheresse. Trois régions concentrent 70 % de la surface irriguée. En Nouvelle-Aquitaine, dans le Centre-Val de Loire et en Occitanie, les prélèvements majoritairement issus des nappes servent à l’irrigation des cultures de maïs grain et de semences. La Provence-Alpes-Côte d’Azur concentre le reste des besoins pour l’irrigation de céréales, de fruits, de légumes et parfois de vigne. La région tire profit de l’irrigation gravitaire des eaux du Canal de Provence rendue possible par la topographie et surtout les différents aménagements du Rhône.

    Figure 12 : [Gauche] Prélèvements d’eau douce pour l’agriculture par sous-bassin hydrographique, en 2019 [3] [Droite] Répartition des surfaces irriguées par types de cultures en 2016. Les maïs grain, semence et fourrage concentrent la moitié des surfaces irriguées. La catégorie « Autres » recouvre en particulier l’arboriculture. [4]

    2.    La France, une grande puissance céréalière

    La France produit via des modes de culture très gourmands en eau environ 70 millions de tonnes de céréales chaque année. Sur ce total, seulement 5 millions sont destinés à l’alimentation humaine. Cette production céréalière est dirigée pour moitié vers les cheptels français et pour moitié vers l’exportation. En 2022, la France a exporté pour 10 milliards d’euros de céréales, deuxième poste de recette dans la balance commerciale après les vins et spiritueux [5]. À la faveur de prix plus élevés et d’exportations de céréales plus importantes, celle-ci a permis une amélioration nette de la balance commerciale agricole. De fait, malgré un cheptel stable sur son sol, la France participe largement à l’augmentation de la consommation de viande partout dans le monde.

    Figure 13 : Production de céréales en France [6]

    En effet, cette prépondérance de la production de céréales dans l’agriculture française suit une tendance mondiale profondément liée à l’augmentation de la demande en céréales : d’après la FAO, en 60 ans, les productions mondiales de maïs et de blé ont été multipliées respectivement par 5,6 et 3,4 [7].

    Figure 14 : Production mondiale de céréales totales [8]

    Sur cette même période, les cheptels bovins, ovins, porcins et caprins ont presque doublé et le nombre de volailles a été multiplié par huit ! La croissance démographique seule n’est pas en mesure d’expliquer cette hausse spectaculaire, la hausse de la consommation de viande par habitant est bien visible en comparant ces deux tendances. Celle-ci a doublé entre 1960 et 2020 passant de 20 kg par personne et par an à 40 kg par personne et par an.

     

    Figure 15 : Quantité de viande totale produite au niveau mondiale[9]

    En France, les chiffres sont un peu différents, la production de viandes représentait 4 millions de tonnes en 1960 pour atteindre un maximum autour de 7 millions de tonnes dans les années 2000 avant de décroître lentement à 6 millions de tonnes aujourd’hui. De fait, en 1960, un Français mangeait en moyenne 50 kg de viandes par an, en 2000 ce chiffre plafonnait à plus de 90 kg et on l’évalue classiquement aujourd’hui autour de 80 kg par personne et par an.

    Figure 16 : Cheptel France et quantité de viande totale produite  [10]

    3.    Une exposition climatique croissante et des pratiques agricoles sources de vulnérabilité

    Comme évoqué plus haut, la sécheresse des sols s’accentue significativement et vient remettre en cause la pérennité du paradigme actuel. Le consortium World-Weather-Attribution estime que la sécheresse agricole de 2022 a été rendue cinq à six fois plus probable avec le changement climatique, et la sécheresse hydrologique trois à quatre fois plus probable [11] . Par conséquent, la conjugaison d’une hausse des besoins pour l’irrigation et de l’assèchement des sols provoqués par l’évapotranspiration et la pression croissante sur les masses d’eau va irrémédiablement entraîner la généralisation des conflits d’usages impliquant le monde agricole.

    Le stress hydrique augmente dans les grandes régions productrices de céréales. Celles-ci observent déjà une diminution des ressources en eau souterraine disponibles aussi bien en été qu’en hiver. De même, le débit des fleuves diminue progressivement mettant en danger les modes d’irrigation qui en dépendent.

    Les effets déjà constatés sont renforcés par les modes de culture agro-industriels. La biodiversité souterraine est au cœur de la fertilité des sols. Elle y assure des fonctions primordiales comme la décomposition de matière organique et donc la libération de nutriments, ou encore l’infiltration et la rétention de l’eau captée dans les racines des végétaux. On estime par exemple que 1 % de matière organique en plus par hectare, c’est 250 m3 d’eau en plus absorbés par les sols [12] .

    Cette biodiversité des sols comme celle des champs est en recul du fait du fort recours aux pesticides, au tassement du sol initié par la mécanisation, la perturbation du cycle des nutriments et par l’utilisation excessive d’engrais[13]. La dégradation de la qualité des sols va donc renforcer la dépendance de la plupart des cultures à l’irrigation. La France est, d’ailleurs, l’un des plus grands consommateurs de pesticides et d’engrais en Europe. Selon la FAO, la France a utilisé environ 110 000 tonnes de pesticides et 18 millions de tonnes d’engrais en 2020 [14].

    4.    Une réponse par l’accaparement : le cas des mégabassines

    Les grands céréaliers souffrent donc aussi des effets du changement climatique. Or, la stratégie d’adaptation d’une partie de ces acteurs s’assimile à un accaparement pur et simple des masses d’eau souterraine. Pour cela, des réservoirs géants connectés directement aux nappes phréatiques par une pompe sont mis en chantier. Afin d’empêcher l’eau de s’infiltrer dans le sol, on plastifie le fond de ces installations. Ce sont les fameuses mégabassines : l’eau pompée en hiver est réservée pour l’irrigation estivale des cultures céréalières. En France, on estime qu’il existe environ 200 mégabassines en fonctionnement ou en projet, principalement dans les régions Nouvelle-Aquitaine et Auvergne-Rhône-Alpes [15]. Ces réservoirs géants peuvent couvrir jusqu’à 18 hectares chacun et contenir jusqu’à 650 000 m3 d’eau [16]. Le coût moyen d’une mégabassine est d’environ 1 million d’euros, dont 70 % sont financés par des fonds publics [17].

    Ces mégabassines sont nées d’un compromis entre grands acteurs agricoles et préfectures. Par exemple, dans le marais de Poitevin, l’abondance de la ressource en eau permettait à chaque acteur de largement pomper dans les nappes phréatiques pour irriguer leurs cultures. Mais depuis récemment, la tension estivale croissante sur la disponibilité de la ressource ainsi que l’augmentation de la concentration de produits phytosanitaires ont totalement changé la donne. C’est dans ce contexte que le protocole des Deux Sèvres est signé en décembre 2018. Le but : concéder des bassines de surface financées sur fonds publics à des coopératives céréalières, en échange d’un changement de modèle agricole. Sont mis dans la balance la diminution de la culture de maïs, l’arrêt des pompages sauvages en été ou encore la diminution de l’utilisation de phytosanitaires. Malheureusement, ces promesses peinent à se concrétiser tandis que ses grandes installations permettent de facto d’accaparer la ressource au détriment des écosystèmes et des plus petits agriculteurs, eux toujours soumis aux restrictions de prélèvement.

    Pour beaucoup, ces installations sont le symptôme de la fuite en avant d’un modèle dépassé d’agriculture intensive durement frappé par les conséquences du changement climatique et de sa surexploitation des sols. Le recours à une mégabassine revient à privatiser la ressource en eau au détriment de la majorité des agriculteurs, qui sont obligés de réduire leurs prélèvements de 70 % par rapport à la normale lors des arrêtés préfectoraux devenus récurrents en été. Elles engendrent des pertes conséquentes par évaporation, proportionnelles à la surface de la bassine, ce qui limite l’eau disponible pour le milieu naturel. Elles dégradent aussi la qualité de l’eau qu’elles stockent, en favorisant le développement de micro-organismes et d’algues à la surface, ce qui réduit sa potabilité et sa diversité d’usages. Un moratoire sur le développement de ces installations est indispensable pour organiser un autre partage de l’eau.

    Beaucoup affirment qu’il est nécessaire de stocker de l’eau pour faire face à l’aggravation des pénuries. Le problème de ce genre de solution c’est qu’elle appauvrisse le cycle de l’eau et contribue finalement à l’accélérer. Les vraies solutions « de stockage » de l’eau à déployer sont, donc, celles liées au paradigme de l’hydrologie régénérative qui vise comme son nom l’indique à régénérer le cycle de l’eau et que nous verrons un peu plus loin.

    Proposition #04 : Déployer un moratoire sur la construction de bassines de rétention

    Mettre en pause la construction de bassines de rétention d’eau destinées à l’irrigation, et interdire toute nouvelle création de bassines reposant sur le prélèvement d’eau des nappes phréatiques.

    Le moratoire s’appliquera à tous les projets de création ou d’extension de retenues de substitution ou de mégabassines, qu’ils soient portés par des collectivités, des syndicats d’irriguant, des chambres d’agriculture ou des exploitants agricoles individuels.

    5.    Agriculture et pression qualitative sur la ressource : rejets et polluants

    Plus largement, le modèle agricole pose aussi la question de la pollution des eaux. On distingue quatre types de pollutions selon leur origine et leur nature : les pollutions organiques, les pollutions chimiques, les pollutions émergentes et les pollutions diffuses.

    Dans le cas de l’agriculture, la présence de polluants chimiques dans l’eau provient généralement de l’utilisation d’engrais minéraux (nitrates, phosphates) ou de produits phytosanitaires (pesticides, herbicides et fongicides). On retrouve également dans cette large catégorie : les plastiques, les métaux lourds, les produits ménagers ou les composés industriels comme les PFAS abordés dans une partie dédiée. Dégradation des milieux, toxicité, perturbateurs endocriniens, on estime qu’en France 31 % des eaux souterraines sont contaminées par des résidus de pesticides ². En 2021, environ 12 millions de Français ont été concernés par des dépassements des seuils autorisés de pesticide dans l’eau potable [18].

    Figure 18 : [Droite] Carte Adonis d’utilisation des pesticides en France [19] [Gauche] Évolution des ventes de pesticide en France [20]

    Les pollutions organiques sont causées par l’excès de matières organiques (animales ou végétales) dans l’eau. Les polluants peuvent provenir de l’épandage d’effluents d’élevage sur les champs (fumier ou lisier) ou de la décomposition des résidus de culture transportés par le ruissellement des eaux de pluie jusqu’au cours d’eau. Dans l’eau, ces polluants, souvent coupés à des excès d’azote et de phosphates issus des engrais, vont provoquer une consommation excessive d’oxygène par les micro-organismes qui les dégradent : c’est l’eutrophisation des eaux. Dans les cas les plus graves, cela provoque l’asphyxie des milieux aquatiques comme en témoigne la prolifération d’algues vertes sur certaines côtes bretonnes. Plus généralement en France, la pollution au nitrate s’est étendue sur 37 % des masses d’eau souterraine entre 1996 et 2018 tandis que sa proportion dans les eaux de surfaces est restée stable. [21]

    Les polluants émergents sont des substances chimiques qui ne sont pas encore réglementées ou surveillées, mais qui présentent un risque jugé de plus en plus sérieux. Parmi les polluants émergents liés à l’agriculture, on peut citer les résidus de médicaments vétérinaires (antibiotiques, hormones, etc.), les perturbateurs endocriniens (bisphénol A, phtalates, etc.), les nanomatériaux (nanoparticules d’argent, de cuivre, etc.), les microplastiques (issus de l’usure des pneus des tracteurs, des bâches agricoles, etc.) ou les fameux PFAS, polluants éternels, qui seront abordés dans la partie dédiée à l’industrie.

    Les polluants diffus, enfin, ne proviennent pas d’une source ponctuelle identifiable, mais d’une multitude de sources dispersées. Elles sont souvent liées aux activités agricoles, qui utilisent et rejettent des substances potentiellement polluantes (nitrates, pesticides, matières organiques, etc.) sur de vastes surfaces. Ces substances peuvent être transportées par les eaux de ruissellement, les eaux d’infiltration ou les vents vers les milieux récepteurs (rivières, lacs, nappes phréatiques, atmosphère, etc.). Le glyphosate fait partie de cette catégorie : on considère que trois rivières françaises sur quatre contiennent du glyphosate ou l’un de ces dérivés [22].

    La meilleure stratégie pour éviter les pollutions consiste à agir sur les sources en en interdisant purement et simplement l’utilisation de certaines substances. C’est ce qui aurait dû par exemple être fait pour le glyphosate, cancérigène, et perturbateur endocrinien probable et pourtant renouvelé pour 10 ans par l’Union européenne en novembre 2023 [23]. Le principe de précaution doit devenir la nouvelle norme dans la lutte contre les polluants. Il est nécessaire d’inverser la charge de la preuve : pour interdire une substance, il ne doit plus y avoir un consensus scientifique sur sa dangerosité, mais au contraire un consensus scientifique sur sa non-dangerosité. Pour le glyphosate par exemple, il n’existe aucun consensus sur sa non-dangerosité : il aurait donc fallu organiser son interdiction rapide au moins jusqu’à l’établissement des résultats scientifiques clairs sur le caractère non nocif du produit. Cela ne doit plus être à la société civile de prouver qu’un produit est dangereux, mais au contraire à l’industrielle de fournir les preuves de la non-nocivité du produit. Si un doute fort persiste, le principe de précaution doit s’appliquer.

    Proposition #05 : Appliquer le principe de précaution dans l’interdiction des substances nocives

    Appliquer strictement le principe de précaution lorsqu’une substance chimique utilisée dans l’agriculture semble avoir des conséquences sanitaires graves. Il est alors nécessaire de l’interdire rapidement jusqu’à ce qu’un consensus scientifique soit établi dans le sens de la non-dangerosité de la substance.

    Inverser en particulier la charge de la preuve si des études suggèrent une dangerosité du produit, il revient à l’industriel de répliquer l’expérience réalisée et de prouver la non-véracité des résultats scientifiques obtenus dans l’étude.

    Renforcer les normes environnementales et sanitaires applicables aux activités agricoles, notamment en matière de gestion des effluents d’élevage, de protection des zones humides, de respect des périmètres de protection des captages d’eau potable, de limitation des rejets de nitrates et de phosphates dans les cours d’eau.

    Renforcer les moyens de la police de l’eau comme ces prérogatives. Mettre en place un système de contrôle et de sanction efficace pour faire respecter ces normes, en renforçant les moyens humains et matériels des services de l’État chargés de l’inspection et du contrôle environnemental.

    Ensuite, il va falloir organiser une trajectoire de sortie claire des pesticides et des engrais autant pour des enjeux sanitaires que pour des raisons de régénération des écosystèmes régulateurs du cycle de l’eau. Le collectif les Greniers de l’abondance propose de se fixer l’objectif d’une division par trois de l’utilisation de pesticides et de diminuer de 60 % celle d’engrais azotés à l’horizon 2050. Il semble important d’initier une trajectoire d’augmentation progressive de la taxation tout en massifiant le déploiement des alternatives. La question des pollutions diffuses et émergentes ainsi que celle des pollutions non agricoles seront traitées plus loin dans la note dans la partie industrie.

    Proposition #06 : Définir une trajectoire de taxation progressive des pesticides et engrais

    Définir une trajectoire d’augmentation progressive de la taxation à l’achat de pesticides et d’engrais chimiques afin d’offrir de la visibilité aux agriculteurs et leur permettre d’organiser la réduction progressive de leur transition vers des alternatives biologiques ou agroécologiques.

    Utiliser les recettes récolter pour financer un fonds de soutien à la transition agroécologique qui permettrait d’accompagner les agriculteurs dans le changement de leurs pratiques, de leur fournir des formations, des conseils et des aides financières.

    Développer la recherche publique et l’innovation dans le domaine de l’agroécologie, afin de produire des connaissances scientifiques et techniques utiles aux agriculteurs pour réduire leur impact sur l’eau et les écosystèmes aquatiques.

    6.    L’enjeu des modes de culture : sortir de l’agro-industrie pour généraliser l’agroécologie

    Face à la contrainte hydroclimatique, les pratiques d’agroécologie et d’agroforesterie doivent se généraliser rapidement pour remplacer un modèle agro-industriel à bout de souffle. La clé d’un développement résilient repose sur la diversification des productions, une limitation des facteurs de stress non climatiques et une irrigation plus efficace des sols. L’épandage de pesticides et d’engrais qui dégradent la qualité des masses d’eau doit être largement limité tandis que les techniques de labour des sols doivent se transformer pour régénérer l’infiltration des eaux[24].

    Pour compenser la diminution de l’utilisation d’engrais et de pesticide, le passage à un mode d’agriculture écologiquement intensive est nécessaire. Ce concept consiste à diversifier massivement les espèces cultivées et les pratiques d’enrichissement des sols[25].

    L’enrichissement des sols en nutriment est largement possible via l’implantation de schémas de rotations plus complexes. Les rotations de culture consistent à alterner différents types de plantes sur une même parcelle au fil des saisons ou des années. L’introduction de cultures intercalaires permet d’éviter l’épuisement des nutriments du sol, qui peut se produire dans le cas de monoculture. En effet, chaque plante a des besoins nutritionnels spécifiques et prélève certains minéraux dans le sol. En changeant de culture, on évite de créer des carences ou des excès qui peuvent nuire au rendement et à la qualité des récoltes. Par exemple, les légumineuses (pois, lentilles, luzerne…) ont la capacité de fixer l’azote de l’air grâce à des bactéries symbiotiques présentes dans leurs racines. En les associant ou en les faisant succéder à des céréales (blé, maïs, orge…), on enrichit le sol [26]. Aussi, les rotations de culture et laisser les parcelles en jachère améliorent le sol dans sa structure et sa texture en enrichissant l’activité des micro-organismes qui le composent. Parmi eux, les mycorhizes sont des champignons qui forment une symbiose avec les racines des plantes. Ils augmentent la surface d’absorption des nutriments et de l’eau par les plantes, et fournissent du carbone aux autres microbes du sol [27].

    De même, des pratiques d’élevage du bétail peuvent rendre l’agriculture française plus résiliente au changement climatique : l’idée est de combiner le plus efficacement possible l’élevage avec la production de cultures pour aller vers une agriculture intégrée moins gourmande en intrants et en machines[28]. La polyculture-élevage permet d’accélérer les échanges de matière organique entre végétaux et animaux. Par exemple, les cultures peuvent fournir de l’alimentation aux animaux, sous forme de fourrages, de céréales ou de protéagineux. Les animaux peuvent restituer de la matière organique aux sols, sous forme de fumier ou de lisier, ce qui améliore sa fertilité. Les animaux contribuent également au désherbage, au décompactage et à l’aération du sol, en pâturant ou en labourant favorisant également l’infiltration de l’eau.

    Aussi, la généralisation d’un climat méditerranéen sur la moitié sud de l’Hexagone favorisera la migration d’organismes pathogènes ou ravageurs bouleversant en profondeur les écosystèmes et les cultures. La faible diversité génétique des plantations participe à la forte vulnérabilité du système agricole à un climat plus sec. En effet, les agrosystèmes homogènes, dont l’objectif est d’assurer le maximum de rendements, favorisent la prolifération et la propagation des pathogènes, ravageurs et des espèces envahissantes. La diversification génétique des cultures est donc également au cœur de la résilience de l’agroécologie.

    Enfin, les pratiques d’agroforesterie, c’est-à-dire le mélange d’arbres et de cultures, peuvent réduire les stress hydriques et thermiques tout en renforçant la séquestration de carbone dans les sols. Il est, par exemple, essentiel de remettre des haies dans l’agriculture. Pourtant, depuis 1950, ce sont 70 % d’entre elles qui ont été effacées des bocages français [29]. Vieillissement, mauvais entretien, arrachage, les haies, au même titre que les zones humides d’ailleurs, représentaient souvent un obstacle pour le passage des engins et une charge pour les agriculteurs. Pourtant, elles possèdent de nombreux avantages en protégeant les élevages et les cultures de la chaleur et du vent. Elles permettent également d’assurer la continuité écologique entre les milieux qui stockent du carbone et de l’eau, diminuent l’effet des petites crues, luttent contre l’érosion des sols et filtrent les polluants.

    Proposition #07 : Utiliser le renouvellement de génération pour proposer un nouveau pacte agricole au service de l’agroécologie

    Faire du renouvellement des générations d’agriculteurs une opportunité pour généraliser massivement les pratiques d’agroécologie et d’hydrologie régénérative. Constituer un nouveau pacte agricole en planifiant la formation et l’intégration de la nouvelle génération, plus nombreuse et mieux rémunérée, en anticipant au mieux les départs et les reprises d’exploitation.

    Adjoindre à ce pacte des objectifs de déploiement des solutions d’hydrologie régénérative, de diversification des productions, de réduction de l’utilisation des engrais et des pesticides, de protection des sols, mais aussi de réduction progressive de la taille du cheptel bovin par la diminution des modes d’élevage intensif.

    Faciliter l’installation de projets d’agroécologie par le renforcement des aides, mais aussi par l’acquisition publique de foncier pour les mettre à disposition des producteurs qui respectent un cahier des charges compatible avec une agriculture écologiquement intensive.

    Généraliser l’outil de la commande publique (pour les cantines ou la restauration collective) et renforcer les rémunérations liées aux services environnementaux rendus par les agriculteurs afin d’offrir un débouché de production stable et équitable aux agriculteurs et solvabiliser les pratiques vertueuses.

    7.    L’enjeu de l’espace : substituer le maïs, réguler la production et la consommation de protéines bovines

    Aujourd’hui, la production de denrées à destination des animaux d’élevage mobilise 85 % des surfaces agricoles[30]. On estime également que la moitié de ces surfaces correspondent à des terres arables et à des cultures pouvant satisfaire l’alimentation humaine. De plus, cette même production pour le bétail est à l’origine d’une consommation en eau considérable, premier poste agricole[31] notamment du fait de la culture de maïs grains destinés aux deux tiers à l’alimentation de volaille et de porc. Le maïs grain nécessite environ 450 L d’eau pour produire un kilogramme, selon la variété et la durée de la culture et présente un rendement de 9 à 10 tonnes par hectare [32].

    Il est donc nécessaire de réduire l’assolement de maïs en y substituant d’autres cultures et plus résistantes aux conditions estivales sèches. L’un des premiers candidats est le Sorgho, une céréale originaire d’Afrique, qui présente une bonne tolérance à la sécheresse et à la chaleur. Il a des besoins en eau similaires à ceux du blé. Il peut être utilisé pour l’alimentation animale, mais aussi pour la production d’éthanol ou de biogaz. Il offre un rendement moyen de 6 tonnes par hectare, soit légèrement inférieur à celui du maïs [33], mais avec un coût de production plus faible. Le millet asiatique résiste également bien à des conditions climatiques difficiles avec des besoins en eau plus faibles que le maïs, il offre cependant un rendement plus faible également entre 1 et 2 tonnes par hectare [34]. Enfin le soja par sa capacité de fixer l’azote de l’air grâce à des bactéries symbiotiques présentes dans ses racines, peut parfois être un bon substitut. Il peut être utilisé pour l’alimentation humaine ou animale, mais aussi pour la production d’huile ou de protéines végétales. Il offre un rendement moyen de 3 tonnes par hectare [35].

    Toutes ces alternatives ont la caractéristique d’avoir un rendement inférieur à celui du maïs. Aussi, le système agricole devra vraisemblablement faire face à une diminution des rendements agricoles pour un certain nombre de variétés du fait de la généralisation de la sécheresse, des ravageurs et de la modification des conditions agroclimatique. Le scénario Afterres2050 du cabinet Solagro anticipe par exemple une diminution du rendement de la production du blé tendre de 7,1 à 5,2 tonnes par hectare[36] à horizon 2050 par rapport à 2010. À noter que dans le cadre d’un scénario d’inaction des pouvoirs publics, les rendements diminueront de façon d’autant plus dramatique que le réchauffement sera important : celui-ci entraînerait une baisse de rendement moyen de 6 % pour le blé, de 3,2 % pour le riz et de 7,4 % pour le maïs par degré de réchauffement, sans compter les impacts sur l’effondrement de la biodiversité ou de la salinisation des aquifères [37].

    Ainsi, afin de produire à « surface agricole » constante et de basculer sur des productions moins gourmandes en eau, la réduction des productions animales et en particulier des cheptels bovins apparaît comme un axe incontournable de la résilience agricole.

    Figure 11 : Évolution du régime alimentaire français moyen (hors alcool et boisson) et de la surface agricole nécessaire dans le scénario Afterres2050[38].

    Dans un contexte de contrainte forte sur la ressource en eau et de diminution des rendements, le cabinet Solagro propose de fixer un objectif de diminution de 50 % de la production de protéines carnées d’ici à 2050, ce qui libérerait près du tiers des espaces cultivables. Cette trajectoire de décroissance de la consommation de viande ne pourra se faire sans l’accompagnement des agriculteurs français vers un modèle plus diversifié de polycultures-élevages. Pour cela, il est nécessaire de remettre d’abord en cause l’importation de viandes bovines permises par les accords de libre-échange qui viennent faire concurrence à la production bovine française. Celles-ci représentent d’ailleurs la majorité de nos importations d’eau virtuelle consommée ailleurs dans le monde, qui participent tout autant à la dérégulation du cycle de l’eau. De même, les exportations de viande ou de maïs doivent être repensées et notre modèle agricole redirigé vers un objectif de souveraineté alimentaire.

    Proposition #08: Planifier la décroissance de l’assolement de maïs grain et de la production de viandes bovines

    Planifier et organiser la réduction de l’assolement de maïs, au profit d’autres cultures peu consommatrices en eau en saison sèche, et directement utilisable pour l’alimentation humaine : blé, sarrasin, millet, sorgho….

    Protéger les éleveurs français par la suspension des importations de viandes rouges de mauvaise qualité permises par la ratification d’un certain nombre d’accords de libre-échange (CETA, TAFTA et autres …).

    Contractualiser avec les éleveurs et les coopératives pour leur garantir une rémunération plus équitable en échange d’une évolution des pratiques vers des modèles de polyculture-élevage et de l’orientation de leur production vers le marché français.

    Dans la restauration collective gérée par les pouvoirs publics, mettre à disposition une alternative végétarienne à chaque repas et instaurer à minima deux repas végétariens par semaine. Limiter à une fois par mois les plats au bœuf. Imposer ces deux mesures dans la restauration collective privée. 

    Travailler avec les restaurateurs, les commerces locaux et la grande distribution pour mettre en avant des protéines végétales et promouvoir des alternatives végétales à la viande de bœuf.

       II.         Régénérer le cycle de l’eau : déployer une hydrologie régénérative

    1.    Les principes de l’hydrologie régénérative : ralentir, répartir, infiltrer

    Les phénomènes de sécheresse et d’inondation ne sont que les deux faces d’une même pièce. Ils sont tous deux les conséquences d’une dégradation de la qualité de nos sols de moins en moins en mesure d’infiltrer et de retenir suffisamment d’eau. Le changement climatique, en augmentant la fréquence et l’intensité des sécheresses météorologiques et des précipitations extrêmes, met à nu la mort lente des écosystèmes régulateurs du cycle de l’eau. Ainsi, il est nécessaire de déployer une réponse systémique pour réinfiltrer durablement l’eau dans les sols : c’est l’objectif de l’hydrologie régénérative.

    L’hydrologie régénérative est une approche qui vise à restaurer le cycle de l’eau douce par l’aménagement du territoire et des agroécosystèmes. La discipline vise à « Ralentir, répartir, infiltrer et stocker toutes les eaux de pluie et de ruissellement » [39]. L’idée est d’aménager la parcelle agricole ou l’espace urbain de sorte que l’eau s’y écoule lentement, se répartisse le plus largement possible sur les sols pour s’y infiltrer et recharger durablement les nappes. Elle recourt largement aux solutions fondées sur la nature, car elle se donne pour but de densifier la végétation fonctionnelle :  c’est-à-dire planter plus et plus utiles en prenant avantage des services écosystémiques offerts. Pour cela, la discipline prend appuie sur l’existant : permaculture, agroforesterie, agroécologie, gestion intégrée et la récolte de l’eau de pluie pour y ajouter une dimension hydrologique. Autre avantage, les résultats de l’hydrologie régénérative sont objectivables par une caractérisation précise de l’état de sols à court comme à long terme. Pour constater ses effets, il est possible de suivre des indicateurs comme l’humidité, la porosité, le taux de matière organique, le nombre de vers de terre ou encore le niveau des nappes.

    2.    L’hydrologie régénérative pour la ruralité : développer un paysage aquatique

    L’hydrologie régénérative se construit autour du triptyque eau, sol, arbre. Avant d’avoir recours aux solutions plus traditionnelles d’agroécologie et d’agroforesterie, l’application du paradigme vise à transformer la parcelle agricole en « un paysage aquatique ». Cette gestion dite horizontale cherche à prendre en compte les chemins naturels et artificiels de l’eau pour aménager des zones humides, semi-humides et des recharges passives d’aquifère à même d’infiltrer et d’hydrater les sols.

    Pour construire ces paysages aquatiques, l’hydrologie régénérative généralise une forme d’agriculture construite autour de la topographie : c’est le Keyline Design ®. L’idée est d’aménager autour des différentes lignes de niveau de la parcelle, un paysage agricole au service de la circulation de l’eau et de sa réinfiltration dans des sols souvent déjà dégradés. On trace des terrasses agricoles, des baissières et des micros retenus collinaires qui ralentissent le ruissellement et retiennent le surplus d’eau. Le Keyline Design ® vise à recréer un écosystème complet en adjoignant au paysage un réseau de mares, de chemins, de tranchées, parfois arborées afin de consolider les sols. Pour les paysages avec moins de relief, il est également possible d’appliquer des principes similaires notamment grâce au sous-solage : pratique qui vise à creuser une multitude de microsillons pour drainer les sols, sans les retourner, et permettre l’infiltration[40]. L’implantation de petits ouvrages comme les fossés fragmentés, des murets, des mares, des zones humides permettent aussi de mieux intercepter l’eau. Le tout forme un paysage aquatique qui réalimente le cycle de l’eau en hydratant les sols, en remplissant les nappes et en réalimentant les cours d’eau.

    Figure 29 : Design hydrologique et gestion des flux d’eau [41]

    Une fois l’hydrologie de la parcelle agricole revue, les solutions d’agroécologie (le sol) et d’agroforesterie (les arbres) prennent le relais pour régénérer le cycle de l’eau. Un sol enrichi en matière organique et bénéficiant d’un large couvert végétal permet de réduire le ruissellement tandis que l’implantation d’arbres et de haies apporte une ombre et une fraîcheur décisives pour résister aux vagues de chaleur. L’enrichissement végétal permet de filtrer plus efficacement les micropolluants, de créer des microclimats refroidissant par l’évapotranspiration et de stocker l’eau d’autant plus efficacement que le système racinaire est profond. C’est ce que l’on appelle la gestion verticale de la parcelle agricole.

    Cette renaturation rurale se couple parfaitement avec d’autres pratiques agroécologiques comme le pâturage tournant dynamique abordé un peu plus haut permettant de réamender les sols et donc de limiter l’utilisation d’engrais chimiques ou le maraîchage sur sol vivant qui permet de contrecarrer le tassement du sol tout en assurant la continuité écologique des milieux. En France, le GAEC de Montlahuc dans la Drôme a mis en œuvre le Keyline Design® avec l’aide du bureau d’étude Permalab spécialiste des techniques d’hydrologie régénérative. Le sol s’est également visiblement enrichi en matière organique et en biodiversité, la capacité de rétention d’eau du sol à augmenter et les haies permettent de protéger les sols de l’assèchement dû aux vents violents et aux vagues de chaleur [42].

    Figure 30 : Un « triptyque » pour la gestion et la régénération du cycle de l’eau [43]

    Proposition #09 : Utiliser le cadre du renouvellement générationnel des agriculteurs pour développer l’hydrologie régénérative

    Inclure pleinement l’hydrologie régénérative dans le nouveau pacte agricole aux côtés des pratiques d’agroécologie et d’agroforesterie.

    Soutenir les projets d’hydrologie régénérative à différentes échelles (parcelle, ferme, bassin versant), en leur apportant un appui technique et financier, ainsi qu’une reconnaissance juridique.

    Informer et diffuser largement les méthodes de l’hydrologie régénérative en proposant de façon systématique aux nouveaux agriculteurs la formation à ses méthodes, telles que le Keyline Design ®en s’appuyant sur les expériences existantes en France et à l’étranger.

    3.    L’hydrologie régénérative pour l’urbanisme : désimperméabiliser enfin !

    Enfin l’hydrologie régénérative ne se limite pas uniquement à la refondation de l’agriculture, elle s’applique également aux tissus urbains avec un mot d’ordre : désimperméabiliser pour aller vers une ville perméable. Malgré l’objectif de zéro artificialisation nette inscrit dans la loi, l’étalement urbain et l’imperméabilisation des sols augmentent, encore aujourd’hui, à un rythme presque 4 fois plus rapide que l’augmentation de la population. Entre 2009-2021, 306 000 ha d’espaces naturels agricoles ont été artificialisés soit l’équivalent de 437 000 terrains de football [44].

    L’artificialisation des villes ou des espaces ruraux à proximité des cours d’eau pose durablement la question des vulnérabilités aux inondations. En effet, l’imperméabilisation des surfaces favorise le ruissellement des eaux et empêche leur absorption par les sols. De plus, les projections climatiques soulignent une accentuation des maximas de précipitation, pouvant conduire au débordement des cours d’eau et donc à des inondations : le manque d’eau estival précède un trop-plein de précipitation trop concentrée et limitée dans le temps pour abreuver des sols trop asséchés.  On constate déjà une augmentation de l’intensité et de la fréquence des événements pluvieux extrêmes sur le pourtour méditerranéen et dans l’est du pays au cours des dernières décennies.

    L’urbanisme contemporain est à l’origine d’une détérioration de l’état des écosystèmes fluviaux, des zones humides et d’une perte de la biodiversité en eau douce. Face aux inondations, le biomimétisme et les solutions fondées sur la nature sont, là aussi, les plus efficaces. Il faut d’abord protéger et restaurer les écosystèmes naturels dans les bassins versants. En effet, les zones humides et leurs forêts inondables stockent, distribuent et retiennent l’eau dans les écosystèmes, limitant ainsi le ruissellement sur les surfaces anthropisées. Ce sont également des espaces très efficaces pour la régulation de l’eau et de la matière, la fixation des polluants et la rétention des eaux de crue.

    Une transition résiliente impose à présent de travailler à la restauration des flux naturels des cours d’eau, de leurs connectivités et de leurs débits afin de mieux résister aux inondations fluviales. Les interventions peuvent aller de la régénération naturelle à des mesures beaucoup plus lourdes, comme la reconstruction physique des lits de rivière.

    De plus, la désimperméabilisation du tissu urbain par la création de bassins de végétation, de lacs, de marais urbains, de jardin de pluie ou l’utilisation revêtements biosourcés ou perméables permet un renforcement de l’absorption des eaux par les sols ainsi qu’un enrichissement de la biodiversité au sein de la ville. Ces mesures peuvent d’ailleurs s’inscrire dans le cadre d’un urbanisme d’un nouveau genre : les villes éponges, qui visent à rendre à la ville sa perméabilité, tout en renforçant la collecte et l’utilisation des eaux de pluie.

    Dans cet objectif, il est nécessaire de s’affranchir d’une partie des normes d’urbanisme actuelles pour appliquer les principes de l’hydrologie régénérative au tissu urbain : ralentir, répartir, infiltrer. Ainsi il est nécessaire d’inverser la tendance en se plaçant réellement sur la trajectoire de zéro artificialisation nette en limitant le rythme des constructions neuves et en débétonnant une partie de ville. La zéro artificialisation nette ne doit pas être une finalité, mais une étape vers le zéro artificialisation brute, objectif qui consiste à cesser totalement de construire sur des zones agricoles ou naturelles. La zéro artificialisation brute permet, ainsi, de réduire drastiquement le recours à la compensation écologique.

    Proposition #10 : Résister à l’étalement urbain grâce à l’objectif de zéro artificialisation brute

    Rehausser l’objectif de zéro artificialisation nette vers la zéro artificialisation brute qui consiste à cesser totalement de construire sur des zones agricoles ou naturelles et abandonnant ainsi le principe de compensation écologique.

    En utilisant l’outil du Plan local d’urbanisme (PLU), déployer opérationnellement le ralentissement de l’étalement urbain pour atteindre l’objectif de zéro artificialisation brute à l’horizon 2050. De fait, procéder au déclassement massif des zones à urbaniser et exclure les projets de construction sur terre non imperméabilisée de l’accès aux prêts à taux zéro ou à des dispositifs de dégrèvement d’impôts (loi Pinel).

    Articuler en parallèle une trajectoire de désimperméabilisation des sols avec un renforcement des projets de densification de la ville. En guise d’incitation, cette mesure pourrait se traduire par la surtaxation des logements vides, et par l’exonération de taxe d’aménagement pour les projets de densification urbaine ne modifiant pas la surface au sol : réhabilitation de friches industrielles, construction d’espace surélevé, reconversion de bâtiments tertiaires vers le logement, développement de la multifonctionnalité et des nouveaux usages des bâtiments.

    À l’échelle de la région, soumettre les projets visant à renforcer l’attractivité du territoire à un contrôle démocratique, en mettant en débat auprès d’un panel de citoyens tirés au sort les impacts des projets avec les bénéfices à long terme pour les habitants.

    Enfin, l’hydrologie régénérative se donne également pour objectif d’avoir recours à l’eau de pluie dans les villes. La récolte de l’eau de pluie est l’une des méthodes d’autoapprovisionnement en eau les plus simples et les plus anciennes. La récolte ou culture de l’eau de pluie consiste à capter, accumuler et stocker l’eau issue des précipitations atmosphériques pour une utilisation à proximité. L’eau de pluie peut être recueillie des rivières ou depuis les toits et, dans de nombreux endroits, cette eau est redirigée vers une fosse, un réservoir, un puits avec percolation. Ses utilisations comprennent l’arrosage des jardins, l’abreuvage du bétail, l’irrigation, les utilisations domestiques avec un traitement approprié, le chauffage intérieur des maisons, etc. L’eau récoltée peut également être utilisée comme eau potable (via un traitement éventuel).

    Proposition #11 : Contre l’artificialisation, organiser la débétonnisation, la végétalisation et la renaturation

    Adjoindre à la trajectoire de « sobriété foncière », des objectifs clairs de dé-imperméabilisation des sols afin de reformer des îlots de végétalisation ainsi que des bassins de capture ou d’acheminement des eaux pluviales.

    Planifier la végétalisation maximale et la réintroduction des points d’eau dans le tissu urbain par l’augmentation de la surface d’espaces verts (parcs, pelouses, prairies urbaines), le déploiement de couverts végétaux sur les toitures et façades des bâtiments, la plantation d’arbres, la multiplication de zones d’ombrages, de couverts végétaux, l’introduction de lacs et de marais urbains.

    Planifier la renaturation des abords des cours d’eau et la restauration de leurs flux naturels en lui offrant une place à part entière dans les plans locaux d’aménagement du territoire.

    Inclure la protection de l’état des écosystèmes fluviaux et des zones humides dans les prérogatives des Agences de l’eau et dans le périmètre de contrôle de la Police de l’eau. Intégrer aux plans d’aménagements des territoires.

    [1] Graph’Agri 2022, agreste, 2022

    [2] L’irrigation du maïs représente-t-elle un quart de l’eau douce consommée en France ?; Avril 2023

    [3] Source : Office française de la biodiversité, Banque nationale des prélèvements quantitatifs en eau (BNPE). Traitement : SDES, 2022

    [4] Graph’Agri 2022, agreste, 2022

    [5] Les performances à l’export : Situation en 2022 ; France AgriMer, Juin 2023.

    [6] FAOSTAT : Food and agriculture data

    [7] FAOSTAT : Food and agriculture data

    [8] Source de données : FAOSTAT, inspiré des graphiques présentés dans le cours Sator de Charlène Descollonges concernant l’agriculture

    [9] Source de données : FAOSTAT, inspiré des graphiques présentés dans le cours Sator de Charlène Descollonges concernant l’agriculture

    [10] Source de données : FAOSTAT, inspiré des graphiques présentés dans le cours Sator de Charlène Descollonges concernant l’agriculture

    [11] Schumacher et al. (2023). « High temperatures exacerbated by climate change made 2022 Northern Hemisphere droughts more likely »

    [12] Cours Sator Charlène Descollonges, Juin 2023

    [13] « Qui veille au grain ? Du consensus scientifique à l’action publique », Les Greniers de l’Abondance, février 2022

    [14] Les émissions de gaz à effet de serre de l’agriculture ; notre environment ; février 2021

    [15] Mégabassines : la guerre de l’eau aura-t-elle lieu ?, Le Monde, Août 2020

    [16] Coordination Eau Bien Commun Auvergne-Rhône-Alpes

    [17] Les mégabassines, une fausse solution face au changement climatique : pour une irrigation comptaible avec l’agriculture et les ecosytémes, Confédération paysanne, février 2022

    [18] « Bilan de la quantité de l’eau au robinet du consommateur vis-à-vis des pesticides en France en 2021 », Ministère de la Santé et de la Prévention

    [19] Carte Adonis d’utilisation des pesticides en France ; Solagro ; 2021

    [20] Les ventes de pesticides et de glyphosate ont explosé en France ; Basta Media ; mai 2022

    [21] « Eau et milieux aquatiques ; les chiffres clés ; édition 2022 », EauFrance, ADES, 2022

    [22] « Eau et milieux aquatiques ; les chiffres clés ; édition 2020 », EauFrance, ADES, 2020

    [23] L’UE va renouveler l’autorisation du glyphosate pour 10 ans; France 24; Septembre 2023

    [24] Trop lourdes, les machines agricoles étouffent les sols, Reporterre, mai 2022

    [25] Qu’est-ce que l’agriculture écologiquement intensive ?, conférence de Michel Griffon, 2013

    [26] Pac 2023 : Les règles de la rotation des cultures enfin finalisées, La France Agricole, Juillet 2022

    [27] Pourquoi faire une rotation des cultures ?, AGTIV

    [28] « Qui veille au grain ? Du consensus scientifique à l’action publique », Les Greniers de l’Abondance, février 2022

    [29] Disparition des haies : une mission propose de renforcer l’application de la réglementation de la PAC ; Actu environnement.com ; Mai 2023

    [30] Le revers de notre assiette. Changer d’alimentation pour préserver notre santé et notre environnement, Solagro, 2019.

    [31] Quelques chiffres clés sur la consommation d’eau en élevage bovin, Web-agir, Avril 2020

    [32] Données FAOSTAT, rendement 2021 en France

    [33] Données FAOSTAT, rendement 2021 en France

    [34] Fiche le Millet; Agricultures & Territoires; 2019

    [35] Soja : rendements au top mais surfaces en baisse; Pleinchamp; Octobre 2021

    [36] Le scénario Afterres 2050, Solagro, 2016

    [37] + 1 degrés celsius = – 6% de rendement en blé, Terre-net Média, septembre 2017

    [38] Figure issue de : « Qui veille au grain ? Du consensus scientifique à l’action publique », Les Greniers de l’Abondance, février 2022

    [39] Association : pour une hydrologie régénérative

    [40] Face à la crise de l’eau : la solution de l’« hydrologie régénérative » ; Mr Mondialisation ; Mai 2023

    [41] Figure issue de l’intervention de Simon Ricard, Ingénieur et formateur, co-gérant de Permlab lors de la Table Ronde L’Hydrologie régénérative : une réponse adaptée aux enjeux climatiques et écologiques ?, Octobre 2022

    [42] Qu’est ce que l’hydrologie régénérative ? GAEC de Montlahuc, octobre 2022

    [43] Figure issue de l’intervention de Simon Ricard, Ingénieur et formateur, co-gérant de Permlab lors de la Table Ronde L’Hydrologie régénérative : une réponse adaptée aux enjeux climatiques et écologiques ?, Octobre 2022

    [44] Portail de l’artificialisation des sols

    Publié le 27 février 2024

    Institutionnalisons la sobriété hydrique en France !
    Seconde partie

    Auteurs

    Ilian Moundib
    Ilian Moundib est ingénieur spécialiste des questions de résilience climatique. Diplômé de l’Ecole Centrale de Lyon et titulaire d’un master de science physique de l’Imperial College de Londres. Il est consultant, conférencier et formateur indépendant sur les questions d’adaptation aux risques climatiques. Il accompagne de grands acteurs publics comme privés sur ces sujets cruciaux. Membre du conseil scientifique de l’Institut Rousseau, il a publié trois notes à destination des pouvoirs publics français portant sur l’institutionnalisation de la sobriété hydrique, l’adaptation de la France au changement climatique et le déploiement de la sobriété numérique. Ilian est l’auteur d’une formation en ligne de 10h dispensée sur la plateforme Sator.fr intitulée «Construire l'adaptation climatique - Les enjeux et méthodes de l’adaptation du territoire au changement climatique » . Cette masterclass transmet de manière inédite les notions et les outils d'une adaptation efficace au changement climatique sur nos territoires de France. Villes, agriculture, infrastructures, industrie, énergie, littoraux, forêts, montagnes… Le cours parcourt les méthodes comme les opportunités qui permettront de construire ensemble la véritable résilience à toutes les échelles. Ilian est régulièrement sollicité pour dispenser des conférences grand public, comme à l’Ecole Centrale de Lyon, à l’Académie du climat ou à Produrable ainsi que des formations et ateliers collaboratifs dans un cadre professionnel. En tant que consultant indépendant sur la question de l’adaptation au changement climatique et de la résilience des organisations : il intervient régulièrement dans la réalisation d’étude de risques climatiques physiques et de risques de transition dans le but de diagnostiquer l’exposition et la vulnérabilité de tous types d’acteurs. Habitué à l’usage des modèles climatiques et des cadres réglementaires RSE comme la CSRD, il utilise cette phase de cartographie et d’analyse par scénario pour proposer une quantification des pertes potentielles (coût de l’inaction) et la mise en place de plans de résilience visant à réduire la vulnérabilité de l’acteur en question. La connaissance des sujets liés à l’eau, la biodiversité, les ressources fossiles et métalliques permet de donner un caractère complet et systémique à ses analyses de résilience. Ensuite, il s’est spécialisé sur la question de l’empreinte climatique du numérique et de la mise en application de la sobriété carbone du secteur. Il a ainsi pu mettre sur pied l’un premier modèle d’évaluation de l’impact climatique lié aux différentes étapes du transfert de l’information pour le compte de la société EcoAct pour laquelle il a travaillé 4 ans. Il a également eu l’occasion de publier de nombreuses notes sur le sujet dont une pour l’Institut Rousseau. Finalement, il possède aussi une solide expérience des diagnostics d’émissions des gaz à effet de serre des organisations (Bilan Carbone® et GHG Protocol) ainsi que dans l’établissement de trajectoire de réduction compatible avec les budgets carbone du GIEC. Il se trouve également être formateur pour La Fresque de Climat, et des Ateliers de l’adaptation au changement climatique (AdACC), ateliers de sensibilisation qu’il anime régulièrement.

    Cette note proposée par l’Institut Rousseau et le collectif Pour un Réveil Écologique sur l’Institutionnalisation de la sobriété hydrique en France sera publiée en quatre parties.

    Partie 2 : Réhydrater les sols, régénérer le cycle de l’eau

    Ceci est la deuxième partie de la note proposée par l’Institut Rousseau et le collectif Pour un Réveil Écologique sur l’Institutionnalisation de la sobriété hydrique en France.

         I.         Sécheresse anthropique et santé des sols, une menace grave pour l’agriculture française

    1.    Irrigation et utilisation de l’eau en agriculture

    L’organisation des sociétés actuelles s’appuie sur le triptyque eau, énergie et agriculture. En France, cette dernière est le premier poste de consommation d’eau douce avec 58 % du total : elle est destinée aux deux tiers à l’irrigation des cultures. L’irrigation est au centre des usages agricoles de l’eau : en 2020, 6,8 % des surfaces agricoles ont été irriguées, soit plus de 1,8 million d’hectares [1]. L’irrigation des grandes cultures céréalières concentre la moitié des volumes prélevés et parmi elles le maïs est la culture qui occupe, à la fois, le plus de surfaces irriguées, mais aussi celle qui consomme le plus d’eau par hectare avec un besoin centré sur la période estivale [2]. Ainsi, la culture du maïs grain représente 8,5 % des surfaces agricoles, mais occupe entre le tiers des surfaces irriguées, avec un besoin centré sur la saison où se concentrent les épisodes de sécheresse. Trois régions concentrent 70 % de la surface irriguée. En Nouvelle-Aquitaine, dans le Centre-Val de Loire et en Occitanie, les prélèvements majoritairement issus des nappes servent à l’irrigation des cultures de maïs grain et de semences. La Provence-Alpes-Côte d’Azur concentre le reste des besoins pour l’irrigation de céréales, de fruits, de légumes et parfois de vigne. La région tire profit de l’irrigation gravitaire des eaux du Canal de Provence rendue possible par la topographie et surtout les différents aménagements du Rhône.

    Figure 12 : [Gauche] Prélèvements d’eau douce pour l’agriculture par sous-bassin hydrographique, en 2019 [3] [Droite] Répartition des surfaces irriguées par types de cultures en 2016. Les maïs grain, semence et fourrage concentrent la moitié des surfaces irriguées. La catégorie « Autres » recouvre en particulier l’arboriculture. [4]

    2.    La France, une grande puissance céréalière

    La France produit via des modes de culture très gourmands en eau environ 70 millions de tonnes de céréales chaque année. Sur ce total, seulement 5 millions sont destinés à l’alimentation humaine. Cette production céréalière est dirigée pour moitié vers les cheptels français et pour moitié vers l’exportation. En 2022, la France a exporté pour 10 milliards d’euros de céréales, deuxième poste de recette dans la balance commerciale après les vins et spiritueux [5]. À la faveur de prix plus élevés et d’exportations de céréales plus importantes, celle-ci a permis une amélioration nette de la balance commerciale agricole. De fait, malgré un cheptel stable sur son sol, la France participe largement à l’augmentation de la consommation de viande partout dans le monde.

    Figure 13 : Production de céréales en France [6]

    En effet, cette prépondérance de la production de céréales dans l’agriculture française suit une tendance mondiale profondément liée à l’augmentation de la demande en céréales : d’après la FAO, en 60 ans, les productions mondiales de maïs et de blé ont été multipliées respectivement par 5,6 et 3,4 [7].

    Figure 14 : Production mondiale de céréales totales [8]

    Sur cette même période, les cheptels bovins, ovins, porcins et caprins ont presque doublé et le nombre de volailles a été multiplié par huit ! La croissance démographique seule n’est pas en mesure d’expliquer cette hausse spectaculaire, la hausse de la consommation de viande par habitant est bien visible en comparant ces deux tendances. Celle-ci a doublé entre 1960 et 2020 passant de 20 kg par personne et par an à 40 kg par personne et par an.

     

    Figure 15 : Quantité de viande totale produite au niveau mondiale[9]

    En France, les chiffres sont un peu différents, la production de viandes représentait 4 millions de tonnes en 1960 pour atteindre un maximum autour de 7 millions de tonnes dans les années 2000 avant de décroître lentement à 6 millions de tonnes aujourd’hui. De fait, en 1960, un Français mangeait en moyenne 50 kg de viandes par an, en 2000 ce chiffre plafonnait à plus de 90 kg et on l’évalue classiquement aujourd’hui autour de 80 kg par personne et par an.

    Figure 16 : Cheptel France et quantité de viande totale produite  [10]

    3.    Une exposition climatique croissante et des pratiques agricoles sources de vulnérabilité

    Comme évoqué plus haut, la sécheresse des sols s’accentue significativement et vient remettre en cause la pérennité du paradigme actuel. Le consortium World-Weather-Attribution estime que la sécheresse agricole de 2022 a été rendue cinq à six fois plus probable avec le changement climatique, et la sécheresse hydrologique trois à quatre fois plus probable [11] . Par conséquent, la conjugaison d’une hausse des besoins pour l’irrigation et de l’assèchement des sols provoqués par l’évapotranspiration et la pression croissante sur les masses d’eau va irrémédiablement entraîner la généralisation des conflits d’usages impliquant le monde agricole.

    Le stress hydrique augmente dans les grandes régions productrices de céréales. Celles-ci observent déjà une diminution des ressources en eau souterraine disponibles aussi bien en été qu’en hiver. De même, le débit des fleuves diminue progressivement mettant en danger les modes d’irrigation qui en dépendent.

    Les effets déjà constatés sont renforcés par les modes de culture agro-industriels. La biodiversité souterraine est au cœur de la fertilité des sols. Elle y assure des fonctions primordiales comme la décomposition de matière organique et donc la libération de nutriments, ou encore l’infiltration et la rétention de l’eau captée dans les racines des végétaux. On estime par exemple que 1 % de matière organique en plus par hectare, c’est 250 m3 d’eau en plus absorbés par les sols [12] .

    Cette biodiversité des sols comme celle des champs est en recul du fait du fort recours aux pesticides, au tassement du sol initié par la mécanisation, la perturbation du cycle des nutriments et par l’utilisation excessive d’engrais[13]. La dégradation de la qualité des sols va donc renforcer la dépendance de la plupart des cultures à l’irrigation. La France est, d’ailleurs, l’un des plus grands consommateurs de pesticides et d’engrais en Europe. Selon la FAO, la France a utilisé environ 110 000 tonnes de pesticides et 18 millions de tonnes d’engrais en 2020 [14].

    4.    Une réponse par l’accaparement : le cas des mégabassines

    Les grands céréaliers souffrent donc aussi des effets du changement climatique. Or, la stratégie d’adaptation d’une partie de ces acteurs s’assimile à un accaparement pur et simple des masses d’eau souterraine. Pour cela, des réservoirs géants connectés directement aux nappes phréatiques par une pompe sont mis en chantier. Afin d’empêcher l’eau de s’infiltrer dans le sol, on plastifie le fond de ces installations. Ce sont les fameuses mégabassines : l’eau pompée en hiver est réservée pour l’irrigation estivale des cultures céréalières. En France, on estime qu’il existe environ 200 mégabassines en fonctionnement ou en projet, principalement dans les régions Nouvelle-Aquitaine et Auvergne-Rhône-Alpes [15]. Ces réservoirs géants peuvent couvrir jusqu’à 18 hectares chacun et contenir jusqu’à 650 000 m3 d’eau [16]. Le coût moyen d’une mégabassine est d’environ 1 million d’euros, dont 70 % sont financés par des fonds publics [17].

    Ces mégabassines sont nées d’un compromis entre grands acteurs agricoles et préfectures. Par exemple, dans le marais de Poitevin, l’abondance de la ressource en eau permettait à chaque acteur de largement pomper dans les nappes phréatiques pour irriguer leurs cultures. Mais depuis récemment, la tension estivale croissante sur la disponibilité de la ressource ainsi que l’augmentation de la concentration de produits phytosanitaires ont totalement changé la donne. C’est dans ce contexte que le protocole des Deux Sèvres est signé en décembre 2018. Le but : concéder des bassines de surface financées sur fonds publics à des coopératives céréalières, en échange d’un changement de modèle agricole. Sont mis dans la balance la diminution de la culture de maïs, l’arrêt des pompages sauvages en été ou encore la diminution de l’utilisation de phytosanitaires. Malheureusement, ces promesses peinent à se concrétiser tandis que ses grandes installations permettent de facto d’accaparer la ressource au détriment des écosystèmes et des plus petits agriculteurs, eux toujours soumis aux restrictions de prélèvement.

    Pour beaucoup, ces installations sont le symptôme de la fuite en avant d’un modèle dépassé d’agriculture intensive durement frappé par les conséquences du changement climatique et de sa surexploitation des sols. Le recours à une mégabassine revient à privatiser la ressource en eau au détriment de la majorité des agriculteurs, qui sont obligés de réduire leurs prélèvements de 70 % par rapport à la normale lors des arrêtés préfectoraux devenus récurrents en été. Elles engendrent des pertes conséquentes par évaporation, proportionnelles à la surface de la bassine, ce qui limite l’eau disponible pour le milieu naturel. Elles dégradent aussi la qualité de l’eau qu’elles stockent, en favorisant le développement de micro-organismes et d’algues à la surface, ce qui réduit sa potabilité et sa diversité d’usages. Un moratoire sur le développement de ces installations est indispensable pour organiser un autre partage de l’eau.

    Beaucoup affirment qu’il est nécessaire de stocker de l’eau pour faire face à l’aggravation des pénuries. Le problème de ce genre de solution c’est qu’elle appauvrisse le cycle de l’eau et contribue finalement à l’accélérer. Les vraies solutions « de stockage » de l’eau à déployer sont, donc, celles liées au paradigme de l’hydrologie régénérative qui vise comme son nom l’indique à régénérer le cycle de l’eau et que nous verrons un peu plus loin.

    Proposition #04 : Déployer un moratoire sur la construction de bassines de rétention

    Mettre en pause la construction de bassines de rétention d’eau destinées à l’irrigation, et interdire toute nouvelle création de bassines reposant sur le prélèvement d’eau des nappes phréatiques.

    Le moratoire s’appliquera à tous les projets de création ou d’extension de retenues de substitution ou de mégabassines, qu’ils soient portés par des collectivités, des syndicats d’irriguant, des chambres d’agriculture ou des exploitants agricoles individuels.

    5.    Agriculture et pression qualitative sur la ressource : rejets et polluants

    Plus largement, le modèle agricole pose aussi la question de la pollution des eaux. On distingue quatre types de pollutions selon leur origine et leur nature : les pollutions organiques, les pollutions chimiques, les pollutions émergentes et les pollutions diffuses.

    Dans le cas de l’agriculture, la présence de polluants chimiques dans l’eau provient généralement de l’utilisation d’engrais minéraux (nitrates, phosphates) ou de produits phytosanitaires (pesticides, herbicides et fongicides). On retrouve également dans cette large catégorie : les plastiques, les métaux lourds, les produits ménagers ou les composés industriels comme les PFAS abordés dans une partie dédiée. Dégradation des milieux, toxicité, perturbateurs endocriniens, on estime qu’en France 31 % des eaux souterraines sont contaminées par des résidus de pesticides ². En 2021, environ 12 millions de Français ont été concernés par des dépassements des seuils autorisés de pesticide dans l’eau potable [18].

    Figure 18 : [Droite] Carte Adonis d’utilisation des pesticides en France [19] [Gauche] Évolution des ventes de pesticide en France [20]

    Les pollutions organiques sont causées par l’excès de matières organiques (animales ou végétales) dans l’eau. Les polluants peuvent provenir de l’épandage d’effluents d’élevage sur les champs (fumier ou lisier) ou de la décomposition des résidus de culture transportés par le ruissellement des eaux de pluie jusqu’au cours d’eau. Dans l’eau, ces polluants, souvent coupés à des excès d’azote et de phosphates issus des engrais, vont provoquer une consommation excessive d’oxygène par les micro-organismes qui les dégradent : c’est l’eutrophisation des eaux. Dans les cas les plus graves, cela provoque l’asphyxie des milieux aquatiques comme en témoigne la prolifération d’algues vertes sur certaines côtes bretonnes. Plus généralement en France, la pollution au nitrate s’est étendue sur 37 % des masses d’eau souterraine entre 1996 et 2018 tandis que sa proportion dans les eaux de surfaces est restée stable. [21]

    Les polluants émergents sont des substances chimiques qui ne sont pas encore réglementées ou surveillées, mais qui présentent un risque jugé de plus en plus sérieux. Parmi les polluants émergents liés à l’agriculture, on peut citer les résidus de médicaments vétérinaires (antibiotiques, hormones, etc.), les perturbateurs endocriniens (bisphénol A, phtalates, etc.), les nanomatériaux (nanoparticules d’argent, de cuivre, etc.), les microplastiques (issus de l’usure des pneus des tracteurs, des bâches agricoles, etc.) ou les fameux PFAS, polluants éternels, qui seront abordés dans la partie dédiée à l’industrie.

    Les polluants diffus, enfin, ne proviennent pas d’une source ponctuelle identifiable, mais d’une multitude de sources dispersées. Elles sont souvent liées aux activités agricoles, qui utilisent et rejettent des substances potentiellement polluantes (nitrates, pesticides, matières organiques, etc.) sur de vastes surfaces. Ces substances peuvent être transportées par les eaux de ruissellement, les eaux d’infiltration ou les vents vers les milieux récepteurs (rivières, lacs, nappes phréatiques, atmosphère, etc.). Le glyphosate fait partie de cette catégorie : on considère que trois rivières françaises sur quatre contiennent du glyphosate ou l’un de ces dérivés [22].

    La meilleure stratégie pour éviter les pollutions consiste à agir sur les sources en en interdisant purement et simplement l’utilisation de certaines substances. C’est ce qui aurait dû par exemple être fait pour le glyphosate, cancérigène, et perturbateur endocrinien probable et pourtant renouvelé pour 10 ans par l’Union européenne en novembre 2023 [23]. Le principe de précaution doit devenir la nouvelle norme dans la lutte contre les polluants. Il est nécessaire d’inverser la charge de la preuve : pour interdire une substance, il ne doit plus y avoir un consensus scientifique sur sa dangerosité, mais au contraire un consensus scientifique sur sa non-dangerosité. Pour le glyphosate par exemple, il n’existe aucun consensus sur sa non-dangerosité : il aurait donc fallu organiser son interdiction rapide au moins jusqu’à l’établissement des résultats scientifiques clairs sur le caractère non nocif du produit. Cela ne doit plus être à la société civile de prouver qu’un produit est dangereux, mais au contraire à l’industrielle de fournir les preuves de la non-nocivité du produit. Si un doute fort persiste, le principe de précaution doit s’appliquer.

    Proposition #05 : Appliquer le principe de précaution dans l’interdiction des substances nocives

    Appliquer strictement le principe de précaution lorsqu’une substance chimique utilisée dans l’agriculture semble avoir des conséquences sanitaires graves. Il est alors nécessaire de l’interdire rapidement jusqu’à ce qu’un consensus scientifique soit établi dans le sens de la non-dangerosité de la substance.

    Inverser en particulier la charge de la preuve si des études suggèrent une dangerosité du produit, il revient à l’industriel de répliquer l’expérience réalisée et de prouver la non-véracité des résultats scientifiques obtenus dans l’étude.

    Renforcer les normes environnementales et sanitaires applicables aux activités agricoles, notamment en matière de gestion des effluents d’élevage, de protection des zones humides, de respect des périmètres de protection des captages d’eau potable, de limitation des rejets de nitrates et de phosphates dans les cours d’eau.

    Renforcer les moyens de la police de l’eau comme ces prérogatives. Mettre en place un système de contrôle et de sanction efficace pour faire respecter ces normes, en renforçant les moyens humains et matériels des services de l’État chargés de l’inspection et du contrôle environnemental.

    Ensuite, il va falloir organiser une trajectoire de sortie claire des pesticides et des engrais autant pour des enjeux sanitaires que pour des raisons de régénération des écosystèmes régulateurs du cycle de l’eau. Le collectif les Greniers de l’abondance propose de se fixer l’objectif d’une division par trois de l’utilisation de pesticides et de diminuer de 60 % celle d’engrais azotés à l’horizon 2050. Il semble important d’initier une trajectoire d’augmentation progressive de la taxation tout en massifiant le déploiement des alternatives. La question des pollutions diffuses et émergentes ainsi que celle des pollutions non agricoles seront traitées plus loin dans la note dans la partie industrie.

    Proposition #06 : Définir une trajectoire de taxation progressive des pesticides et engrais

    Définir une trajectoire d’augmentation progressive de la taxation à l’achat de pesticides et d’engrais chimiques afin d’offrir de la visibilité aux agriculteurs et leur permettre d’organiser la réduction progressive de leur transition vers des alternatives biologiques ou agroécologiques.

    Utiliser les recettes récolter pour financer un fonds de soutien à la transition agroécologique qui permettrait d’accompagner les agriculteurs dans le changement de leurs pratiques, de leur fournir des formations, des conseils et des aides financières.

    Développer la recherche publique et l’innovation dans le domaine de l’agroécologie, afin de produire des connaissances scientifiques et techniques utiles aux agriculteurs pour réduire leur impact sur l’eau et les écosystèmes aquatiques.

    6.    L’enjeu des modes de culture : sortir de l’agro-industrie pour généraliser l’agroécologie

    Face à la contrainte hydroclimatique, les pratiques d’agroécologie et d’agroforesterie doivent se généraliser rapidement pour remplacer un modèle agro-industriel à bout de souffle. La clé d’un développement résilient repose sur la diversification des productions, une limitation des facteurs de stress non climatiques et une irrigation plus efficace des sols. L’épandage de pesticides et d’engrais qui dégradent la qualité des masses d’eau doit être largement limité tandis que les techniques de labour des sols doivent se transformer pour régénérer l’infiltration des eaux[24].

    Pour compenser la diminution de l’utilisation d’engrais et de pesticide, le passage à un mode d’agriculture écologiquement intensive est nécessaire. Ce concept consiste à diversifier massivement les espèces cultivées et les pratiques d’enrichissement des sols[25].

    L’enrichissement des sols en nutriment est largement possible via l’implantation de schémas de rotations plus complexes. Les rotations de culture consistent à alterner différents types de plantes sur une même parcelle au fil des saisons ou des années. L’introduction de cultures intercalaires permet d’éviter l’épuisement des nutriments du sol, qui peut se produire dans le cas de monoculture. En effet, chaque plante a des besoins nutritionnels spécifiques et prélève certains minéraux dans le sol. En changeant de culture, on évite de créer des carences ou des excès qui peuvent nuire au rendement et à la qualité des récoltes. Par exemple, les légumineuses (pois, lentilles, luzerne…) ont la capacité de fixer l’azote de l’air grâce à des bactéries symbiotiques présentes dans leurs racines. En les associant ou en les faisant succéder à des céréales (blé, maïs, orge…), on enrichit le sol [26]. Aussi, les rotations de culture et laisser les parcelles en jachère améliorent le sol dans sa structure et sa texture en enrichissant l’activité des micro-organismes qui le composent. Parmi eux, les mycorhizes sont des champignons qui forment une symbiose avec les racines des plantes. Ils augmentent la surface d’absorption des nutriments et de l’eau par les plantes, et fournissent du carbone aux autres microbes du sol [27].

    De même, des pratiques d’élevage du bétail peuvent rendre l’agriculture française plus résiliente au changement climatique : l’idée est de combiner le plus efficacement possible l’élevage avec la production de cultures pour aller vers une agriculture intégrée moins gourmande en intrants et en machines[28]. La polyculture-élevage permet d’accélérer les échanges de matière organique entre végétaux et animaux. Par exemple, les cultures peuvent fournir de l’alimentation aux animaux, sous forme de fourrages, de céréales ou de protéagineux. Les animaux peuvent restituer de la matière organique aux sols, sous forme de fumier ou de lisier, ce qui améliore sa fertilité. Les animaux contribuent également au désherbage, au décompactage et à l’aération du sol, en pâturant ou en labourant favorisant également l’infiltration de l’eau.

    Aussi, la généralisation d’un climat méditerranéen sur la moitié sud de l’Hexagone favorisera la migration d’organismes pathogènes ou ravageurs bouleversant en profondeur les écosystèmes et les cultures. La faible diversité génétique des plantations participe à la forte vulnérabilité du système agricole à un climat plus sec. En effet, les agrosystèmes homogènes, dont l’objectif est d’assurer le maximum de rendements, favorisent la prolifération et la propagation des pathogènes, ravageurs et des espèces envahissantes. La diversification génétique des cultures est donc également au cœur de la résilience de l’agroécologie.

    Enfin, les pratiques d’agroforesterie, c’est-à-dire le mélange d’arbres et de cultures, peuvent réduire les stress hydriques et thermiques tout en renforçant la séquestration de carbone dans les sols. Il est, par exemple, essentiel de remettre des haies dans l’agriculture. Pourtant, depuis 1950, ce sont 70 % d’entre elles qui ont été effacées des bocages français [29]. Vieillissement, mauvais entretien, arrachage, les haies, au même titre que les zones humides d’ailleurs, représentaient souvent un obstacle pour le passage des engins et une charge pour les agriculteurs. Pourtant, elles possèdent de nombreux avantages en protégeant les élevages et les cultures de la chaleur et du vent. Elles permettent également d’assurer la continuité écologique entre les milieux qui stockent du carbone et de l’eau, diminuent l’effet des petites crues, luttent contre l’érosion des sols et filtrent les polluants.

    Proposition #07 : Utiliser le renouvellement de génération pour proposer un nouveau pacte agricole au service de l’agroécologie

    Faire du renouvellement des générations d’agriculteurs une opportunité pour généraliser massivement les pratiques d’agroécologie et d’hydrologie régénérative. Constituer un nouveau pacte agricole en planifiant la formation et l’intégration de la nouvelle génération, plus nombreuse et mieux rémunérée, en anticipant au mieux les départs et les reprises d’exploitation.

    Adjoindre à ce pacte des objectifs de déploiement des solutions d’hydrologie régénérative, de diversification des productions, de réduction de l’utilisation des engrais et des pesticides, de protection des sols, mais aussi de réduction progressive de la taille du cheptel bovin par la diminution des modes d’élevage intensif.

    Faciliter l’installation de projets d’agroécologie par le renforcement des aides, mais aussi par l’acquisition publique de foncier pour les mettre à disposition des producteurs qui respectent un cahier des charges compatible avec une agriculture écologiquement intensive.

    Généraliser l’outil de la commande publique (pour les cantines ou la restauration collective) et renforcer les rémunérations liées aux services environnementaux rendus par les agriculteurs afin d’offrir un débouché de production stable et équitable aux agriculteurs et solvabiliser les pratiques vertueuses.

    7.    L’enjeu de l’espace : substituer le maïs, réguler la production et la consommation de protéines bovines

    Aujourd’hui, la production de denrées à destination des animaux d’élevage mobilise 85 % des surfaces agricoles[30]. On estime également que la moitié de ces surfaces correspondent à des terres arables et à des cultures pouvant satisfaire l’alimentation humaine. De plus, cette même production pour le bétail est à l’origine d’une consommation en eau considérable, premier poste agricole[31] notamment du fait de la culture de maïs grains destinés aux deux tiers à l’alimentation de volaille et de porc. Le maïs grain nécessite environ 450 L d’eau pour produire un kilogramme, selon la variété et la durée de la culture et présente un rendement de 9 à 10 tonnes par hectare [32].

    Il est donc nécessaire de réduire l’assolement de maïs en y substituant d’autres cultures et plus résistantes aux conditions estivales sèches. L’un des premiers candidats est le Sorgho, une céréale originaire d’Afrique, qui présente une bonne tolérance à la sécheresse et à la chaleur. Il a des besoins en eau similaires à ceux du blé. Il peut être utilisé pour l’alimentation animale, mais aussi pour la production d’éthanol ou de biogaz. Il offre un rendement moyen de 6 tonnes par hectare, soit légèrement inférieur à celui du maïs [33], mais avec un coût de production plus faible. Le millet asiatique résiste également bien à des conditions climatiques difficiles avec des besoins en eau plus faibles que le maïs, il offre cependant un rendement plus faible également entre 1 et 2 tonnes par hectare [34]. Enfin le soja par sa capacité de fixer l’azote de l’air grâce à des bactéries symbiotiques présentes dans ses racines, peut parfois être un bon substitut. Il peut être utilisé pour l’alimentation humaine ou animale, mais aussi pour la production d’huile ou de protéines végétales. Il offre un rendement moyen de 3 tonnes par hectare [35].

    Toutes ces alternatives ont la caractéristique d’avoir un rendement inférieur à celui du maïs. Aussi, le système agricole devra vraisemblablement faire face à une diminution des rendements agricoles pour un certain nombre de variétés du fait de la généralisation de la sécheresse, des ravageurs et de la modification des conditions agroclimatique. Le scénario Afterres2050 du cabinet Solagro anticipe par exemple une diminution du rendement de la production du blé tendre de 7,1 à 5,2 tonnes par hectare[36] à horizon 2050 par rapport à 2010. À noter que dans le cadre d’un scénario d’inaction des pouvoirs publics, les rendements diminueront de façon d’autant plus dramatique que le réchauffement sera important : celui-ci entraînerait une baisse de rendement moyen de 6 % pour le blé, de 3,2 % pour le riz et de 7,4 % pour le maïs par degré de réchauffement, sans compter les impacts sur l’effondrement de la biodiversité ou de la salinisation des aquifères [37].

    Ainsi, afin de produire à « surface agricole » constante et de basculer sur des productions moins gourmandes en eau, la réduction des productions animales et en particulier des cheptels bovins apparaît comme un axe incontournable de la résilience agricole.

    Figure 11 : Évolution du régime alimentaire français moyen (hors alcool et boisson) et de la surface agricole nécessaire dans le scénario Afterres2050[38].

    Dans un contexte de contrainte forte sur la ressource en eau et de diminution des rendements, le cabinet Solagro propose de fixer un objectif de diminution de 50 % de la production de protéines carnées d’ici à 2050, ce qui libérerait près du tiers des espaces cultivables. Cette trajectoire de décroissance de la consommation de viande ne pourra se faire sans l’accompagnement des agriculteurs français vers un modèle plus diversifié de polycultures-élevages. Pour cela, il est nécessaire de remettre d’abord en cause l’importation de viandes bovines permises par les accords de libre-échange qui viennent faire concurrence à la production bovine française. Celles-ci représentent d’ailleurs la majorité de nos importations d’eau virtuelle consommée ailleurs dans le monde, qui participent tout autant à la dérégulation du cycle de l’eau. De même, les exportations de viande ou de maïs doivent être repensées et notre modèle agricole redirigé vers un objectif de souveraineté alimentaire.

    Proposition #08: Planifier la décroissance de l’assolement de maïs grain et de la production de viandes bovines

    Planifier et organiser la réduction de l’assolement de maïs, au profit d’autres cultures peu consommatrices en eau en saison sèche, et directement utilisable pour l’alimentation humaine : blé, sarrasin, millet, sorgho….

    Protéger les éleveurs français par la suspension des importations de viandes rouges de mauvaise qualité permises par la ratification d’un certain nombre d’accords de libre-échange (CETA, TAFTA et autres …).

    Contractualiser avec les éleveurs et les coopératives pour leur garantir une rémunération plus équitable en échange d’une évolution des pratiques vers des modèles de polyculture-élevage et de l’orientation de leur production vers le marché français.

    Dans la restauration collective gérée par les pouvoirs publics, mettre à disposition une alternative végétarienne à chaque repas et instaurer à minima deux repas végétariens par semaine. Limiter à une fois par mois les plats au bœuf. Imposer ces deux mesures dans la restauration collective privée. 

    Travailler avec les restaurateurs, les commerces locaux et la grande distribution pour mettre en avant des protéines végétales et promouvoir des alternatives végétales à la viande de bœuf.

       II.         Régénérer le cycle de l’eau : déployer une hydrologie régénérative

    1.    Les principes de l’hydrologie régénérative : ralentir, répartir, infiltrer

    Les phénomènes de sécheresse et d’inondation ne sont que les deux faces d’une même pièce. Ils sont tous deux les conséquences d’une dégradation de la qualité de nos sols de moins en moins en mesure d’infiltrer et de retenir suffisamment d’eau. Le changement climatique, en augmentant la fréquence et l’intensité des sécheresses météorologiques et des précipitations extrêmes, met à nu la mort lente des écosystèmes régulateurs du cycle de l’eau. Ainsi, il est nécessaire de déployer une réponse systémique pour réinfiltrer durablement l’eau dans les sols : c’est l’objectif de l’hydrologie régénérative.

    L’hydrologie régénérative est une approche qui vise à restaurer le cycle de l’eau douce par l’aménagement du territoire et des agroécosystèmes. La discipline vise à « Ralentir, répartir, infiltrer et stocker toutes les eaux de pluie et de ruissellement » [39]. L’idée est d’aménager la parcelle agricole ou l’espace urbain de sorte que l’eau s’y écoule lentement, se répartisse le plus largement possible sur les sols pour s’y infiltrer et recharger durablement les nappes. Elle recourt largement aux solutions fondées sur la nature, car elle se donne pour but de densifier la végétation fonctionnelle :  c’est-à-dire planter plus et plus utiles en prenant avantage des services écosystémiques offerts. Pour cela, la discipline prend appuie sur l’existant : permaculture, agroforesterie, agroécologie, gestion intégrée et la récolte de l’eau de pluie pour y ajouter une dimension hydrologique. Autre avantage, les résultats de l’hydrologie régénérative sont objectivables par une caractérisation précise de l’état de sols à court comme à long terme. Pour constater ses effets, il est possible de suivre des indicateurs comme l’humidité, la porosité, le taux de matière organique, le nombre de vers de terre ou encore le niveau des nappes.

    2.    L’hydrologie régénérative pour la ruralité : développer un paysage aquatique

    L’hydrologie régénérative se construit autour du triptyque eau, sol, arbre. Avant d’avoir recours aux solutions plus traditionnelles d’agroécologie et d’agroforesterie, l’application du paradigme vise à transformer la parcelle agricole en « un paysage aquatique ». Cette gestion dite horizontale cherche à prendre en compte les chemins naturels et artificiels de l’eau pour aménager des zones humides, semi-humides et des recharges passives d’aquifère à même d’infiltrer et d’hydrater les sols.

    Pour construire ces paysages aquatiques, l’hydrologie régénérative généralise une forme d’agriculture construite autour de la topographie : c’est le Keyline Design ®. L’idée est d’aménager autour des différentes lignes de niveau de la parcelle, un paysage agricole au service de la circulation de l’eau et de sa réinfiltration dans des sols souvent déjà dégradés. On trace des terrasses agricoles, des baissières et des micros retenus collinaires qui ralentissent le ruissellement et retiennent le surplus d’eau. Le Keyline Design ® vise à recréer un écosystème complet en adjoignant au paysage un réseau de mares, de chemins, de tranchées, parfois arborées afin de consolider les sols. Pour les paysages avec moins de relief, il est également possible d’appliquer des principes similaires notamment grâce au sous-solage : pratique qui vise à creuser une multitude de microsillons pour drainer les sols, sans les retourner, et permettre l’infiltration[40]. L’implantation de petits ouvrages comme les fossés fragmentés, des murets, des mares, des zones humides permettent aussi de mieux intercepter l’eau. Le tout forme un paysage aquatique qui réalimente le cycle de l’eau en hydratant les sols, en remplissant les nappes et en réalimentant les cours d’eau.

    Figure 29 : Design hydrologique et gestion des flux d’eau [41]

    Une fois l’hydrologie de la parcelle agricole revue, les solutions d’agroécologie (le sol) et d’agroforesterie (les arbres) prennent le relais pour régénérer le cycle de l’eau. Un sol enrichi en matière organique et bénéficiant d’un large couvert végétal permet de réduire le ruissellement tandis que l’implantation d’arbres et de haies apporte une ombre et une fraîcheur décisives pour résister aux vagues de chaleur. L’enrichissement végétal permet de filtrer plus efficacement les micropolluants, de créer des microclimats refroidissant par l’évapotranspiration et de stocker l’eau d’autant plus efficacement que le système racinaire est profond. C’est ce que l’on appelle la gestion verticale de la parcelle agricole.

    Cette renaturation rurale se couple parfaitement avec d’autres pratiques agroécologiques comme le pâturage tournant dynamique abordé un peu plus haut permettant de réamender les sols et donc de limiter l’utilisation d’engrais chimiques ou le maraîchage sur sol vivant qui permet de contrecarrer le tassement du sol tout en assurant la continuité écologique des milieux. En France, le GAEC de Montlahuc dans la Drôme a mis en œuvre le Keyline Design® avec l’aide du bureau d’étude Permalab spécialiste des techniques d’hydrologie régénérative. Le sol s’est également visiblement enrichi en matière organique et en biodiversité, la capacité de rétention d’eau du sol à augmenter et les haies permettent de protéger les sols de l’assèchement dû aux vents violents et aux vagues de chaleur [42].

    Figure 30 : Un « triptyque » pour la gestion et la régénération du cycle de l’eau [43]

    Proposition #09 : Utiliser le cadre du renouvellement générationnel des agriculteurs pour développer l’hydrologie régénérative

    Inclure pleinement l’hydrologie régénérative dans le nouveau pacte agricole aux côtés des pratiques d’agroécologie et d’agroforesterie.

    Soutenir les projets d’hydrologie régénérative à différentes échelles (parcelle, ferme, bassin versant), en leur apportant un appui technique et financier, ainsi qu’une reconnaissance juridique.

    Informer et diffuser largement les méthodes de l’hydrologie régénérative en proposant de façon systématique aux nouveaux agriculteurs la formation à ses méthodes, telles que le Keyline Design ®en s’appuyant sur les expériences existantes en France et à l’étranger.

    3.    L’hydrologie régénérative pour l’urbanisme : désimperméabiliser enfin !

    Enfin l’hydrologie régénérative ne se limite pas uniquement à la refondation de l’agriculture, elle s’applique également aux tissus urbains avec un mot d’ordre : désimperméabiliser pour aller vers une ville perméable. Malgré l’objectif de zéro artificialisation nette inscrit dans la loi, l’étalement urbain et l’imperméabilisation des sols augmentent, encore aujourd’hui, à un rythme presque 4 fois plus rapide que l’augmentation de la population. Entre 2009-2021, 306 000 ha d’espaces naturels agricoles ont été artificialisés soit l’équivalent de 437 000 terrains de football [44].

    L’artificialisation des villes ou des espaces ruraux à proximité des cours d’eau pose durablement la question des vulnérabilités aux inondations. En effet, l’imperméabilisation des surfaces favorise le ruissellement des eaux et empêche leur absorption par les sols. De plus, les projections climatiques soulignent une accentuation des maximas de précipitation, pouvant conduire au débordement des cours d’eau et donc à des inondations : le manque d’eau estival précède un trop-plein de précipitation trop concentrée et limitée dans le temps pour abreuver des sols trop asséchés.  On constate déjà une augmentation de l’intensité et de la fréquence des événements pluvieux extrêmes sur le pourtour méditerranéen et dans l’est du pays au cours des dernières décennies.

    L’urbanisme contemporain est à l’origine d’une détérioration de l’état des écosystèmes fluviaux, des zones humides et d’une perte de la biodiversité en eau douce. Face aux inondations, le biomimétisme et les solutions fondées sur la nature sont, là aussi, les plus efficaces. Il faut d’abord protéger et restaurer les écosystèmes naturels dans les bassins versants. En effet, les zones humides et leurs forêts inondables stockent, distribuent et retiennent l’eau dans les écosystèmes, limitant ainsi le ruissellement sur les surfaces anthropisées. Ce sont également des espaces très efficaces pour la régulation de l’eau et de la matière, la fixation des polluants et la rétention des eaux de crue.

    Une transition résiliente impose à présent de travailler à la restauration des flux naturels des cours d’eau, de leurs connectivités et de leurs débits afin de mieux résister aux inondations fluviales. Les interventions peuvent aller de la régénération naturelle à des mesures beaucoup plus lourdes, comme la reconstruction physique des lits de rivière.

    De plus, la désimperméabilisation du tissu urbain par la création de bassins de végétation, de lacs, de marais urbains, de jardin de pluie ou l’utilisation revêtements biosourcés ou perméables permet un renforcement de l’absorption des eaux par les sols ainsi qu’un enrichissement de la biodiversité au sein de la ville. Ces mesures peuvent d’ailleurs s’inscrire dans le cadre d’un urbanisme d’un nouveau genre : les villes éponges, qui visent à rendre à la ville sa perméabilité, tout en renforçant la collecte et l’utilisation des eaux de pluie.

    Dans cet objectif, il est nécessaire de s’affranchir d’une partie des normes d’urbanisme actuelles pour appliquer les principes de l’hydrologie régénérative au tissu urbain : ralentir, répartir, infiltrer. Ainsi il est nécessaire d’inverser la tendance en se plaçant réellement sur la trajectoire de zéro artificialisation nette en limitant le rythme des constructions neuves et en débétonnant une partie de ville. La zéro artificialisation nette ne doit pas être une finalité, mais une étape vers le zéro artificialisation brute, objectif qui consiste à cesser totalement de construire sur des zones agricoles ou naturelles. La zéro artificialisation brute permet, ainsi, de réduire drastiquement le recours à la compensation écologique.

    Proposition #10 : Résister à l’étalement urbain grâce à l’objectif de zéro artificialisation brute

    Rehausser l’objectif de zéro artificialisation nette vers la zéro artificialisation brute qui consiste à cesser totalement de construire sur des zones agricoles ou naturelles et abandonnant ainsi le principe de compensation écologique.

    En utilisant l’outil du Plan local d’urbanisme (PLU), déployer opérationnellement le ralentissement de l’étalement urbain pour atteindre l’objectif de zéro artificialisation brute à l’horizon 2050. De fait, procéder au déclassement massif des zones à urbaniser et exclure les projets de construction sur terre non imperméabilisée de l’accès aux prêts à taux zéro ou à des dispositifs de dégrèvement d’impôts (loi Pinel).

    Articuler en parallèle une trajectoire de désimperméabilisation des sols avec un renforcement des projets de densification de la ville. En guise d’incitation, cette mesure pourrait se traduire par la surtaxation des logements vides, et par l’exonération de taxe d’aménagement pour les projets de densification urbaine ne modifiant pas la surface au sol : réhabilitation de friches industrielles, construction d’espace surélevé, reconversion de bâtiments tertiaires vers le logement, développement de la multifonctionnalité et des nouveaux usages des bâtiments.

    À l’échelle de la région, soumettre les projets visant à renforcer l’attractivité du territoire à un contrôle démocratique, en mettant en débat auprès d’un panel de citoyens tirés au sort les impacts des projets avec les bénéfices à long terme pour les habitants.

    Enfin, l’hydrologie régénérative se donne également pour objectif d’avoir recours à l’eau de pluie dans les villes. La récolte de l’eau de pluie est l’une des méthodes d’autoapprovisionnement en eau les plus simples et les plus anciennes. La récolte ou culture de l’eau de pluie consiste à capter, accumuler et stocker l’eau issue des précipitations atmosphériques pour une utilisation à proximité. L’eau de pluie peut être recueillie des rivières ou depuis les toits et, dans de nombreux endroits, cette eau est redirigée vers une fosse, un réservoir, un puits avec percolation. Ses utilisations comprennent l’arrosage des jardins, l’abreuvage du bétail, l’irrigation, les utilisations domestiques avec un traitement approprié, le chauffage intérieur des maisons, etc. L’eau récoltée peut également être utilisée comme eau potable (via un traitement éventuel).

    Proposition #11 : Contre l’artificialisation, organiser la débétonnisation, la végétalisation et la renaturation

    Adjoindre à la trajectoire de « sobriété foncière », des objectifs clairs de dé-imperméabilisation des sols afin de reformer des îlots de végétalisation ainsi que des bassins de capture ou d’acheminement des eaux pluviales.

    Planifier la végétalisation maximale et la réintroduction des points d’eau dans le tissu urbain par l’augmentation de la surface d’espaces verts (parcs, pelouses, prairies urbaines), le déploiement de couverts végétaux sur les toitures et façades des bâtiments, la plantation d’arbres, la multiplication de zones d’ombrages, de couverts végétaux, l’introduction de lacs et de marais urbains.

    Planifier la renaturation des abords des cours d’eau et la restauration de leurs flux naturels en lui offrant une place à part entière dans les plans locaux d’aménagement du territoire.

    Inclure la protection de l’état des écosystèmes fluviaux et des zones humides dans les prérogatives des Agences de l’eau et dans le périmètre de contrôle de la Police de l’eau. Intégrer aux plans d’aménagements des territoires.

    [1] Graph’Agri 2022, agreste, 2022

    [2] L’irrigation du maïs représente-t-elle un quart de l’eau douce consommée en France ?; Avril 2023

    [3] Source : Office française de la biodiversité, Banque nationale des prélèvements quantitatifs en eau (BNPE). Traitement : SDES, 2022

    [4] Graph’Agri 2022, agreste, 2022

    [5] Les performances à l’export : Situation en 2022 ; France AgriMer, Juin 2023.

    [6] FAOSTAT : Food and agriculture data

    [7] FAOSTAT : Food and agriculture data

    [8] Source de données : FAOSTAT, inspiré des graphiques présentés dans le cours Sator de Charlène Descollonges concernant l’agriculture

    [9] Source de données : FAOSTAT, inspiré des graphiques présentés dans le cours Sator de Charlène Descollonges concernant l’agriculture

    [10] Source de données : FAOSTAT, inspiré des graphiques présentés dans le cours Sator de Charlène Descollonges concernant l’agriculture

    [11] Schumacher et al. (2023). « High temperatures exacerbated by climate change made 2022 Northern Hemisphere droughts more likely »

    [12] Cours Sator Charlène Descollonges, Juin 2023

    [13] « Qui veille au grain ? Du consensus scientifique à l’action publique », Les Greniers de l’Abondance, février 2022

    [14] Les émissions de gaz à effet de serre de l’agriculture ; notre environment ; février 2021

    [15] Mégabassines : la guerre de l’eau aura-t-elle lieu ?, Le Monde, Août 2020

    [16] Coordination Eau Bien Commun Auvergne-Rhône-Alpes

    [17] Les mégabassines, une fausse solution face au changement climatique : pour une irrigation comptaible avec l’agriculture et les ecosytémes, Confédération paysanne, février 2022

    [18] « Bilan de la quantité de l’eau au robinet du consommateur vis-à-vis des pesticides en France en 2021 », Ministère de la Santé et de la Prévention

    [19] Carte Adonis d’utilisation des pesticides en France ; Solagro ; 2021

    [20] Les ventes de pesticides et de glyphosate ont explosé en France ; Basta Media ; mai 2022

    [21] « Eau et milieux aquatiques ; les chiffres clés ; édition 2022 », EauFrance, ADES, 2022

    [22] « Eau et milieux aquatiques ; les chiffres clés ; édition 2020 », EauFrance, ADES, 2020

    [23] L’UE va renouveler l’autorisation du glyphosate pour 10 ans; France 24; Septembre 2023

    [24] Trop lourdes, les machines agricoles étouffent les sols, Reporterre, mai 2022

    [25] Qu’est-ce que l’agriculture écologiquement intensive ?, conférence de Michel Griffon, 2013

    [26] Pac 2023 : Les règles de la rotation des cultures enfin finalisées, La France Agricole, Juillet 2022

    [27] Pourquoi faire une rotation des cultures ?, AGTIV

    [28] « Qui veille au grain ? Du consensus scientifique à l’action publique », Les Greniers de l’Abondance, février 2022

    [29] Disparition des haies : une mission propose de renforcer l’application de la réglementation de la PAC ; Actu environnement.com ; Mai 2023

    [30] Le revers de notre assiette. Changer d’alimentation pour préserver notre santé et notre environnement, Solagro, 2019.

    [31] Quelques chiffres clés sur la consommation d’eau en élevage bovin, Web-agir, Avril 2020

    [32] Données FAOSTAT, rendement 2021 en France

    [33] Données FAOSTAT, rendement 2021 en France

    [34] Fiche le Millet; Agricultures & Territoires; 2019

    [35] Soja : rendements au top mais surfaces en baisse; Pleinchamp; Octobre 2021

    [36] Le scénario Afterres 2050, Solagro, 2016

    [37] + 1 degrés celsius = – 6% de rendement en blé, Terre-net Média, septembre 2017

    [38] Figure issue de : « Qui veille au grain ? Du consensus scientifique à l’action publique », Les Greniers de l’Abondance, février 2022

    [39] Association : pour une hydrologie régénérative

    [40] Face à la crise de l’eau : la solution de l’« hydrologie régénérative » ; Mr Mondialisation ; Mai 2023

    [41] Figure issue de l’intervention de Simon Ricard, Ingénieur et formateur, co-gérant de Permlab lors de la Table Ronde L’Hydrologie régénérative : une réponse adaptée aux enjeux climatiques et écologiques ?, Octobre 2022

    [42] Qu’est ce que l’hydrologie régénérative ? GAEC de Montlahuc, octobre 2022

    [43] Figure issue de l’intervention de Simon Ricard, Ingénieur et formateur, co-gérant de Permlab lors de la Table Ronde L’Hydrologie régénérative : une réponse adaptée aux enjeux climatiques et écologiques ?, Octobre 2022

    [44] Portail de l’artificialisation des sols

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