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Actifs fossiles, les nouveaux subprimes ? Quand financer la crise climatique peut mener à la crise financière

« L’Institut Rousseau publie aujourd’hui un rapport de première importance en coopération avec plusieurs organisations non-gouvernementales et associations françaises et étrangères spécialisées dans les questions financières et écologiques, au premier rang desquelles Les Amis de la Terre et Reclaim Finance. Le Monde et Bloomberg, ainsi que Die Zeit (Allemagne) et l’Avvenire (Italie) en assurent un décryptage en exclusivité. Ce rapport démontre que non seulement les grandes banques continuent de financer massivement les énergies fossiles mais également que ce type de financement peut constituer un danger de toute première importance pour la stabilité financière et monétaire. En effet l’exposition brute aux actifs fossiles d’un certain nombre de banques excède le niveau de leurs fonds propres. En d’autres termes, les actifs fossiles pourraient devenir les « subprimes » de demain. Pour sortir de cette situation, les auteurs proposent plusieurs solutions concrètes visant à permettre aux banques de se délester de leurs actifs fossiles en échange d’un engagement ferme à mieux financer la transition écologique (structure de défaisance), mais aussi des réformes profondes de la politique monétaire et prudentielle pour accompagner ce mouvement. » Nicolas Dufrêne, directeur de l’Institut Rousseau   Résumé exécutif L’addiction des banques aux énergies fossiles : un danger pour le climat Selon le rapport Banking On Climate Chaos 2021, les 60 plus grandes banques mondiales ont accordé 3 393 milliards d’euros[1] de financements aux entreprises du secteur des énergies fossiles entre 2016 et 2020[2]. Contrairement à ce que leurs discours et engagements peuvent laisser penser, les banques européennes n’ont pas infléchi leurs financements aux énergies fossiles. Certaines ont même continuellement augmenté leurs soutiens à cette industrie, première responsable des émissions de gaz à effet de serre. Pourtant, pour respecter l’Accord de Paris sur le climat adopté en 2015, il est impératif de mettre immédiatement fin au développement des énergies fossiles et d’en programmer la sortie progressive et totale. La production mondiale de charbon, pétrole et gaz fossile doit ainsi diminuer de 6 % par an d’ici 2030 pour nous laisser une chance de limiter le réchauffement à 1,5 °C[3], une trajectoire aux antipodes de celle que dessinent les flux financiers actuels. Les actifs fossiles : un double risque climatique et financier Le soutien des banques aux entreprises du secteur des énergies fossiles n’est pas nouveau. Avant comme après la signature de l’Accord de Paris, elles ont accumulé des centaines de milliards d’actifs financiers liés à l’exploration, à l’exploitation, au transport et à l’utilisation du charbon, du pétrole et du gaz. Or ces stocks d’« actifs fossiles » ont une importance déterminante pour la stabilité du climat comme celle du système financier. En fournissant fidèlement à cette industrie les capitaux dont elle a besoin pour opérer et investir, les banques financent des volumes colossaux d’émissions de gaz à effet de serre. Ce faisant, elles limitent également leur capacité à financer des alternatives durables, car les liquidités et réserves consacrées aux géants des énergies fossiles et à leurs projets sont autant d’argent qui ne peut être mobilisé en faveur de la transition. Ainsi, les banques accumulent des actifs financiers qui apparaissent comme sûrs selon leurs critères d’analyse actuels, mais sont en fait très exposés aux risques climatiques, toujours ignorés des acteurs financiers et de la réglementation bancaire. Avec la finance verte et des stratégies souvent incohérentes, le secteur financier tente de se voiler la face sur des risques qui deviennent pourtant de plus en plus importants au fur et à mesure qu’ils ne sont pas correctement traités. Car tous ces actifs fossiles risquent de devenir des « actifs échoués » – c’est-à-dire de perdre fortement de la valeur et de la liquidité, car le respect de l’Accord de Paris entraînera une baisse importante et continue de l’utilisation des énergies fossiles. Comme tous les risques, ces actifs échoués sont d’autant plus dangereux qu’ils sont ignorés : c’était le cas lors de la crise des subprimes – qui a engendrée de nombreuses faillites bancaires, une récession mondiale, une poussée du chômage et des inégalités –, et notre étude montre que l’ampleur du risque des actifs fossiles est sous-estimée par les milieux financiers. Dans ce contexte, la dévalorisation des actifs fossiles détenus par les banques qui accompagnera l’inévitable transition écologique, pourrait produire d’importantes turbulences voire générer une nouvelle crise financière. La perte de valeur plus ou moins rapide enregistrée par les banques pourrait aller jusqu’à les mettre en situation de faillite s’il s’avérait que leurs fonds propres – volume de capitaux détenu par les banques visant à leur fournir un matelas de sécurité en cas de coup dur – sont insuffisants pour l’absorber et que les mécanismes d’assurance ne suffisent plus. Ce contexte est le même que pour la crise des subprimes, où les banques, refusant pendant de longs trimestres d’ouvrir les yeux sur la catastrophe à venir, ont fait exploser une situation pourtant évitable, aboutissant à de nombreuses faillites bancaires, dont celle de Lehman Brothers – 4ème plus importante banque d’affaire des Etats-Unis de l’époque. Notre étude se propose d’évaluer ces risques financiers liés au climat pour les grandes banques de la zone euro, afin de promouvoir une gestion anticipée des stocks d’actifs fossiles compatible avec la préservation de l’environnement comme de la stabilité du système financier.   Les banques de la zone euro, au bord d’un gouffre invisible Notre étude approfondie des 11 principales banques de la zone euro révèle qu’elles cumulent un stock de plus de 530 milliards d’euros d’actifs liés aux énergies fossiles, soit 95 % du total de leurs fonds propres. Ces actifs représentent pour toutes les banques étudiées une part très importante de leurs fonds propres[4], allant de 68 % pour Santander à 131 % pour Crédit Agricole. Ceci est d’autant plus grave que ces actifs fossiles ne représentent que la face émergée de l’iceberg gigantesque formé par tous les secteurs qui nécessiteront forcément une transi- tion – aéronautique, automobile, pétrochimie, etc. On ne peut donc pas exclure un effet « boule de neige » menant à une crise. Dans le scénario dans lequel une perte de

Par Giraud G., Nicol C.

10 juin 2021

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