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Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine

Écologie

Pourquoi le low-code est-il le symptôme d’un numérique à outrance ?

Les services et produits numériques ont bouleversé notre manière de communiquer et de consommer. Dans un monde hyper connecté, la digitalisation s’est imposée comme une norme permettant de créer de nouvelles expériences répondant aux prétendus besoins de fluidité et d’immédiateté des utilisateurs, au point que le numérique a dépassé son statut de moyen et est devenu une fin en soi, comme en témoigne par exemple l’explosion du nombre de services et d’appareils connectés. Cette rhétorique développée par les géants du numérique tend d’une part à mettre un terme aux discussions internes[1] aux entreprises de cette industrie et d’autre part à occulter la dégradation dramatique de l’environnement[2] et celle des conditions de travail du nouveau prolétariat[3] sur lequel reposent ces « innovations ». Cet impératif d’innovation, qui impose une itération à haute cadence de la part des concepteurs et une mise sur le marché rapide, rend difficile la prise de recul et la réflexion sur les produits et services développés et sur les outils mêmes utilisés pour ces développements. Pourtant, si la répartition des impacts du numérique à l’échelle mondiale impute 45 % de la consommation énergétique à la production et à la fin de vie de nos terminaux, supports réseaux et centres informatiques, les 55 % restants sont dus à l’utilisation de ceux-ci[4]. Cette note vise à questionner la partie proprement immatérielle de notre environnement numérique : celle du code et en particulier du low-code, qui nous semble être un angle inexploré de l’étude des impacts environnementaux, économiques et sociaux du numérique. Compte tenu du rythme de pénétration des équipements numériques et des opportunités de marché associées, il est apparu nécessaire pour les entreprises (petites et grandes) de faciliter l’accès à des outils de développement informatique à l’extérieur de leurs services informatique et technologie (IT). Ainsi, dès le début des années 1990, Microsoft lance le mouvement « low-code » avec le Visual Basic. Il s’agit d’un langage de programmation qui ambitionne de développer plus rapidement des applications en disposant visuellement des composants, en définissant des propriétés et des actions associées à ces composants, et en ajoutant quelques lignes de code pour en préciser les fonctionnalités. Plus généralement, une plate-forme de développement low-code est un logiciel qui fournit un environnement visuel aux programmeur·euses et aux développeur·euses dits « citoyen·nes » pour créer une application mobile ou Web. Le terme « citoyen » est un faux ami qui provient de l’anglicisme consacré « Citizen Development ». Il désigne une approche du développement logiciel nécessitant peu, voire pas du tout, de connaissance en langage informatique. Grâce au low-code, cette nouvelle classe de développeurs peuvent ajouter et agencer des composants d’application préexistants par glisser-déposer et les connecter entre eux au moyen d’interfaces graphiques ; et ainsi se passer de programmation informatique traditionnelle. Finie, donc, l’écriture de code en tant que telle. Les champs d’opportunité du low-code sont aujourd’hui décuplés par l’explosion des offres de cloud computing qui offrent une puissance de calcul accrue et une possibilité de développement collaboratif, permettant aisément à des collaborateur·rices de travailler simultanément au développement d’une même application à partir de briques déjà conçues. Les environnements low-code permettent le développement, le déploiement, l’exécution et la gestion rapide d’applications reposant sur un paradigme de programmation déclaratif, c’est-à-dire qui décrit le résultat final souhaité plutôt que les étapes nécessaires pour y accéder. Ces étapes sont établies de manière automatique par des algorithmes. Dans un contexte où le marché du low-code s’agite et où cette technologie connaît un essor certain, avec en particulier le renforcement des positions des GAM (en effet, Apple et Facebook ne semblent pas, pour l’instant, désireux d’entrer dans le bal), cette note se veut initiatrice d’une réflexion autour, d’une part, des enjeux de sécurité, de gouvernance et de dépendance aux fournisseurs (souvenons-nous seulement de l’émoi suscité par la panne des services de Google survenue le 14 décembre dernier) et d’autre part son rôle dans l’alourdissement de la note écologique déjà salée du numérique mondial. NB : Il est important de relever qu’il existe une différence entre le low-code et le no-code, en particulier quant aux publics ciblés : si le no-code s’adresse à des auteurs plus novices (les développeur·euses citoyen·nes), n’ayant aucune connaissance en code et permet de développer des applications métier, le low-code reste plus complexe et s’adresse à des développeur·euses plus aguerri·es car il nécessite quand même la rédaction de code (jusqu’à 10 % du projet de développement, et souvent les parties les plus techniques). Cependant pour les problématiques discutées aujourd’hui, ces deux technologies sont assimilables. Nous pourrons tout de même noter que les questions soulevées sont d’autant plus préoccupantes pour la technologie no-code qu’elle ne nécessite aucun prérequis technique.   I. Un secteur prometteur   Le marché du low-code connaît depuis plusieurs semestres des taux de croissance impressionnants. Paul Vincent, directeur de recherche et d’analyse chez le géant du conseil américain Gartner, prévient : « Aujourd’hui, toutes les entreprises ont mis au point une stratégie cloud, demain elles auront aussi toutes une stratégie de développement low-code »[5]. a) Un produit attirant Selon les études de l’analyste ResearchAndMarkets en 2017, le marché du low-code pesait plus de 4 milliards de dollars dans le monde et dépassera les 27 milliards de dollars en 2022[6]. Ces chiffres sont confirmés par une deuxième étude plus récente, selon laquelle le marché des outils no-code/low-code atteindra les 45,5 milliards de dollars en 2025[7]. Gartner complète ces analyses en suggérant que la propagation du télétravail liée à la pandémie de Covid-19 favorise la poussée du développement à distance et renforce la nécessité d’outils de développement collaboratif. De nombreuses entreprises seront encore amenées à se tourner en 2021 vers des plate-formes de développement low-code pour déployer leurs programmes d’innovation et de transformation numérique[8]. Enfin, toujours selon Gartner, d’ici 2024 près de 65 % de toutes les applications développées le seront grâce à des plate-formes de développement low-code[9]. À plusieurs égards, ces produits présentent des avantages et offrent des perspectives de croissance pour les entreprises. La logique de compétitivité et de concurrence du marché dicte aux entreprises et aux organisations, d’une part, une

Par Leclercq V.

1 avril 2021

Comment accélérer la mise en place d’une comptabilité écologique

En janvier dernier, l’Institut Rousseau s’associait au réseau SDSN (Sustainable Development Solutions Network) et à l’Alliance PocFin (Post-Crisis Finance Research Network) pour lancer un appel à contributions, sous forme de « policy briefs », intitulé « Quelles réformes économiques et financières pour l’Agenda 2030 ? » Trois mois plus tard, nous avons reçu de nombreuses contributions très intéressantes incluant des propositions de réformes comptables, budgétaires, financières, monétaires ou relatives à la gouvernance des entreprises qui permettraient d’atteindre nos objectifs environnementaux et sociaux. Nous entreprenons désormais la publication de ces contributions, chaque lundi, en attendant l’organisation d’un grand évènement, en juin 2021, qui permettra de mettre en valeur ces travaux et de donner la parole à leurs auteurs. Nous sommes très fiers de commencer cette série par une note relative au renouvellement des modèles comptables au service de l’environnement, écrites par deux membres de l’Institut Rousseau.   Le développement économique et démographique fulgurant qui a lieu depuis la révolution industrielle se fait au détriment d’une biosphère humainement vivable, faisait passer l’humanité à l’ère de l’anthropocène : l’impact (négatif) de l’homme sur le vivant en fait désormais un facteur majeur à l’échelle géologique et menace même sa survie. Télécharger la note en pdf 9 frontières planétaires vitales ont été identifiées[1] (dont trois déjà franchies) 1) dérèglement climatique 2) déclin de biodiversité 3) acidification des océans 4) déplétion de l’ozone stratosphérique 5) perturbation du cycle de l’azote et du phosphore 6) charge en aérosols atmosphériques 7) consommation d’eau douce 8) changement d’affectation des terres (couverture forestière) 9) pollution chimique (notamment pesticides) 1, 2, 5 ont été franchies Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette situation catastrophique : au niveau philosophique/des croyances : la scission nature-culture/sujet-objet héritée de la philosophie des Lumières et que les Occidentaux ont diffusé dans la majeure partie du monde ; le consumérisme (« religion la plus répandue au monde »[2]) ; l’hubris humain etc. au niveau technologique : l’avènement des machines a rendu les carburants fossiles (charbon, gaz, pétrole) prépondérants dans notre mix énergétique ; les progrès agricoles et sanitaires ont eux permis l’explosion démographique au niveau de l’échelle : mondialisation, la hausse des flux d’échanges mondiaux (économiques, culturels, d’informations) En particulier, cette dernière est permise par la hausse du niveau d’éducation et notamment la diffusion de l’anglais comme langue mondiale du commerce, mais également par un langage commun pour les entreprises (actrices centrales de la création de valeur économique dans le monde marchand) : la comptabilité. La comptabilité, clé de lecture des activités des entreprise et de ses financeurs Qui utilise la comptabilité d’entreprise ? les entreprises formelles[3], pour lesquelles i) l’établissement de comptes annuels est une obligation et ii) la comptabilité est la matière brute permettant la gestion de l’entreprise. les financeurs : banques, fonds d’investissement et gestionnaires d’actifs professionnels, personnes physiques (dans une moindre mesure). l’État via i) la fiscalité, ii) la prise de participation (e.g. Aéroports de Paris) et iii) l’implication directe dans la gestion des entreprises (e.g. Société Nationale des Chemins de Fer). L’entreprise est l’agent économique marchand central, celui par lequel la valeur économique (en dollar, euro etc.) est créée et distribuée, via le paiement des charges opérationnelles (paiements aux fournisseurs et prestataires, salaires, loyers…), la rémunération du capital (dividendes, plus-values de cession, intérêts) et la fiscalité (impôts et taxes). L’entreprise moderne a la capacité de faire appel à des financeurs externes via la dette/le crédit ou l’investissement en fonds propres. Leur langage commun est celui de la comptabilité. Leur seule unité de compte : la monnaie. Leur tableau de bord : les états financiers (bilan, compte de résultat, tableau des flux de trésorerie). Leur principale mesure de performance : le profit. La production de biens et services a désormais lieu principalement via les entreprises. En économie de marché, la concurrence entre organisations se fait quasi exclusivement sur le rapport prix/qualité du bien ou service. Mais en l’absence d’internalisation dans les coûts monétaires des externalités négatives des activités économiques, le prix ne reflète pas les coûts réels sur le reste de la société à qualité équivalente. La réglementation, la norme, la fiscalité, se heurtent au manque de granularité et de fiabilité dans l’information disponible et mesurable sur les « externalités » négatives. On ne compte pas celles-ci, alors qu’on compte systématiquement les éléments « marchands » (via la comptabilité). La compréhension de ces écueils n’est pas nouvelle : en absence de réglementation parfaite et d’un État omnipotent, le privé non lucratif (via les associations d’intérêt général notamment) et le privé lucratif (entrepreneuriat social, investissements à impact…) répondent au problème à leur manière pour un développement économique « durable » (rapports d’activités, rapports d’impact etc.). L’alternative comptable offerte par la méthode CARE (Comprehensive Accounting in Respect of Ecology) Pour permettre à l’État, garant de l’intérêt général, d’adapter plus finement la fiscalité et la réglementation et ainsi favoriser les entreprises vertueuses et pénaliser les entreprises destructrices, il faut donner plus de transparence à l’impact environnemental de chaque organisation. Il faut changer la comptabilité. La méthode CARE, développée au sein de la chaire de comptabilité écologique, propose et expérimente des pistes qui vont dans ce sens. Les créateurs de la méthode CARE[4] proposent avant tout de changer de paradigme dans la manière de mesurer la performance, c’est-à-dire de changer la notion même de profit. Ce dernier est défini par Hicks[5] en 1939 comme « le montant maximum que l’on peut dépenser sur une période tout en maintenant le capital sur cette même période ». Il est indissociable du principe de préservation du capital, et donc d’amortissement. Cependant, dans son utilisation actuelle, le profit a plusieurs défauts : il est distribué aux seuls actionnaires[6], sans considération des autres parties prenantes le capital qu’il est nécessaire de préserver est uniquement le capital financier, il ne prend pas en compte la préservation du capital naturel et du capital humain. Ces limitations, sans en être la cause unique, ont favorisé une économie marchande certes efficace du point de vue financier[7], mais défectueuse voire prédatrice du point de vue humain et environnemental. Concrètement, la

Par Kuhanathan A., Métadier B.

29 mars 2021

Les élus face au dilemme de l’achat public local

« Pourquoi le maire n’a-t-il pas confié les travaux de la salle des fêtes à quelqu’un du coin ? » ; « Quitte à imprimer des tracts pour le marché de Noël, autant soutenir l’imprimeur local… » ; « Comment est-ce possible que la fabrication dordognaise de cartes vitales ait été délocalisée en Inde ? ». Régulièrement, les citoyens reprochent aux élus de ne pas dépenser localement l’argent public. Mais quelles sont vraiment les règles applicables ; ont-ils seulement le droit d’exprimer une telle préférence ? Le 27 janvier 1986, la commune de Ventenac-en-Minervois, située dans le département de l’Aube, décide de sélectionner une entreprise pour construire un bâtiment industriel à usage de pelleterie, c’est-à-dire spécialisé dans la préparation de fourrures. Elle indique dans l’avis d’appel d’offre sa préférence pour une entreprise locale, afin de soutenir l’emploi et les finances de la ville. À l’époque, la législation applicable laisse une marge de manœuvre importante aux acheteurs publics et le maire a toutes les raisons de penser qu’il agit dans l’intérêt des habitants de sa commune. Finalement, le marché public est bien attribué à une entreprise implantée à proximité, mais un concurrent évincé saisit le juge administratif, qui sanctionne l’usage du critère de préférence locale[1]. Cette solution jurisprudentielle n’a pas pris une ride depuis et l’incompréhension demeure car l’impact économique de la commande publique n’est plus à démontrer[2] : pourquoi ne pas s’en servir pour soutenir l’emploi et le dynamisme des communes, départements et régions ? L’Institut Rousseau propose un état des lieux et des solutions pour favoriser la commande publique responsable et locale.   1/ Aux origines de l’interdiction de la préférence locale   Pour comprendre les raisons qui poussent le Conseil d’État à sanctionner la commune de Ventenac-en-Minervois en 1994, il faut se rappeler que, dès 1957, le Traité de Rome interdit toute discrimination en raison de la nationalité[3], qu’elle soit ostensible ou dissimulée[4]. Aucune réglementation nationale ne peut donc valablement réserver un pourcentage de marchés publics à des entreprises nationales ou régionales[5]. En 1992, la Cour de justice des communautés européennes (CJCE), rebaptisée depuis le Traité de Lisbonne, en 2009, Cour de justice de l’Union européenne, pose également le principe d’interdiction de toute préférence locale : il est rigoureusement interdit d’attribuer un marché public sur la base d’un critère d’origine ou d’implantation géographique des candidats[6]. Plutôt que d’intervenir directement dans l’économie – en l’occurrence pour soutenir une entreprise au motif qu’elle est implantée localement – l’État s’efface et revendique sa neutralité. Cette solution d’inspiration néolibérale a été reprise dans l’Accord sur les marchés publics (AMP) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), dont la France est membre : il est interdit de discriminer en accordant une protection à des fournisseurs, marchandises ou services nationaux[7]. Il existe néanmoins une exception, lorsque l’implantation géographique est nécessaire à la bonne exécution du contrat, par exemple pour intervenir rapidement[8]. Mais, outre le fait que les exemples sont rares, même dans ce cas, le critère géographique ne peut pas préexister à l’attribution du marché, c’est-à-dire qu’un candidat qui s’engage à s’implanter localement devra être considéré au même titre qu’un autre déjà présent sur place[9]. Plusieurs principes – dits fondamentaux – assurent l’effectivité de la non-préférence locale. À travers la publicité du marché et la mise en concurrence des entreprises, les acheteurs publics assurent l’égalité d’accès. Tout au long de la procédure, ils traitent les candidats de la même manière et de façon transparente, ce qui leur permet, in fine, de choisir l’offre la plus avantageuse[10] en fonction des critères déterminés au départ[11]. Il faut dire, enfin, que l’existence d’une sanction pénale dissuade fortement de braver cette interdiction[12]. Il est unanimement admis que la publicité, la mise en concurrence et la transparence des procédures ont amélioré l’efficacité de la commande publique et permis de mieux utiliser les deniers publics. Tout au long des dernières années, il faut saluer le travail de ceux qui ont œuvré pour que ces règles se généralisent dans les pratiques des acheteurs publics. Il n’en demeure pas moins que la non-préférence locale est un choix politique, qui pourrait évoluer sans remettre en cause tout ce mouvement de rationalisation.   2/ L’approvisionnement auprès des entreprises de proximité   En réalité, certaines évolutions ont déjà eu lieu ; des moyens existent dans le corpus de règles applicables pour favoriser, indirectement et subtilement, les entreprises de proximité. Réunie en septembre 2020 pour discuter du « retour en force du made in France dans la commande publique », l’Association pour l’achat dans les services publics (APASP), qui réunit plus de deux mille acheteurs, remarquait qu’il est difficile de déterminer ce qu’est un produit fabriqué en France. Il est vrai que la question mérite d’être posée et que l’étiquetage obligatoire des produits apparaît comme un préalable nécessaire au développement d’un véritable achat public local, au même titre – d’ailleurs – que pour tous les consommateurs[13]. Mais, même si cet étiquetage existait, comment concilier le soutien aux entreprises avec la prohibition de toute préférence locale ? 2.1 – L’introduction de clauses environnementales et sociales Le premier élément de réponse a été introduit par une directive européenne de 2004[14], qui prévoit la possibilité de prescrire des caractéristiques environnementales et sociales dans les spécifications techniques des marchés publics. Concrètement, les acheteurs peuvent exprimer – avant la publicité – une préférence pour la méthode de production ou les caractéristiques environnementales des produits et des services qu’ils cherchent (limitation des émissions de gaz à effet de serre, qualité, fraîcheur, saisonnalité, par exemple). Ils peuvent aussi prendre en compte le nombre d’emplois créés[15] ou faire usage d’un écolabel, à condition que ces critères soient accessibles et disponibles à tous[16]. Pendant l’exécution, ils ont la faculté de favoriser l’emploi de personnes handicapées ou en difficulté, la formation des chômeurs ou des jeunes, et ce même au-delà de ce qui est exigé par la législation nationale[17]. En 2012, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a consacré cette pratique, dans le cadre d’un marché public de thés et cafés issus du commerce équitable[18] et, depuis 2018, le développement durable – dans ses

Par Arnault G.

15 mars 2021

Pour une garantie à l’emploi vert

Le chômage est une épreuve. Pour qui est privé d’emploi, sa prolongation constitue une expérience d’autant plus difficile que le travail utile à la société est inépuisable. Comment qualifier une société qui condamne des millions de gens à « l’inutilité » ? Comment accepter un phénomène de marginalisation sociale à grande échelle ? L’habitude du chômage nous fait parfois oublier à quel point il est une absurdité. Le chômage, au sens moderne du terme, est la privation d’un emploi salarié. Il naît avec l’essor du salariat et les premières crises du capitalisme industriel au XIXème siècle. Il se «massifie » au crépuscule des Trente Glorieuses, pour atteindre des taux oscillant entre 7 et 11 % de la population active française. Aucun gouvernement n’en est venu à bout. Nous nous accommodons trop souvent du chômage de masse. Il ne serait, finalement, qu’une variable d’ajustement douloureuse en période de crise, le pendant négatif d’un modèle économique par ailleurs vertueux. En dépit de sa nécessité, l’assurance chômage contribue à entretenir cette apparence de normalité. Comme son nom l’indique, elle assure les personnes contre un nouveau risque créé par la société industrielle. Pourtant, le chômage de longue durée provoque la dissolution du lien social. En France, il est plus élevé que la moyenne des pays développés. « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi » affirme le préambule de la Constitution de 1946. À ce titre, le droit à l’emploi fait partie du « bloc de constitutionnalité ». Sa valeur juridique est supérieure aux lois.Force est de constater qu’il est bafoué dans les faits. L’institut Rousseau et Hémisphère gauche proposent de donner corps à cette promesse constitutionnelle en créant un million d’emplois dans les métiers de la reconstruction écologique et dans ceux du lien social. La garantie à l’emploi propose un emploi à ceux qui en sont durablement privés, tout en contribuant à l’effort de reconstruction écologique de notre pays. L’État impulse et finance cette proposition, tandis que les emplois sont identifiés localement en fonction des besoins de chaque territoire. Ces emplois peuvent être portés par des entreprises, des administrations ou des structures de l’économie sociale et solidaire. Un million d’emplois pourraient êtrecréés grâce à ce dispositif, pour un coût inférieur aux politiques de lutte contre le chômage existantes.   Sommaire I/ Le chômage de masse est une absurdité économique et sociale dont le coût est exorbitant pour la société. A/ Le chômage de longue durée est une absurdité, synonyme de perte de richesse pour la société et d’exclusion sociale B/ Depuis 40 ans, les politiques de lutte contre le chômage présentent un bilan décevant et n’ont pas permis d’éradiquer le chômage de longue durée II/ La garantie à l’emploi : un nouvel horizon de la lutte contre le chômage A/ Le droit à l’emploi, qui a valeur constitutionnelle, doit être réaffirmé B/ La garantie à l’emploi émerge comme une politique volontariste de lutte contre le chômage C/ La France connaît déjà plusieurs embryons de garantie à l’emploi III/ La garantie à l’emploi devrait être ciblée sur les emplois nécessaires à la reconstruction écologique et au renforcement du lien social A/ Identifier les besoins : la reconstruction écologique et les métiers du lien B/ Partir des territoires : les emplois doivent être identifiés au niveau de chaque bassin de vie, par des comités locaux pour l’emploi solidaire C/ Les comités locaux pour l’emploi solidaire pourront s’appuyer sur plusieurs dispositifs IV/ Conclusion   I/ Le chômage de masse est une absurdité économique et sociale dont le coût est exorbitant pour la société. A/ Le chômage de longue durée est une absurdité, synonyme de perte de richesse pour la société et d’exclusion sociale.   1. La France compte près de 4 millions de chômeurs. La France compte 3,8 millions de personnes sans emploi[1]. À ces 3,8 millions de chômeurs, s’ajoutent 2,2 millions de personnes en situation d’emploi précaire : elles enchaînent des intérims, subissent des temps partiels. Les contrecoups de la pandémie de Covid-19 pourraient encore accroître le chômage en 2021. Dans le contexte de la pandémie, les plans sociaux s’accumulent. Du mois de septembre 2020 au mois de décembre, 35 000 licenciements ont été annoncés[2]. Avant le secteur du commerce (6 057 suppressions de postes) et de l’hébergement-restauration (4 659 postes), c’est celui de l’industrie manufacturière où les destructions de postes sont les plus nombreuses (17 570). En cumul depuis le 1er mars 2020 et le 1er janvier 2021, 84 100 ruptures de contrats de travail ont été prononcées dans le cadre de plans de sauvegarde de l’emploi (PSE), soit près de trois fois plus que sur la même période l’année précédente. Un million de personnes supplémentaires pourraient se retrouver au chômage d’ici à la fin du premier semestre 2021. Depuis près de 40 ans, la France connaît un chômage massif qui oscille entre 8 et 10 % de la population active. Taux de chômage, France, 1975-2019 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015 2019 Taux (%) 3.4 5.3 8.8 7.9 10.0 8.6 8.9 9.3 10.3 8.4 Source : Insee, enquêtes Emploi, séries longues sur le marché du travail.   Parmi eux, les chômeurs de longue durée, privés d’emploi depuis plus d’un an, représentent une part stable et élevée, autour de 40 % du nombre de chômeurs global (entre 3,5 et 4 % de la population active). Le chômage de longue durée a pris une ampleur préoccupante en France. Au quatrième semestre de 2020, il concerne 2,8 millions de personnes selon Pôle emploi[3] et 1,2 millions selon l’INSEE. Entre 2006 et 2015, le taux de chômage de longue durée est en progression de 3,9% alors que dans le même temps il a diminué de plus de 25 % en Allemagne. Dans les pays de l’OCDE, les chômeurs de longue durée représentent en moyenne 25,8 %[4] du total des chômeurs, soit 15 points de moins qu’en France.   2. Le chômage de longue durée est une exclusion sociale pour les personnes qui y sont confrontées et une perte de richesse pour la société.   Le chômage de

Par Hémisphère Gauche, Institut Rousseau, Ridel C., Ouizille A.

7 février 2021

Stop à la neutralité carbone en trompe-l’oeil L’empreinte carbone au service d’une nouvelle stratégie industrielle

Le Haut conseil pour le climat (HCC) a publié le 6 octobre 2020 un rapport intitulé « Maîtriser l’empreinte carbone de la France ». Ce rapport, issu d’une commande parlementaire, a pour objectif de produire une étude sur l’empreinte carbone française et ses déterminants sur la base d’un constat : les émissions liées au commerce international sont une partie importante de la contribution de la France aux émissions de gaz à effet de serre (GES). Ces émissions « importées » sont paradoxalement et largement sous les radars des engagements internationaux et des politiques publiques, puisque le principal outil politique de lutte contre les émissions carbones – la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) – n’en tient pas compte. En se concentrant sur l’indicateur-clef qu’est « l’empreinte carbone », le HCC rappelle ce qui devrait être une évidence : la contribution de la France au réchauffement climatique ne se limite pas aux émissions de gaz à effet de serre produites sur son territoire (6,7 tonnes équivalent CO2 par habitant) mais elle inclut aussi celles produites ailleurs pour la consommation des français : émissions importées (6,4 tonnes équivalent CO2 par habitant en 2018), et liées au transport international (24,4 millions de tonnes équivalent CO2 en 2019 pour la France). Ce rapport du HCC éclaire donc un problème de cadrage coupable dans les politiques publiques : la non prise en compte des émissions de GES liées au commerce international. En mettant en évidence les acteurs qui consomment ces importations (acteurs économiques, entreprises comme ménages) le HCC montre l’existence de leviers d’action, certes indirects, à la disposition des pouvoirs publics. En effet, « la réduction des émissions importées ne repose pour le moment que sur les engagements de réduction des autres pays du monde, pour l’instant insuffisants en regard des objectifs de l’accord de Paris » (p.23). Une politique volontariste est possible sous réserve de la construction d’indicateurs opérationnels notamment en ce qui concerne les grands partenaires commerciaux extra-européens de la France, et de l’intégration de ces émissions dans la SNBC. Toutefois, les recommandations du rapport portant sur l’actualisation d’une stratégie industrielle, laquelle permettrait, en relocalisant, de réduire les émissions importées tout en construisant une industrie nationale et européenne plus durable, sont timides. L’empreinte carbone est pourtant un indicateur au coeur des réflexions sur les ajustements carbone aux frontières et sa réduction un argument fort en faveur d’une reprise en main des chaînes de production.   I. Qu’est ce que l’empreinte carbone ?   L’empreinte carbone est un indicateur national agrégé qui mesure, pour chaque secteur, les émissions produites en amont de la demande finale. L’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) la définit comme l’ensemble des « pressions sur le climat de la demande intérieure française, quelle que soit l’origine géographique des produits consommés ». Cela intègre les émissions liées à la production des biens et services consommés en France, en plus des émissions liées à leur usage : l’ensemble des GES émis pendant la fabrication, puis l’assemblage, en Asie par exemple, puis le transport d’un produit jusqu’à la distribution au consommateur final français sont comptabilisés dans l’empreinte carbone de la France. Cet indicateur ne prend pas en compte les émissions liées à la fin de vie des produits (recyclage et traitement), à la différence des « analyses en cycle de vie » (ACV), réalisées à l’échelle de produits particuliers, dans le cadre d’un mode de production donné[1]. Il ne prend pas non plus en compte les émissions liées aux produits fabriqués en France et exportés pour être consommés à l’étranger. Toutefois, le HCC fait le choix de les évoquer dans son rapport pour donner une vision plus complète des émissions liées au commerce international. L’actualité nous rappelle d’ailleurs leur importance : ce lundi 12 octobre, Bruno Le Maire annonçait une série de mesures pour verdir les aides à l’exportation françaises, en excluant toutefois de s’attaquer au soutien à des méga-projets d’exploitation de gaz jusqu’en 2035, à l’image du projet de Total en Arctique, incompatible avec le respect de l’accord de Paris[2]. L’empreinte carbone est donc un indicateur précieux, puisqu’il comptabilise l’ensemble des GES émis au service de la consommation des français. Par opposition, la Stratégie nationale bas carbone utilise aujourd’hui un autre indicateur : les émissions territoriales de la France, c’est-à-dire l’ensemble des émissions réalisées sur le territoire français. Cela comprend la production de biens destinés à l’export, mais laisse de côté les émissions des produits fabriqués à l’étranger pour la consommation française, ainsi que les émissions du transport international. Le choix de l’indicateur est bien entendu crucial pour guider l’action politique : si on ne considère que les émissions domestiques françaises par habitant, elles ont diminué de 30% entre 1995 et 2018, mais l’empreinte carbone, qui prend en compte l’accroissement des émissions importées (+78 % depuis 1995), montre une augmentation de l’émission de CO2 de la France sur la période, qui représente aujourd’hui 11,5 t éqCO2/hab.   II. Réaffirmer la responsabilité climatique de l’État dans les échanges internationaux   L’empreinte carbone se distingue donc des inventaires d’émissions nationales établis dans le cadre de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Ces derniers ne considèrent que la responsabilité d’émission de GES sur le territoire, alors que l’empreinte carbone intègre la responsabilité de consommation[3] des français. Les objectifs de réduction que la France s’est fixée, dans le cadre de la contribution déterminée au niveau national (CDN) à l’accord de Paris soumis par l’Union européenne (UE), ou dans celui de sa SNBC, portent sur ses seules émissions territoriales. La question qui se pose est ici éminemment politique : à qui va la responsabilité des émissions de GES entre le pays producteur et le pays consommateur/importateur dans le marché mondial ? L’empreinte carbone, en posant la question de la « responsabilité des émissions », dénonce la vision véhiculée par les sommets internationaux où se rencontreraient selon la nouvelle terminologie des « pays en voie de décarbonation » (épigone du terme « pays développés ») et de « pays en retard » sur cette transition. La prise en compte du commerce international, point d’achoppement des négociations pour le

Par Gonon M.

25 octobre 2020

Illusions et impasses du budget 2021 et du plan de relance sur la question écologique : nos pistes pour faire autrement

Le projet de loi de finances (PLF) pour 2021, comprenant le plan de relance, a été présenté le 28 septembre dernier. Malgré de grands effets d’annonce, dont les fameux 32 milliards supplémentaires « pour l’écologie », une analyse plus détaillée révèle que le compte n’y est pas et que ce budget est largement insuffisant pour amorcer une restructuration en profondeur de notre économie à la hauteur de nos engagements climatiques (seuls 6,6 milliards d’euros de crédits en faveur de l’écologie seront réellement décaissés en 2021). Si des progrès sont à souligner, tels que, entre autres, le plan hydrogène ou le renforcement du plan vélo, des incohérences subsistent puisque les activités polluantes demeurent largement subventionnées en parallèle des dépenses supplémentaires, quoique très insuffisantes, pour le verdissement de l’appareil de production et la maîtrise de nos dépenses d’énergie. En outre, sur le plan de la fiscalité et de la transposition des propositions de la Convention citoyenne pour le climat (CCC), on constate peu d’avancées et quelques reculs. Il faut, toutefois, saluer le fait qu’il s’agit du premier budget qui procède à une classification systématique des dépenses de l’État en fonction de leur impact sur l’environnement comme cela était prévu par l’article 179 de la loi n°2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020[1]. Le résultat laisse cependant songeur : sur un volume de dépenses totales des ministères représentant près de 378 milliards d’euros, seuls 53 milliards d’euros de dépenses sont identifiés comme ayant un impact sur l’environnement, dont 42,8 milliards d’euros ont été évalués comme favorables à l’environnement contre 10 milliards d’euros jugés défavorables. On découvre avec étonnement que toutes les aides au secteur numérique, y compris le soutien à la 5G, ou encore la baisse de 20 milliards d’euros des impôts de production n’ont aucun effet environnemental, mais que les 118 millions d’euros d’aides à la presse sont en revanche considérés comme défavorables à l’environnement. Bercy reconnaît également que les dépenses immobilières ou de fonctionnement (notamment les carburants) ne sont pour l’instant pas intégrées à l’exercice d’évaluation, ce qui devrait être corrigé par la suite. Le premier constat est donc celui-ci : si le travail d’évaluation du budget vert est éminemment louable, celui-ci demeure largement perfectible. Néanmoins, les critiques principales que l’on peut adresser à ce budget « vert » portent sur le volume et sur le contenu des dépenses. I. Un volume de dépenses en trompe-l’œil et loin des enjeux Concernant le plan de relance, il convient ainsi de signaler que les 100 milliards d’euros annoncés (sur deux ans) se sont transformés in fine en 22 milliards d’euros de crédits de paiement pour 2021, dont seulement 6,6 milliards pour la transition écologique, auquel il convient d’ajouter 10 milliards d’euros en dépenses fiscales pour la baisse des impôts de production. Pour atteindre les 100 milliards sur deux ans, le plan de relance inclut en réalité des dépenses déjà votées en lois de finances rectificatives pour 2020 (par exemple la dotation de soutien à l’investissement local de 5 milliards d’euros) et renvoie le reste à 2022 ou au-delà. Cela a une conséquence directe : le soutien public à l’économie va nettement se restreindre en 2021 par rapport à 2020, alors même que la crise est loin d’être terminée. Avec un volume total de dépenses prévues de 378,7 milliards d’euros pour 2021, le budget se situera nettement en dessous des 394,7 milliards d’euros de dépenses prévues par la troisième loi de finances rectificatives pour 2020 votée en juillet 2020. Cela signifie que l’extinction progressive des mesures instaurées en 2020 en faveur du soutien d’ensemble à l’économie (et notamment l’activité partielle, le fonds de solidarité pour les TPE ou les avances remboursables pour PME et ETI), ne sera qu’à moitié compensée, en 2021, par des dépenses supplémentaires issues du plan de relance. Quand on prévoit une récession pour 2020 d’environ 10 % du PIB, soit plus de 250 milliards d’euros de pertes de revenus, on peut s’interroger sur ce recul global des dépenses publiques, qui est certainement précipité et motivé par l’objectif de revenir rapidement sous la barre des 3 % de déficit. On peut aussi se demander pourquoi le Gouvernement tient tant à faire reculer le déficit public de 10 à 6 % du PIB entre 2020 et 2021 alors que l’État emprunte à – 0,2 % sur 10 ans et à seulement 0,4 % sur 30 ans ? Nous commençons en effet à peine à apercevoir les dégâts souterrains sur l’économie qui seront provoqués par la montée du chômage et la multiplication des défaillances d’entreprises. Tout se passe donc comme si le Gouvernement prévoyait une reprise en V (avec un chiffre exagérément optimiste de 8 % de croissance en 2021 qui a été épinglé par le Haut Conseil des finances publiques dans son avis sur le budget) alors que la reprise sera certainement en K avec un plongeon initial de l’ensemble de l’économie, puis une reprise rapide de certaines branches d’activités (numérique, énergie, luxe) quand la descente aux enfers va se poursuivre pour d’autres secteurs. Il est ainsi à craindre que le retrait trop rapide des mesures de soutien à l’économie, et l’absence de mesures de soutien à la consommation (pas de baisse de la TVA, pas de hausse du SMIC, pas de dégel du point d’indice de la fonction publique) n’handicapent sérieusement la reprise. En outre, même en ce qui concerne les mesures structurelles, il faut rappeler que, avant même la crise du Covid-19, France Stratégie, I4CE, l’Agence de la transition écologique (ex-ADEME) ou encore la Cour des comptes européenne avançaient un besoin de financements supplémentaires pour la transition d’un ordre de grandeur compris entre 15 et 40 milliards d’euros par an, par rapport à ce qui est investi actuellement (environ 40 milliards). Transition agroécologique et plan de circularisation de l’économie compris, c’est sans doute quelques 75 à 100 milliards d’euros supplémentaires que la puissance publique devrait investir chaque année. Or, comme souligné, sur les 22 milliards de crédits de paiement du plan de relance, seuls 6,6 milliards viendront alimenter des dépenses favorables à l’écologie. Le premier

Par Dufrêne N., Gilbert P.

18 octobre 2020

Faire atterrir le grand déménagement du monde : vers une mobilité post-carbone

Introduction Pour l’historien des pandémies Patrice Bourdelais, le doublement du trafic aérien entre 2006 et 2018, avec 4,3 milliards de passagers par an, est « l’une des variables essentielles de tous les modèles épidémiologiques »[1]. Le « grand déménagement du monde », en plus d’avoir pour corollaire une explosion des émissions de gaz à effet de serre, est donc un facteur de vulnérabilité inédit. Le rythme des échanges, d’hommes comme de matières, prend de court nos défenses immunitaires et nos systèmes de santé. Transporter moins et mieux : telle est une des grandes orientations que devrait prendre « le monde d’après ». Il convient dès lors de dégager des pistes de politique publique réalistes visant à la transition qualitative du secteur du transport, afin de diminuer au maximum son impact environnemental, tout en favorisant l’emploi et la résilience économique de nos acteurs nationaux. Les transports représentent un quart des émissions mondiales de CO2 en 2016, d’après les chiffres de l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE). Les trois quarts des émissions liées au transport sont dues aux camions, bus et voitures. La route a ainsi généré 5,85 gigatonnes de CO2 en 2016, selon l’AIE. Une hausse de 77 % depuis 1990. Avec 0,91 gigatonne par an, l’avion arrive deuxième. Le transport aérien est donc globalement responsable de 2,8 % des émissions de CO2 dans le monde[2]. En France, le secteur du transport est le plus polluant avec 30 % des émissions de CO2[3], loin devant le bâtiment résidentiel et tertiaire (20%)[4]. Ce chiffre est par ailleurs en hausse de 12 % entre 1990 et 2016, là où nos propres objectifs, énoncés dans la dernière SNBC (Stratégie Nationale Bas Carbone) sont de diminuer de 31 % les émissions du secteur à l’horizon 2033[5]. L’empreinte carbone des Français s’élève 11,2 tonnes de CO2 par habitant[6]. Cette empreinte comprend les émissions directes produites sur le territoire national – moins le CO2 généré pour les produits d’exportations – plus les émissions importées, c’est-à-dire le CO2 émis indirectement par nos importations (fabrication, fret, etc.). Si l’on considérait seulement les émissions directes du territoire français, nous n’en serions qu’à 6,6 tonnes de CO2 par habitant, sans compter les émissions de GES des secteurs des transports maritimes et aériens internationaux. Autrement dit, plus de 40% de nos émissions sont importées. D’ailleurs, si nos émissions nationales ont légèrement diminué depuis les années 1990, notre empreinte carbone globale a augmenté[7]. Au niveau européen, les émissions importées représentent un peu moins de 20 % de l’empreinte carbone totale du continent, selon les calculs d’Eurostat. Mais cette part augmente d’année en année. C’est là la conséquence climatique directe de l’élan de mondialisation inhérent au néolibéralisme thermo-industriel. Le taux d’ouverture économique, c’est-à-dire le rapport de l’activité extérieure (importations et exportations) par rapport au PIB, a triplé depuis les années 60 pour atteindre 34 % en 2007, tant en volume qu’en valeur. Il s’est replié avec la crise de 2008 puis s’est redressé pour atteindre 32% en 2016. Derrière ces chiffres se cache une réalité physique : les capacités de transport mondial explosent. Le nombre de navires, d’avions et autres véhicules atteint des sommets, facilitant d’autant le transit des pathogènes. Selon le cabinet Carbone 4, que ce soit par voie maritime, aérienne ou terrestre, le pétrole assure 95 % des besoins du transport de marchandises dans le monde. La consommation pétrolière du secteur du transport de marchandises a pratiquement doublé depuis 1973, et le transport en général est responsable des deux tiers de la consommation mondiale de brut[8]. En France, sur la totalité du volume des produits pétroliers importés, qui grèvent d’ailleurs notre balance commerciale à hauteur de 35 milliards d’euros[9], plus de la moitié se destine au domaine du transport. Selon la Cour des comptes européenne, il sera nécessaire d’investir chaque année, entre 2021 et 2030, 1115 milliards d’euros pour atteindre les objectifs de l’Union européenne en matière de climat. Cette somme se divise ainsi : 736 milliards d’euros dans le secteur des transports, 282 milliards dans le secteur résidentiel et dans le secteur des services, 78 milliards dans les réseaux et la production énergétique, et 19 milliards d’euros dans l’industrie. Le secteur du transport est donc de loin le plus gourmand en capital. L’effort est de fait particulièrement intense en termes d’adaptation des infrastructures publiques, d’aménagement du territoire et d’acquisition de matériel. Un ensemble d’activités qui peuvent structurer un regain de dynamisme global pour notre économie et nos emplois, si la puissance publique se donne les moyens d’un plan de relance ambitieux et articulé à nos impératifs climatiques[10]. Dans cette note sur les mobilités, nous cherchons à définir les pistes de sortie de crise à privilégier, au sein des secteurs spécifiques que sont le transport maritime et fluvial, ferroviaire, aérien, automobile et des mobilités dites « douces » comme le vélo. Ces pistes doivent aussi être articulées avec le reste des propositions de l’Institut Rousseau, particulièrement avec un mouvement de relocalisation rapide d’un ensemble de productions stratégiques, inscrit dans un effort de circularisation de l’économie. Pourquoi ? Parce que sans une baisse globale du volume de marchandises transportées, il sera difficile de tenir nos objectifs climatiques. C’est d’ailleurs ce que souhaite très largement la population française, puisque 89% de nos concitoyens souhaitent une relocalisation de l’industrie, « même si cela augmente les prix », et 87% souhaitent un renforcement de la politique écologique.[11] Table des matières I) Transport maritime : redimensionner la flotte mondiale et atténuer son impact A) Un secteur en crise B) Un impact environnemental et sanitaire à réguler C) Organiser la conversion bas carbone de la flotte mondiale II) Ferroviaire : une montée en puissance rapide du rail A) Le rail abandonné au profit du camion B) Systématiser le fret ferroviaire C) Reconstruire un réseau dense et lancer une nouvelle génération de trains III) Automobile : vers une route post-pétrole A) Sortir de l’imaginaire SUV B) Lancer aujourd’hui la conception et la construction des voitures de demain C) Pousser le véhicule hydrogène D) Une infrastructure routière à adapter IV) Aérien : faire atterrir le kérosène pour mieux redécoller A) Rendre les alternatives à l’avion faciles et systématiques

Par Gilbert P.

27 juillet 2020

Garantir des traitements dignes aux animaux pour limiter le risque d’épidémie

Le premier cas humain infecté par le Covid-19 a été détecté sur un marché d’animaux vivants destinés à la consommation à Wuhan en Chine le 17 novembre 2019[1]. Malgré l’imprécision sur la source épidémiologique d’origine du Covid-19, les scientifiques s’accordent sur le fait que l’animal est la source et le transmetteur. Le Covid-19 s’ajoute ainsi à la longue série de pandémies transmises des animaux aux hommes. L’Organisation mondiale pour la santé animale (OIE) souligne que les maladies infectieuses zoonotiques provenant des animaux, telles que la peste, la rage ou la tuberculose[2], représentent 60 % des maladies infectieuses humaines déjà existantes et qu’elles croissent. L’OIE estime que « 75 % des agents pathogènes des maladies infectieuses humaines émergentes, notamment Ebola, le VIH et la grippe aviaire, sont d’origine animale ». En effet, les dernières pandémies sanitaires internationales provenant directement des animaux sont nombreuses : le VIH, la maladie de Creutzfeldt-Jakob, dite maladie de la « vache folle », provenant de l’ESB, les coronavirus, les grippes aviaires (H7N9 et H5N1), la grippe porcine (H1N1) ou encore Ebola. Les pandémies questionnent à chaque fois notre rapport à l’animal, qu’il soit sauvage ou domestique, ainsi que notre modèle agricole et notre système de santé[3]. Cependant, jamais une zoonose n’avait autant désorganisé les sociétés que le Covid-19, conduisant au confinement massif de la population. La crise sanitaire, économique et sociale provoquée par le Covid-19 nous invite à repenser notre système agricole et nos régimes alimentaires pour améliorer la biosécurité. Cette dernière désigne l’ensemble des mesures sanitaires prises pour protéger en amont l’élevage de l’entrée d’éléments pathogènes, de la transmission au sein de l’élevage et de sa propagation à d’autres élevages ou à l’homme. Or, elle ne peut être envisagée seulement dans une perspective de traitement des crises. Elle doit davantage mettre l’accent sur la prévention. L’OIE établit un lien clair entre la santé animale et le bien-être animal et prône la prévention comme la solution « la plus efficace et la plus économique pour protéger l’homme »[4]. Une meilleure prise en compte du bien-être animal dans l’agriculture contribue à améliorer le bien-être et le revenu de l’éleveur, la qualité de l’alimentation et la santé publique, tout en répondant à l’urgence écologique. Il s’agit d’une solution humaniste, écologique et sociale. NB : La note se concentre sur l’élevage en France. La pêche et l’aquaculture ne sont pas traitées, bien que les enjeux sanitaires soient importants. Nous faisons le choix de nous concentrer sur la dissémination d’agents pathogènes de nature accidentelle et d’écarter la question du bioterrorisme. Cette note apporte des solutions pour réduire le risque d’émergence de zoonoses et prévenir la propagation.   I – La biosécurité dans les élevages comme garante de la santé publique 1. Les enjeux écologiques, économiques, sociaux et sanitaires de l’élevage intensif L’élevage intensif est vivement critiqué par rapport au bien-être animal, à la qualité de la viande, ainsi qu’aux conditions de travail des professionnels et à son modèle économique. En 2018, les Français consommaient en moyenne 87,5 kg de viande par an[5], ce qui les place parmi les plus gros consommateurs de viande au monde[6]. Or, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) recommande de ne pas manger plus de 500 grammes de viande par semaine, soit 26 kg par an, bien en-deçà de la consommation actuelle moyenne. Une consommation excessive de viande est jugée néfaste pour la santé selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) car elle favorise l’obésité, les maladies cardio-vasculaires et certains cancers. Les bénéfices de la viande pour la santé humaine sont également conditionnés par sa qualité, amoindrie lorsque l’animal est malade ou la viande transformée. Or, cette dernière représente 30 % des produits carnés consommés, principalement de la charcuterie industrielle ou des plats préparés[7]. Par ailleurs, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) estime que la consommation mondiale de viande va augmenter de 60 % d’ici 2080, tirée notamment par les pays en développement, ce qui a pour conséquences d’augmenter les prix sur les ressources productives et de pousser les éleveurs vers l’agriculture intensive pour dégager des bénéfices[8]. En France, 80 % des animaux sont dans des élevages intensifs. Ce pourcentage est particulièrement haut pour les porcs (95 %) et les volailles (80 % des poulets de chair et 68 % des poules pondeuses)[9]. Au-delà du problème éthique et sanitaire, la mortalité des animaux dans les élevages représente aussi une perte économique pour les éleveurs. À titre d’exemple, pour l’élevage laitier, le manque à gagner s’élève en moyenne entre 2 000 à 4 000 euros pour 50 vêlages (mise à bas des veaux) par an. Les maladies animales provoquent une perte de production liée à la perte de bêtes ou au coût du traitement des agents pathogènes. Une telle perte de production perturbe les marchés locaux et internationaux puisque les conséquences économiques dépassent le territoire et les éleveurs. Des institutions comme la FAO ou l’OIE mettent en avant le fait qu’un cheptel en bonne santé et les pratiques liées au bien-être animal sont des facteurs de performance économique pour les éleveurs[10]. En outre, l’élevage intensif est aussi décrié du point de vue écologique car il pollue les sols et les eaux, notamment par les eaux usées ou le lisier comme nous pouvons le constater en Bretagne avec la prolifération des algues vertes. L’élevage intensif a également émis, en 2019, 18 % des gaz à effet de serre[11]. De plus, il est très consommateur d’eau[12] et de surfaces agricoles, notamment avec la production de céréales pour nourrir le bétail (40 % des céréales vont au bétail)[13], concurrençant la nourriture à destination directe des êtres humains. L’élevage intensif, par ses conséquences écologiques, économiques et sociales, nuit aux écosystèmes, à la santé des professionnels mais aussi à la santé publique. À ces critiques anciennes s’ajoute celle du risque sanitaire réactivé à chaque pandémie, comme celle que nous connaissons aujourd’hui.   2. Les facteurs de risque et conséquences des zoonoses   Le Covid-19 met en lumière le risque sanitaire de transmission des maladies animales à l’humain par les zoonoses ou les contaminations alimentaires. La contamination des humains par des

Par Magat A.

27 juin 2020

Démondialisation, relocalisation et régulation publique : pourquoi et comment

La mondialisation néolibérale est un phénomène qui ne connaît aucun précédent historique. Elle ne se caractérise pas simplement par l’importance du volume des échanges internationaux de marchandises et de capitaux, un indicateur trop limité qui permet à certains analystes d’opérer des rapprochements avec « d’autres mondialisations » qui ont eu lieu à d’autres périodes de l’histoire. Ce qui la caractérise avant tout, c’est une division internationale du travail et une dérégulation publique sans précédent. En d’autres termes, c’est un ordre commercial libre-échangiste qui sert les intérêts d’entreprises multinationales cherchant à bénéficier d’un maximum de libertés d’installation et de circulation. Son caractère inédit réside dans cette capacité des grandes entreprises privées, dans la plupart des secteurs d’activité, à penser leur stratégie et leur organisation à l’échelle de la planète en s’affranchissant de plus en plus ouvertement des régulations nationales. Dans le discours commun (et jusque dans la presse économique), on entend souvent dire que « la France achète à la Chine » ou que « l’Espagne achète à l’Allemagne », donnant ainsi le sentiment que les transactions s’opèrent entre pays.Ces formules entretiennent des illusions. En fait, commande publique mise à part, ce sont des entreprises françaises (ou implantées en France) qui achètent des produits à des entreprises chinoises (ou implantées en Chine) et les distribuent sur le territoire national (ou les transforment pour les réexporter). La dérégulation vise justement à ce que ces transactions s’opèrent avec le moins d’interventions publiques possibles : suppression des « obstacles » tarifaires et non-tarifaires, réduction drastique des contrôles des flux de marchandises et de capitaux… Dans le premier port français, celui du Havre, le nombre de conteneurs ouverts est d’à peine plus d’un pour mille. En 2000, 500 douaniers y travaillaient pour surveiller 1 million de conteneurs par an. En 2019, les effectifs sont tombés à 350 pour 2,9 millions de conteneurs[1]. Il n’entre pas ici dans notre propos de nous attarder sur les conséquences visibles de cet ordre commercial libre-échangiste : délocalisations vers les pays à bas coût de main d’œuvre, désindustrialisation ailleurs, hyperspécialisation qui engendre une concentration dangereuse de productions clés dans un petit nombre de pays, évasion des profits des multinationales vers des paradis fiscaux… Ces questions apparaissent régulièrement dans l’actualité. Il est en revanche plus important d’insister sur l’impuissance auto-organisée des États qui, pour la plupart, ont renoncé aux principauxmoyens dont ils disposaient pour contrôler ou orienter la production, pour prélever et redistribuer les richesses, pour mener des stratégies d’investissements publics. Si quelques gouvernements parmi les plus puissants (Chine, États-Unis, Japon) continuent à protéger leur marché intérieur de façon plus ou moins déguisée, c’est avant tout pour favoriser leurs grandes entreprises nationales dans la concurrence internationale et non pour développer leurs services publics ou contraindre le secteur privé à mieux traiter les salariés. Un bon exemple d’impuissance des pouvoirs publics nous est donné par la politique européenne de lutte contre le changement climatique. Au milieu des années 2000, l’Union a mis en place un marché du carbone, peu contraignant pour les grandes entreprises, mais qui a tout de même suscité des résistances de certaines d’entre elles. Arcelor Mittal, notamment, a exercé un chantage à l’emploi auprès des gouvernements français et belge : soit la nouvelle contrainte de quotas carbone qui devait s’imposer à elle était assouplie, soit la firme allait délocaliser hors de l’Union européenne. Les gouvernements et l’Union finirent par céder et l’absence de « contrainte carbone » fut très officiellement étendue à tous les secteurs exposés à des risques de délocalisation. Or, c’est bien parce que les grandes entreprises peuvent délocaliser (ou choisir librement leurs sous-traitants dans les pays à bas coût de main d’œuvre) qu’aucune politique publique n’est suffisamment efficace pour résoudre la crise environnementale. C’est bien parce que les capitaux circulent librement que les États ne peuvent plus compter que sur leur « attractivité » pour les attirer et disposer d’un minimum de recettes et de ressources budgétaires. Face à ce constat, certains en appellent à une régulation mondiale. Mais compte tenu des rapports de force, impossible d’y compter à court ou moyen terme. Si l’on veut exercer un contrôle démocratique sur la production, il faut donc sortir de cet ordre commercial libre-échangiste, c’est-à-dire relocaliser des activités qui ont quitté le territoire et empêcher que d’autres continuent à partir. Cette relocalisation doit être multisectorielle : il n’est pas question de relocaliser l’alimentation, par exemple, tout en laissant la France continuer à se désindustrialiser. C’est une approche globale de la relocalisation qu’il convient de développer.   I. Relocaliser pour être en mesure de contrôler la production et d’agir sur la distribution des richesses   Il faut lever tout malentendu sur les raisons qui nous amènent à prôner la relocalisation. À quoi cela servirait-il de « produire français » à mode de production constant et dans un ordre économique international globalement inchangé ? Éventuellement à réduire le chômage, ce qui n’est pas rien. Peut-être à réduire des émissions de gaz à effet de serre liées au transport international, à supposer que ce « produire français » concerne un nombre suffisant de secteurs d’activité et serve à alimenter le marché intérieur plutôt qu’à réexporter. Mais ce type de relocalisation resterait dépendant d’une logique mercantiliste et laisserait les choix et modes de production entièrement aux mains des grandes entreprises privées. Elle n’apporterait aucune garantie d’une meilleure répartition de la valeur ajoutée entre capital et travail. Elle poursuivrait l’exploitation des pays du Sud pour l’approvisionnement en matières premières, étant entendu que jamais l’industrie extractive ne sera largement relocalisée et qu’il sera difficile de couvrir les campagnes françaises de champs de coton, par exemple, pour produire du textile. Elle laisserait enfin en place l’économie productiviste qui nous mène tout droit vers la catastrophe environnementale. L’enjeu est donc bien de relocaliser pour changer les choix et modes de production, la distribution des richesses et les relations internationales. Il s’agit de remettre du politique (des objectifs sociaux, environnementaux, de coopération internationale…) dans l’économie nationale et dans les échanges commerciaux là où, précisément, le capitalisme a réussi à l’évacuer grâce à la mondialisation néolibérale. Cette clarification est nécessaire car deux visions de la relocalisation et du

Par Bernier A.

17 juin 2020

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